En 2016, deux journalistes du quotidien français « Le Monde » en l’occurrence Gérard Davet et Fabrice Lhomme, avaient publié, sous le titre « Un Président ne devrait pas dire ça », pour décrire la « liberté de ton » pour le moins déconcertante avec laquelle le Président dont question leur a parlé de son quinquennat. Il s’agit de François Hollande.
Au cours de la même année, le journaliste français Cyril Graziani, grand reporter à France Inter, a sorti son ouvrage « Le premier secrétaire de la République » avec comme sous-titre: « Dans les coulisses du quinquennat ». Un portrait décapant.
Ces deux essais politiques décrivent l’ancien président François Hollande sous son plus mauvais jour. On apprend à la lecture que l’homme n’a pas été capable de se dépouiller des habits de premier secrétaire du parti socialiste qu’il fut en revêtant ceux, plus majestueux, de chef de l’Etat.
Les propos tenus, dimanche 19 janvier, par le président Felix Tshisekedi devant des membres de la diaspora congolaise à Londres, est au centre d’une querelle qui confirme le caractère fictif, voire contre-nature, de la coalition Fcc-Cach. Une coalition dont la survie tient à un fil. A-t-on déjà vu des « conservateurs » faire bon ménage avec des « réformistes »?
Au cours des premiers mois de sa présence à la tête de l’Etat, « Felix » a insufflé un relatif vent d’espoir. Un espoir de renouveau. Et ce en dépit du caractère chaotique des élections du 30 décembre 2018. Le successeur de « Kabila » s’est efforcé de prendre le contre-pied de ce dernier en faisant libérer quelques prisonniers d’opinion. Le retour de certains exilés et la conduite d’une diplomatie plus pondérée sont à insérer dans ce registre. Le changement tarde à venir au plan économique et social.
Au fil du temps, le président Tshisekedi a fini par démontrer qu’il éprouvait le plus grand mal à se débarrasser du discours à l’emporte-pièce et grandiloquent qu’il maniait avec maestria lorsqu’il militait dans les rangs de l’opposition dite « radicale ». L’homme peine à trouver la parole juste, plus responsable, apaisante et conforme au prestige de la fonction.
A quelques 48 heures de la commémoration du premier anniversaire de la passation de pouvoir entre « Joseph Kabila » et son successeur, on assiste à une crise institutionnelle. Au niveau verbal.
Aux menaces brandies par Fatshi de dissoudre l’Assemblée nationale, la « Speaker » Jeanine Mabunda a réagi mardi 21 janvier en sortant ses griffes tout en rappelant les conditions légales d’une dissolution. Dans le cas contraire, elle n’a pas exclu, en termes à peine voilés, de mettre l’actuel locataire du Palais de la nation en accusation pour violation de la Constitution. Ambiance!
Depuis son accession à la tête de l’Etat, Tshisekedi Tshilombo a inauguré une mauvaise habitude consistant à équivoquer des questions de politique intérieure lors de ses voyages à l’étranger. L’homme semble affectionner un certain populisme se traduisant par des annonces fracassantes qui flattent les tympans de ses partisans.
En visite à Washington, en avril dernier, le chef de l’Etat congolais n’avait pas hésité à demander à ses interlocuteurs américains de l’aider à « déboulonner le système dictatorial » en place. De passage à Paris, au mois de novembre, il qualifia ses anciens camarades restés dans l’opposition de « Ndoki » (sorciers). Fallait-il évoquer avec tant de désinvolture un sujet aussi clivant que celui des émigrés banyarwanda dits « banyamulenge »? Fallait-il menacer les ministres « indisciplinés » de révocation?
De l’avis général, « Fatshi », comme l’appellent ses admirateurs, use et abuse des paroles qui travaillent contre sa personne. A force de parler et de promettre sans agir, l’homme est en passe de perdre l’opinion.
L’intransigeante affichée par la présidente Jeanine Mabunda sur le respect de la légalité prête à sourire. Les Congolais ont encore frais en mémoire les 18 années au cours desquelles l’ex-président « Kabila » confondait l’Etat avec sa personne. Des décisions de haute importance furent prises au cabinet présidentiel sans délibération en conseil des ministres. Qui aurait pu « toiser » le « raïs » omnipotent? Vive l’Etat de droit en gestation!
Bien que houleuse, la controverse suscitée par l’adresse de Fatshi au Royaume-Uni est à la limite saine. Elle démontre que l’unanimisme n’a plus de place au Congo-Zaïre. Le débat démocratique commence à s’ancrer dans les mœurs. Une certitude: les Congolais n’entendent plus être pris en otage par une minorité de concitoyens plus soucieuse de leurs intérêts que du bien commun.
Il faut espérer que Felix Tshisekedi s’efforcera de se dépouiller des habits de président du principal parti de l’opposition – qui lui colle à la peau à l’image du sparadrap du capitaine Haddock – pour enfiler, enfin, ceux du Président de la République. Un Président qui parle moins en agissant plus.
Baudouin Amba Wetshi