Près de quatre années après le déclenchement du cycle des assassinats imputés à des prétendus rebelles de l’ADF (Allied Defence Forces) dans le territoire de Beni, la justice militaire congolaise au Nord-Kivu a lancé mardi 13 février des mandats d’arrêt contre 26 responsables du « groupe armé ADF ». Leader présumé de ces insaisissables « rebelles », l’Ougandais Jamil Mukulu figure sur la liste. Arrêté le 19 mars 2015 en Tanzanie, « Jamil » fut extradé immédiatement en Ouganda. Selon des policiers de ce dernier pays, l’homme était en possession de six passeports dont celui du Congo-Kinshasa. Les autorités congolaises n’ont entrepris aucune démarche diplomatique à ce jour. Connivence? Il semble que l’Ougandais Mukulu est un vieil ami au général-major… « Joseph Kabila ». Celui-ci ne l’a jamais démenti. A quoi joue-t-on?
D’après l’auditorat militaire au Nord-Kivu, les combattants des ADF (Allied Defence Forces) dont question sont recherchés par la justice militaire congolaise. Ils sont poursuivis du chef de « crime de guerre » et de « crime contre l’humanité » dans le Territoire de Beni.
Parmi les individus recherchés, on trouve des Ougandais et des Congolais mais aussi des citoyens d’autres pays. A savoir notamment le Rwanda, la Tanzanie et le Kenya. L’auditorat militaire supérieur opérationnel du Nord-Kivu a fait preuve d’une rare inventivité en transmettant les photos des « rebelles ADF ». Celles-ci ont été transmises aux services de renseignements ougandais. Depuis quand possède-t-on ces photographies? Les intéressés seraient-ils venus volontairement se faire tirer un portrait? Mystère!
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, ce ne sont pas les massacres des habitants de Beni, depuis 2014 à ce jour, qui ont provoqué le « réveil tardif » de « Joseph Kabila ». A l’analyse, il apparait que c’est l’attentat qui a coûté la vie, le 7 décembre 2017, à 15 casques bleus tanzaniens – à la Base de la Monusco à Semuliki – qui est l’élément déclencheur des dits mandats d’arrêts.
En clair, depuis cet attentat qui a, par ailleurs, fait 53 blessés graves, « Kabila » doit faire face aux pressions internationales. D’abord de la Tanzanie. On le sait, le successeur de Mzee entretient des relations pour le moins particulières avec ce pays voisin d’Afrique de l’Est. Un pays qui l’a vu naître et grandir. L’homme a fait son service militaire dans l’armée tanzanienne. Dans un communiqué publié 48 heures après cette attaque, le chef de l’Etat tanzanien John Magufuli s’était dit « choqué » et « attristé ».
Il y a ensuite le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres qui avait clamé son « indignation ». Pour lui, une enquête était impérieuse pour faire toute la lumière sur cette tragédie.
« L’AMI JAMIL MUKULU »
Contre toute attente, l’armée ougandaise (UPDF) a mené des attaques aériennes le 25 décembre 2017 dans la région de Beni (triangle Erengeti). Un communiqué du porte-parole de l’armée indiquera que « plus de 100 terroristes ont été tués ». Des informations difficiles à vérifier. D’après les Ougandais, l’objectif était de prévenir toute intrusion des rebelles ADF sur leur territoire. Etrange.
Le 19 mars 2015, la police tanzanienne a procédé à l’arrestation d’un certain Jamil Mukulu. Citoyen ougandais, l’homme est présenté comme étant le leader présumé des rebelles ADF. Il a été aussitôt transféré à Kampala, en Ouganda. Le procès se fait attendre.
Au moment de son interpellation, « Jamil » était en possession de six passeports dont un du Congo-Kinshasa. On apprendra que l’Ougandais avait l’habitude de voyager en Syrie, en Zambie, au Kenya, en Tanzanie et… dans l’ex-Zaïre. Tiens! Tiens! En attendant, le régime congolais cherche des « boucs émissaires ».
Dans une interview accordée à Congo Indépendant fin septembre 2016, l’ancien ministre congolais des Affaires étrangères et président du RCD K-ML, Antipas Mbusa Nyamuisi, balaya du revers de main les accusations du pouvoir kabiliste selon lesquelles il serait le « tireur de ficelles » derrière les rebelles des ADF suspectés dans les assassinats des habitants de Beni.
D’après Mbusa, dès octobre 2014, il avait tiré la sonnette d’alarme sur les « faits graves qui se passaient à Beni ». Il avait, à l’époque, pointé un doigt accusateur en direction du général Muhindo Akili, alias Mundos. Un fidèle parmi les fidèles de « Joseph Kabila ».
Au cours de cet entretien, « Antipas » fera une révélation-choc. A savoir que l’Ougandais Jamil Mukulu est une vieille connaissance au général-major « Joseph Kabila ». Les deux hommes ont vécu sous le même toit avant l’accession de ce dernier à la tête de l’Etat congolais. « Je peux vous dire que Jamil Mukulu a vécu à Ma Campagne sur l’avenue Bocage n°55 », déclarait Mbusa. A quoi joue « Joseph Kabila »?
B.A.W.
© Congoindépendant 2003-2018