Le lac Kivu contient d’énormes volumes de dioxyde de carbone et de gaz méthane. Ses réserves sont estimées à quelque 60 milliards de mètres cubes. C’est une bombe à retardement. C’est aussi une source d’énergie. Une utilisation contrôlée de ce gaz permet d’assurer l’approvisionnement de la région en électricité et diminuer le risque d’une explosion mortelle de méthane. Depuis cinq ans, le Rwanda exploite, de son côté, ce gaz pour sa centrale thermique qui produit l’électricité. Il a aussi signé, en février 2019, avec la société Gasmeth Energy, un accord de production de gaz butane en bouteilles. Du côté du Congo-Kinshasa, on est toujours au stade des pourparlers. Une situation qui n’est pas sans rappeler le retard pris dans l’exploitation du pétrole du lac Albert, par rapport à l’Ouganda…
Le lac Kivu se situe à la frontière entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Il couvre une superficie totale de 7.000 km². Ce lac contient d’énormes volumes de dioxyde de carbone et de gaz méthane. Il est d’ailleurs l’un des rares au monde ayant une si forte concentration de gaz méthane. Ses réserves sont estimées à quelque 60 milliards de mètres cubes. C’est une bombe à retardement et aussi une source d’énergie.
Le lac est potentiellement une bombe comme ce fut pour le cas, le 21 août 1986, du lac Nyos, dans le Nord-ouest du Cameroun. Une libération dans l’atmosphère d’une grande quantité de dioxyde de carbone (CO2), s’est transformée en une nappe asphyxiante, privant d’oxygène de nombreux habitants de la région, dans un rayon de 25 kilomètres. Il y eut près de 1.700 morts. Il a fallu déplacer par après 3.000 villageois. Ce qui s’est passé au Cameroun peut se répéter aux abords du lac Kivu à une échelle beaucoup plus grande et plus meurtrière. Le lac Kivu couvre une superficie de 7.000 km² contre 1,58 km² pour le lac Nyos. Aux environs du lac Kivu vivent en outre près de deux millions de personnes. Bien plus, au Kivu, des laves provenant des volcans Nyiragongo et/ou Nyamulagira peuvent, au contact du lac Kivu, provoquer une forte explosion du fait de la présence du dioxyde de carbone dissous dans les eaux. Le lac Kivu contiendrait environ 300 milliards de mètres cubes de dioxyde de carbone. Une telle explosion entrainerait des dégâts humains, matériels et environnementaux très importants.
Une utilisation contrôlée de ce gaz permet toutefois d’assurer l’approvisionnement de la région en électricité et diminuer le risque d’une explosion mortelle de méthane. Le Congo/Kinshasa et le Rwanda avaient signé en 1990 un accord visant à exploiter en commun le gaz méthane. Suivant des experts, le gaz du lac peut générer une puissance électrique de 500 mégawatts (MW). C’est dans ce cadre que fut créée la Société commerciale et industrielle pour la mise en valeur du gaz méthane, « SOCIGAZ » en sigle, dans le cadre de la CEPGL (Communauté économique des pays des Grands lacs) aujourd’hui en léthargie.
La CEPGL, créée le 20 septembre 1976, regroupe trois pays de la région des Grands Lacs, à savoir le Rwanda, le Burundi et la RD Congo. Elle a son siège à Gisenyi (Rwanda), lieu qui a abrité la signature de la Convention portant sa création. Les différentes crises que les trois pays membres ont connues (guerres, conflits ethniques, génocides etc.) depuis le déclenchement des processus de démocratisation en Afrique au début des années 1990 ont eu raison de son existence. La SOCIGAZ a suspendu ses activités en 1998.
Du côté du Rwanda, le projet a évolué. En mai 2016, fut inaugurée à Kibuye, dans l’Ouest du Rwanda, une centrale électrique à gaz méthane construite par la société américaine Contour Global. Depuis cinq ans, le Rwanda exploite donc le gaz pour sa centrale thermique qui produit l’électricité. La production est de 25 MW d’électricité. L’objectif du projet est d’atteindre 100 MW. Le Rwanda a aussi signé, en février 2019, avec la société Gasmeth Energy, un accord de production de gaz butane en bouteilles. Mais du côté du Congo/Kinshasa, on est toujours au stade de pourparlers. Cela nous ramène au retard pris dans l’exploitation du pétrole du lac Albert, par rapport à l’Ouganda. Ce retard est imputable au régime Kabila qui s’est illustré pendant plusieurs années par des tergiversations dans le choix des opérateurs tant que leurs intérêts personnels n’étaient pas pris en compte. Il existe actuellement un projet d’exploitation du gaz méthane avec une société tunisienne du nom de Engineering, Procurement & Project Management (EPPM). Le projet Power Kivu est né d’un partenariat entre le groupe tunisien et des investisseurs congolais. Des pourparlers sont en cours.
Le gouvernement congolais est aussi en négociation avec une société sud-africaine dénommé CONGAZ en vue de l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu. Dans les deux cas, il faudra procéder à des investissements allant de 200 à 400 millions de dollars. Espérons que ces investissements seront finalisés bientôt.
Gaston Mutamba Lukusa