COMMUNIQUE CONJOINT/JUSTICIA-IRDH/2022/06
Le Conseil de ministres de la République Démocratique du Congo (RDC) du 24 juin dernier, a adopté le projet de l’entreprise Kipay Investment SARL de construire un barrage hydroélectrique sur la rivière Lufira, au village Sombwe, dans la réserve de chasse du Territoire de Mitwaba, province du Haut-Katanga. Au regard de cette décision, Justicia ASBL et l’Institut de recherche en droits humains (IRDH) recommandent aux parties prenantes de respecter les normes environnementales et sociales, au bénéfice des communautés locales et des écosystèmes.
En effet, en présentant ledit projet, Madame Eve Bazaïba Masudi, Vice-Premier ministre, ministre en charge de l’Environnement et développement durable, avait relevé que, d’une part, le barrage de Sombwe va couvrir le besoin en électricité des communautés locales et suppléer à la carence énergétique dont souffre l’industrie minière, poumon de l’économie nationale. De l’autre, le Projet a l’avantage d’estomper le déboisement de la forêt de Miombo, participant ainsi à la protection de l’environnement.
Justicia ASBL et IRDH espèrent que la décision du gouvernement contribuera effectivement à réduire l’énorme déficit énergétique du pays dont seulement 9% de l’ensemble sa population accède à l’électricité. Pire, en milieu rural où habite la majorité des Congolais, c’est à peine 1% qui utilise cette forme d’énergie. Ce besoin augmente à la vitesse vertigineuse de la démographie urbaine. En illustration, la commune de Kampemba, l’une des entités vastes de la ville de Lubumbashi, avec 48 Km² de superficie. Elle comptait en 2016, 440.157 habitants, contre 967.083, en 2020, soit une augmentation de 54,49%, pour une période de cinq ans.
Le barrage d’Inga ne répond pas à la demande énergétique nationale. Afin de résorber cette pénurie, la RDC importe l’énergie électrique de la Zambie vers le Haut-Katanga et le Lualaba, par le truchement des sociétés zambiennes Zambia Electricity Supply Corporation Limited (ZESCO) et Copperbelt Energy Corporation Plc (CEC). De même qu’elle importe de la République du Congo (Congo-Brazza) vers Kinshasa, par le canal l’entreprise congolaise Trade Power.
Cherchant à maximiser le profit du marché énergétique qu’offre l’industrie minière congolaise, la Zambie envisage de construire un autre barrage sur la rivière Luapula, dans le cadre du NEPAD Kolwezi-Solwezi Power Interconnector Project qui soutient le Programme de Développement des Infrastructures en Afrique de l’Union Africaine (Programme for Infrastructure Development in Africa (PIDA).
La RDC chercher à accroître le taux d’accès à l’électricité dans ses 145 territoires, en attirant des investissements privés, via l’Agence Nationale de l’Electrification et des Services Energétiques en milieux rural et périurbain (ANSER). Est brisé le monopole qu’avait la Société Nationale d’Electricité (SNEL), par la loi n° 14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité. Ceci explique l’apparition des développeurs privés tels KIPAY, Tembo Power, la Centrale Thermique de Luena (CTL) et Kibali Gold.
Certes, Sombwe est parmi les 890 sites identifiés pour des aménagements hydroélectriques sur l’ensemble du pays, selon l’Atlas des énergies renouvelables élaboré en 2015 par le gouvernement et l’Institut géographique du Congo, en collaboration avec le PNUD, l’USAID, la SNV, Energy for all et l’ENERCAP.
Cependant, au gouvernement et à KIPAY, les deux ONG recommandent de:
- Continuer la consultation des parties prenantes, afin de balancer la problématique de protection de l’environnement et celle du développement durable;
- Garantir la participation réelle et effective des communautés locales, y compris au moyen des mécanismes permettant de répondre aux plaintes des villageois qui seraient affectés par le projet;
- Associer, en amont de la discussion sur l’environnement, des entreprises minières potentielles consommatrices de l’énergie, notamment, la Gécamines, Tenke/Fungurume Mining (TFM), RUBAMIN, COMMUS, SEK, SOMIKA, KIMIN, CDM, PANCOM, COMIKA, MIKAS, HUACHIN et DEZIWA;
- Veiller au respect des normes environnementales et sociales qui aident à éviter l’impact négatif sur les personnes et l’environnement. Dans les cas où l’impact négatif ne pourrait être évité, il serait minimisé, atténué et mieux géré.
Lubumbashi, le 27 Juin 2022