Le tout-Kinshasa-politique continue à commenter la rencontre qui a eu lieu lundi 16 avril entre « Joseph Kabila » et des députés nationaux de la « majorité présidentielle » et ceux du Parti lumumbiste unifié d’Antoine Gizenga. Interrogé par notre confrère Actualité.cd, le député Patrick Muyaya indique que le cas Jamil Mukulu a été notamment évoqué. Ce dernier est le chef présumé des insaisissables rebelles ougandais des « ADF » (Forces démocratiques alliées).
« Kabila » a surtout parlé de l’attaque de sa résidence de Musienene, située à une vingtaine de kilomètres de la ville de Butembo. Attribuée à des miliciens maï maï non autrement identifiés, cette incursion aurait fait un tué. A savoir, le policier qui gardait les lieux. Les « initiés » assurent que les propriétés du « raïs » sont généralement gardées par les fameux « Bana mura », les « GR ».
Lors de la dernière Assemblée générale des Nations Unies, « Kabila » a soutenu, sans rire, que le Congo-Kinshasa faisait face au « terrorisme ». Il n’osa ajouter l’épithète « islamique ». L’attaque suivie de l’incendie de ladite habitation visait sans doute à « authentifier » la thèse soutenue par le « raïs ».
Après ce sujet, « Kabila » a abordé l’insécurité entretenue dans le Territoire de Beni, selon lui, par les « rebelles » des Forces démocratiques alliées. C’est ici qu’il s’est penché sur le cas de Jamil Mukulu. Ce dernier est présenté par les autorités ougandaises comme étant le leader présumé des « ADF ».
Ouvrons la parenthèse. Arrêté en Tanzanie en mars 2015, « Jamil » fut transféré immédiatement en Ouganda où il attendrait un hypothétique procès.
Lors de son interpellation par des policiers tanzaniens, le « chef » des ADF était en possession de six passeports dont celui du « Congo démocratique ». Il avait l’habitude de voyager en Syrie, en Zambie, au Kenya, en Tanzanie et au … Congo-Kinshasa.
Trois années après, les autorités diplomatiques congolaises n’ont guère entrepris de démarche auprès des dirigeants ougandais pour vérifier l’authenticité dudit passeport. L’Etat congolais ne s’est pas non plus constitué partie civile au regard des crimes barbares attribués à ces « rebelles ougandais » dans le Territoire de Beni. Depuis octobre 2014, on déplore près de 2.000 habitants égorgés ou découpés à la machette. Les assassins, eux, courent toujours.
MANDATS D’ARRETS
Contre toute attente, le 13 février 2018, l’auditorat militaire au Nord-Kivu a lancé des « mandats d’arrêts » contre 26 « responsables » des « ADF » dont un certain Jamil Mukulu. Ceux-ci sont poursuivis du chef de « crime de guerre » et de « crime contre l’humanité » dans le Territoire de Beni. Rire interdit.
Les « communicateurs de la majorité » se sont vite réjouis. Ils croyaient, à tort, que le « raïs » a fini par « confondre » ses contempteurs qui lui reprochaient d’afficher une impassibilité inqualifiable face à la tragédie de Beni. Les « kabilistes » ont fini par déchanter. Il est apparu que c’est l’attentat qui a coûté la vie, le 7 décembre 2017, à 15 casques bleus tanzaniens – à la Base de la Monusco à Semuliki – qui a incité « Kabila » à se réveiller. Fermons la parenthèse.
Revenons à la rencontre du 16 avril. Sur un ton plaintif et désinvolte, « Kabila » de lancer ces mots en direction des députés présents: « J’aurais souhaité que Jamil Mukulu soit extradé en République démocratique du Congo » afin « qu’il réponde des crimes commis sur notre territoire ».
« Joseph » est allé un peu vite en besogne. S’agissant d’une affaire criminelle, Jamil Mukulu et ses présumés combattants continuent à bénéficier de la présomption d’innocence. D’ailleurs, ceux qui leurs accusateurs n’ont jamais apporté des preuves irréfutables à l’appui de leurs allégations.
Dans la tragédie qui se déroule dans le Territoire de Beni, « Joseph Kabila » fait penser à l’acteur comique français Pierre Richard dans le film « Je sais tout, mais je ne dirai rien ». Le Président hors mandat ne peut ignorer qui tire les ficelles en coulisses dans cette partie du pays. Et pour cause?
Fin septembre 2016, l’ancien ministre des Affaires étrangères Antipas Mbusa Nyamwisi a accordé une interview à l’auteur de ces lignes. Natif de Butembo et membre de la puissante ethnie Nande du Nord Kivu, « Antipas » a commencé par balayer du revers de main les griefs articulés à son encontre selon lesquels il ferait partie des « pyromanes ».
AVENUE BOCAGE n° 55, A MA CAMPAGNE
Du berger à la bergère, le président du RCD K-ML a fait une révélation-choc. A savoir que Jamil Mukulu est une « vieille connaissance »… du général-major « Joseph Kabila ». Les deux hommes ont vécu sous le même toit avant l’accession de ce dernier à la tête de l’Etat congolais. « Je peux vous dire que Jamil Mukulu a résidé à Ma Campagne sur l’avenue Bocage n°55 », soulignait-il.
Depuis la prise du pouvoir, le 17 mai 1997, par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), l’ex-Zaïre ne reconnait plus ses « enfants ». Il est vrai que l’AFDL est une trouvaille de l’Ougandais Yoweri Kaguta Museveni et du Rwandais Paul Kagame. Depuis lors, les Zaïro-Congolais ne savent plus qui est qui.
Les panégyristes du successeur de Mzee – c’est le cas notamment de Célestin Kabuya Lumuna Sando – ont tenté, sans succès, d’embellir le parcours des « jumeaux » de Mama Hélène Mtwale (Sifa Mahanya) en l’occurrence Jenny Kyungu Mtwale (Jaynet « Kabila ») et Hippolyte Kabange Mtwale (« Joseph Kabila »).
Dans son ouvrage « Histoire du Congo – Les quatre premiers présidents du Congo », le professeur Kabuya Lumuna écrit que « Jaynet » et « Joseph » seraient les premiers nés de Sifa Mahanya. Il ajoutait que les deux enfants de Mzee ont fait leurs études primaires au Lycée français de Dar es-Salaam.
Lors des élections législatives de 2011, la candidate Janet « Kabila » a démenti implicitement ces assertions. Sur les formulaires de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), elle s’est présentée sous l’identité de Jaynet Désirée Hildegonde Kyungu « Kabila ». Pas un mot sur son passage au Lycée français. Elle indique, au contraire, qu’elle a fait ses études primaires au « Green Valley Primary School » en Ouganda. Elle aurait terminé ses études secondaires en mai 1992 à Irambo Secondary School en Tanzanie.
Comme pour épaissir le mystère, dans une interview accordée au quotidien « Le Soir » daté du 7 mars 2001, « Joseph Kabila » déclarait ces quelques mots: « J’ai aussi vécu dans le maquis qui existait depuis 1990 en Ouganda dans les monts Ruwenzori ». Il semble que les « ADF » avaient leur base dans les environs…
Baudouin Amba Wetshi