« La première de toutes les forces qui mènent le monde est le mensonge », écrivait, JF Revel dans son ouvrage « La connaissance inutile », publié chez Grasset.
Le 27 janvier dernier, le journal suisse « Blick » a publié des informations selon lesquelles des membres de la suite du chef de l’Etat congolais, au sommet de Davos, avaient quitté leurs hôtels, situés dans la commune d’Arosa, sans payer les frais de séjour. Ce n’est pas notre sujet.
En parcourant une fiche de réservation établie via Booking.com, un nom a attiré l’attention de l’auteur de ces lignes. Il s’agit de David Beylard. Celui-ci n’était qu’une tierce personne. Un intermédiaire. Congolais naturalisé Français, l’homme est né le 20 janvier 1964 à Lubumbashi. Vous avez dit Lubumbashi?
En « fouinant » dans le passé, il est apparu que sieur David Beylard s’appelle – s’appelait? – David Beya Batakalwa. Ce patronyme ne dit sans doute rien à tous les natifs des années 90.
En fait, un événement survenu au début des années 90 constitue, sans conteste, le point de départ du désordre économique et socio-politique dans lequel le Congo-Zaïre s’est embourbé depuis trois décennies. Cet événement n’est autre que le fameux « massacre de Lubumbashi ». Un massacre sans cadavres. Pire, les parents des « victimes » sont invisibles. Étrangement, les tenants de la thèse d’une « tuerie massive » ont « débusqué » le « commanditaire ». Suivez mon regard.
Le 24 avril 1990, le président Mobutu annonce la fin du Mouvement populaire de la révolution en tant que parti-Etat. Il annonce également la restauration du multipartisme. Le 3 mai, le chef de l’Etat zaïrois prononce un second discours qui est interprété, à tort ou à raison, comme une « reprise en main » du processus de démocratisation enclenché. Le monde estudiantin entre en ébullition.
A Lubumbashi, l’étudiante Rose-Marie Baramoto Koto, sœur cadette du général Philémon Baramoto Kpama, est agressée par des camarades au campus de Kasapa. Des étudiants originaires de l’Equateur s’interposent. C’est la chasse aux « équatoriens ». Dans la nuit du 11 au 12 mai 1990, certains « homes » du campus sont attaqués. L’action est attribuée à un groupe d’ « équatoriens » dans une opération dite « Lititi Mboka ».
Le 22 mai 1990, le quotidien bruxellois « Le Soir » créé l’événement en annonçant que « plusieurs dizaines d’étudiants ont été égorgés au Shaba » par un commando de la DSP (Division spéciale présidentielle), venu de Gbadolite. « Certains étudiants affirment que le président Mobutu a assisté personnellement à l’opération, depuis un hélicoptère descendu près du campus, mais nulle confirmation n’a pu être donnée à ces témoignages », souligne Braeckman. Du grand art en matière de désinformation.
Les « révélations » du « Soir » sont aussitôt balayées d’un revers de main par les autorités zaïro-congolaises. Pour elles, il s’est agi d’un rixe entre étudiants. Bilan: 14 blessés dont trois graves (les étudiants Yokoto, Mange et Zongia). Un mort: l’étudiant Ilombe wa Ilombe. Le mal est fait. Les médias internationaux se déchaînent. Chacun y va de son « bilan »: 50, 100, 150 tués etc.
Comme pour crédibiliser la thèse d’un « carnage », Jean Nguz Karl i Bond, président du parti républicain indépendant (PRI), entre dans la danse: « Je sais où se trouvent les charniers ». Ce coup de gueule est relayé à Lubumbashi par Gabriel Kyungu wa Kumwanza. A Bruxelles, le professeur Lushois Mufuta Kabemba enfonce le clou en multipliant des points de presse. Pour lui, il y a eu des tueries massives.
Au mois de mai 1990, Beya Batakalwa était étudiant en relations internationales à l’université de Lubumbashi. Dans son ouvrage « Le Dinosaure, le Zaïre de Mobutu », publié en 1992 aux éditions Fayard, la journaliste belge Colette Braeckman le cite abondamment en le présentant comme un témoin direct du « massacre ». Sans administrer le moindre début de preuve, l’auteur avance à la page 23 de son livre un bilan de « 347 morts ». Problème: les parents des « victimes » restent désespérément introuvables. Et ce vingt-deux années après la chute de Mobutu Sese Seko.
Présenté comme co-fondateur – avec Victor Digekisa – d’un syndicat étudiant dit « Solidarité », Beya Batakalwa assure que cette organisation avait publié un mémo demandant la démission du maréchal Mobutu. Selon lui, c’est le « mobile » qui aurait incité le chef de l’Etat zaïrois d’envoyer un commando pour « punir » les « contestataires ».
Au moment des faits, le Shaba-Katanga était dirigé par Louis Koya Gialo Ngbase te Gerengbo, un homme apprécié par ses administrés. Pour avoir fait interrompre la fourniture d’eau d’électricité au campus le jour de l’opération « Lititi Mboka », le gouverneur sera le parfait bouc émissaire. Il sera jugé et condamné. Après sa libération, Koya Gialo finit par rejoindre le « clan kabiliste ». Il aura à assumer les fonctions de Premier ministre. A titre intérimaire.
Elu gouverneur de la province de l’Equateur, Koya Gialo décède le 14 décembre 2014. Pris de remord, Lambert Mende Omalanga, alors ministre de la Communication et des médias, de déclarer: « Le massacre de Lubumbashi n’a jamais eu lieu. C’est fut un montage des organisations non gouvernementales ». Dieu sait le rôle joué jadis par l’opposant Mende Lambert dans l’alimentation des médias internationaux en « témoignages ».
L’affaire dite du massacre des étudiants de Lubumbashi a servi de prétexte à la déstabilisation du pays tout entier. Accusées faussement d’avoir tué des étudiants, les forces armées zaïroises ont été abominées. « L’armée de Mobutu », disait-on. La suite est connue avec le déclenchement la guerre dite des « Banyamulenge » en octobre 1996 et l’arrivée au pouvoir de LD Kabila.
Trente années après, que reste-t-il du massacre de l’université de Lubumbashi? Poser la question, c’est y répondre…
Baudouin Amba Wetshi