Va-t-on assister à une crise au sommet au sein de la coalition « Cap pour le changement » (Cach) du duo Tshisekedi-Kamerhe? « L’invitation » adressée au directeur de cabinet du Président de la République par l’avocat général Sylvain Kaluila Muaka du parquet général près la Cour d’appel de Matete est « imbuvable » pour les cadres de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC). Président de ce parti, Vital Kamerhe (VK) est « invité » à se présenter lundi 6 avril à 13h00 tapant au cabinet de cet officier du ministère public. En cause, le fameux dossier relatif au « programme de 100 jours » de Felix Tshisekedi. L’histoire ne dit pas si le dircab – qui n’est à ce stade qu’un « témoin » – devrait se faire assisté par un avocat.
Dans l’invitation adressée à Vital Kamerhe, l’avocat général Sylvain Kaluila Muaka fait preuve d’une courtoisie toute diplomatique. Conscient sans doute de la complexité du dossier, ce magistrat instructeur prie littéralement « VK » de se présenter à son cabinet « pour une communication relative à l’instruction du dossier judiciaire RMP 2538/PG025.b/2020 ouvert au sujet des travaux de 100 jours du chef de l’Etat ».
Dimanche 5 avril, des cadres de l’UNC ont convoqué une sorte de « conseil de guerre ». Dans une « déclaration politique » publiée dans la soirée, ces derniers dénoncent un « acharnement » autant qu’une « campagne de diabolisation » menés, selon eux, par « certaines officines » contre leur leader. Et d’asséner que cette « invitation » du ministère public « est le point culminant » – traduisez: la goutte d’eau qui fait déborder le vase? – de la volonté de nuire au directeur de cabinet du Président de la République.
L’UNC dont le Président aimait s’affubler du sobriquet de « Nyama n’étumba » (mots en langue lingala qui se traduiraient par: bête de guerre) d’avertir qu’elle a eu à mener des combats plus rudes sans faillir. Et elle est prête à affronter courageusement celui qui pointe à l’horizon.
Comme pour avertir solennellement « Fatshi » des conséquences difficiles à évaluer en ce qui concerne l’avenir de la coalition « Cach », les signataires de ladite déclaration sortent l’artillerie lourde. « L’UNC réaffirme son attachement à la coalition Cach-Fcc et à l’accord de Nairobi sans lequel le Cach n’aurait pas vu le jour et ne serait pas par conséquence arrivé au pouvoir », peut-on lire.
« PROGRAMME DE 100 JOURS »
Le reste du texte n’est que de la rhétorique. On apprend que l’UNC réaffirme notamment « son appui à la vision » du chef de l’Etat et « sa matérialisation (…)« . En lisant entre les lignes, Vital Kamerhe semble suspecter son « allié » Felix Tshisekedi d’avoir décidé de le jeter en pâture.
Selon des sources, « Vital » a déjà été entendu par un magistrat dans une discrétion absolue. Aussi, suspecte-t-il des membres de la Présidence – où il ne compte pas que des admirateurs – d’avoir ébruité son invitation au parquet général de Matete dans le but de l’humilier. L’homme aurait pris la ferme résolution de vendre sa peau chèrement.
De quoi s’agit-il?
Après son investiture à la tête de l’Etat – le 24 janvier 2019 – et en attendant la formation du tout premier gouvernement de la coalition Cach-Fcc, intervenu début septembre -, le président Felix Tshisekedi et son directeur de cabinet ont posé une série d’actes de gestion dans le cadre du très controversé « Programme de 100 jours ». Et ce en méconnaissance des alinéas 2 et 5 de l’article 91 de la Constitution: « (…). Le gouvernement conduit la politique de la nation. (…). Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale (…)« .
A ceux qui critiquent les contrats de gré à gré passés entre la Présidence de la République et des entreprises de la place, « Vital » répliquait que le chef de l’Etat ne devait pas rester les « bras croisés » pendant que les tractations se poursuivaient pour la formation de l’exécutif. « C’est le résultat qui compte », ajoutait-il.
Selon des sources dont l’ODEP (Observation de la Dépense Publique), le « Programme de 100 jours » du chef de l’Etat aurait coûté $ 304 millions. « L’argent décaissé n’a pas été affecté intégralement aux travaux, croit savoir un juriste joint dimanche soir à Kin par l’auteur de ces lignes. Vital Kamerhe devrait collaborer en disant toute la vérité à l’officier du ministère public. Dans le cas contraire, il y a lieu de craindre que son statut de témoin se mue en celui de prévenu ».
Au moment où ces lignes sont écrites, les sauts de moutons contenus dans ledit programme sont toujours inachevés, plus d’une année après. « Les prévenus ayant défilé à la prison de Makala n’ont pas cessé d’accabler Kamerhe », confie un homme d’affaires. C’est le cas, semble-t-il, de l’ancien directeur général de Rawbank? Thierry Taeymans, qui avait ordonné le versement de $ 35 millions au Libanais Jammel Samih.
GARE À L’EFFET BOOMERANG
Depuis plusieurs mois les activistes de la société civile n’ont cessé de poursuivre « Vital » de leur clameur: « Où sont passés les $ 15 millions destinés aux compagnies pétrolières? ». Kamerhe, lui, prétend rester droit sans ses bottes.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » du 8 au 14 septembre 2019, le dircab déclare: « Cet argent n’est pas disparu et le ministre de l’Economie qui a autorité sur le Comité de suivi des prix pétroliers pourra vous l’expliquer ». Quel est l’état de ses relations avec « Felix »? « J’ai le soutien total du chef de l’Etat, je ne le contredit jamais et lui non plus », assure-t-il.
Interrogé à son tour par le même magazine sur le même dossier (Voir J.A n°3076 datée du 22.12.2019), le président Felix Tshisekedi Thsilombo dira que le dossier a été transmis par l’IGF (Inspection générale des finances) au procureur. Ajoutant: « L’enquête suit son cours le plus normalement du monde ».
Fatshi, à qui des diplomates en poste à Kinshasa reprochent de ne pas faire ce qu’il dit, a engagé le redoutable pari de laisser la justice faire son travail. C’est tout à son honneur. L’Etat de droit ne fait-il pas partie des valeurs fondamentales de l’UDPS?
Malin comme un « vieux singe », le « dircab » Vital Kamerhe – qui dit à qui voudrait l’entendre qu’il ferait face à un « petit complot » (Voir J.A du 8 au 14 septembre 2019), prenait soin d’indiquer, noir sur blanc, dans ses correspondances avec des tiers, qu’il agissait « sur instruction de son excellence Monsieur le Président(…)« ou « sur instruction de la haute hiérarchie(…)« .
Gare à l’effet boomerang. Dimanche, aucun observateur ne croyait sérieusement que « Vital ait pu manger tout seul… »
Baudouin Amba Wetshi