Une dizaine de militants des mouvements citoyens « Lutte pour le changement » (Lucha) et « Il est temps » sont détenus de manière arbitraire depuis le mercredi 22 février. Ils manifestaient devant le cabinet du gouverneur de la ville de Kinshasa contre l’insalubrité.
Ces interpellations pour des peccadilles mettent à nu la nervosité d’un pouvoir à bout de souffle. Un pouvoir tyrannique et intolérant dont l’agonie a commencé le 19 décembre 2016, date de l’expiration du second et dernier mandat du président sortant « Joseph Kabila ».
On imagine que les protestataires seront poursuivis du chef de « trouble à l’ordre public ». Et ce pour avoir organisé une manifestation sur la voie publique sans avoir « informé par écrit » l’autorité compétente comme l’énonce le deuxième alinéa de l’article 26 de la Constitution.
« Joseph Kabila » et ses affidés ont tellement pris des libertés avec la Loi fondamentale au point qu’un mur de défiance sépare désormais les gouvernés et les gouvernants. Il faut appartenir à la mouvance kabiliste dite « majorité présidentielle » pour avoir le droit de manifester en plein air et de tenir des réunions politiques. C’est connu, pour être respecté, l’Etat doit représenter l’intérêt général. Dans le cas contraire, ce même Etat ne mérite que le mépris.
Dans un communiqué publié jeudi 23 février, l’association de défense des droits humains « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » a divulgué l’identité des prévenus. Il s’agit de: Bienvenu Matumo, Jonas Bulubulu, Tony Mozili, Djody Mabanzambabi, Mbuwa Herman, Masambo, Kongawi Felly, Ntwa Christian, Joyce, Lewis Yola.
Les récentes pluies diluviennes qui s’étaient abattues sur la capitale congolaise avaient mis les Kinois dans tous leurs états. Il fallait quasiment prendre une pirogue pour se déplacer. Dieu seul sait les conséquences de ces intempéries au plan sanitaire dans cette mégalopole qui souffre de graves problèmes d’insalubrité.
A Kinshasa, les ordures ménagères ne sont collectées que dans cinq ou six communes dont celle de la Gombe. La ville qui s’étend sur une superficie de 9.900 km² compte 24 municipalités. Démunies de ressources financières mais aussi de volonté politique, ces agglomérations semblent ignorer leur raison d’être qui se résume à fournir des services sociaux de qualité et un meilleur cadre de vie à la population.
Que voit-on? Les immondices s’accumulent. Les caniveaux ne sont pas curés. Inutile de parler des eaux qui stagnent. Les maladies liées à la saleté font rage. On peut citer: paludisme, diarrhées, typhoïde, infections respiratoires, choléra.
Depuis 2007 à ce jour, la capitale congolaise est « administrée » par le parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Le parti présidentiel. Le bilan est tout simplement calamiteux.
Lors de son discours d’investiture le 20 décembre 2011, « Joseph Kabila » avait annoncé un nouveau projet politique dit « La révolution de la modernité ». Six années après, le constat est là: le fameux projet n’était qu’un chapelet d’incantations destinées à dissimuler une absence totale de vision.
En seize années de pouvoir, « Joseph » n’a pas été capable de rencontrer la moindre attente de la population en eau et électricité. Inutile de parler de la santé, de l’éducation et des infrastructures. A son « actif », le « raïs » n’aligne à ce jour que l’intolérance et la brutalité. L’homme semble avoir le dialogue en horreur.
Au-delà de tout, c’est le mutisme du Premier ministre Samy Badibanga qui détonne. Depuis son investiture par l’Assemblée nationale, « Samy » se tait devant l’arbitraire et l’injustice qui se commentent chaque jour. Considère-t-il à tort comme ses prédécesseurs que les questions sécuritaires et judiciaires relèveraient du « domaine réservé » du chef de l’Etat?
Soucieux de préserver son poste, il n’ose pas faire de vagues. Sait-on jamais! Qui oserait lui jeter la première pierre? Reste que cette couardise – le mot n’est pas trop fort – est révélatrice de la différence entre un politicien et un homme d’Etat. Le premier se soucie de ses intérêts. Le second, lui, veille sur l’intérêt général.
Deux mois après son investiture, Badibanga Ntita peine à « exister » en tant que chef de gouvernement. Et pourtant, l’article 91-4 de la Constitution énonce que « le gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité ».
L’arrestation des activistes précités des mouvements citoyens « Lucha » et « Il est temps » relève de l’arbitraire autant que d’un excès de pouvoir. Le « Premier » Badibanga doit rompre le silence. C’est un devoir de cohérence entre le dire et le faire. N’avait-il pas déclaré dans son allocution d’investiture, le 22 décembre dernier, que « nous travaillerons pour la suppression des arrestations arbitraires, et veillerons à ce que soient évités des cas des condamnations, résultant des procès purement politiques »?
Baudouin Amba Wetshi