Dans une interview accordée à « Radio Vatican », vendredi 17 janvier, à l’issue de l’audience chez le Pape François, le président Felix Tshisekedi a annoncé l’organisation « très bientôt » des missions d’audit « dans tous les secteurs de la vie publique ». L’histoire ne dit pas si la mouvance kabiliste « Fcc » est de même avis. « Fatshi » répondait à une question sur la fameuse taxe « Go pass » que les voyageurs sont tenus d’acquitter avant de prendre un vol intérieur ou extérieur du Congo-Kinshasa. Soumis à des « pressions amicales » de la part de certaines « chancelleries occidentales, le chef de l’Etat parait contraint de remettre la lutte contre la corruption, l’impunité et les antivaleurs à l’agenda politique. Depuis son investiture à la tête de l’Etat, il y a un an, « Fatshi » brille par un discours irrésolu dans ces questions considérées jadis comme l’alpha et l’oméga de l’UDPS.
Le vendredi 24 janvier prochain (24.01.2019-24.01.2020), Felix Tshisekedi Tshilombo va commémorer les douze premiers mois de son accession – chahutée – à la tête de l’Etat congolais replongeant le pays dans une nouvelle contestation de la légitimité. Bref, une crise politique.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur après la proclamation des « résultats provisoires » de l’élection présidentielle et la confirmation de ceux-ci par la Cour constitutionnelle, les évêques de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) ont fini par mettre « beaucoup d’eau » dans leur vin en invitant les nouveaux gouvernants « à rompre radicalement avec les antivaleurs des anciens régimes » et à promouvoir une « meilleure gouvernance ». (Voir la déclaration « La vérité vous rendra libres » publiée à l’issue de la session ordinaire du 27 février au 2 mars 2019).
La bonne gouvernance est reconnaissable par quelques critères admis universellement. A savoir notamment: la transparence, l’obligation de rendre compte, l’efficacité, la primauté du droit.
UN PARCOURS DIPLOMATIQUE QUASI SANS FAUTE
Positivons. Lorsqu’on scrute le chemin parcouru par le successeur de « Joseph Kabila » au cours de ses douze premiers mois à la tête de l’Etat, force est de remarquer que l’homme a insufflé une relative ambiance libérale dans le pays. Et ce quoique certaines mauvaises habitudes continuent à avoir la peau dure dans les milieux des « forces de l’ordre ». Conscient de cette situation, Felix Tshisekedi n’a pu s’empêcher de relever ce qui suit dans son message à la nation du 29 juin 2019: « Je tiens à vous rassurer (…) que les choses iront de mieux en mieux dans le strict respect des lois de la République et de l’établissement d’un Etat de droit ».
Outre cette relative ambiance libérale, la diplomatie est et reste le secteur où « Fatshi » a accompli un parcours quasiment sans faute. Désormais, le monde extérieur semble regarder le Congo-Kinshasa avec une certaine sympathie. Et pour cause? La « diplomatie conflictuelle » – menée jadis par les « nationalistes-souverainistes » autoproclamés qui entouraient « Kabila » – est remplacée par une « diplomatie apaisante », délester des outrances verbales.
LE « CHANGEMENT » SE FAIT ATTENDRE
Si sur le plan extérieur, « Fatshi » a « brillé » de mille feux, au plan intérieur, c’est le statu quo. Le doute devient le sentiment le mieux partagé par la grande majorité des Congolais. Le doute porte sur l’autonomie du nouveau Président. Et surtout sa capacité à fendre l’armure appelée coalition Cach-Fcc pour tenir ses promesses de réformes. Sur ce terrain, l’homme s’illustre par l’irrésolution. Il dit une chose et son contraire.
Répondant à une question du journaliste de « Radio Vatican » sur le sort de la très controversée taxe « Go pass » et la destination donnée aux sommes d’argent perçues, Felix Tshisekedi a créé l’événement en annonçant l’organisation « très bientôt » des audits « dans tous les secteurs de la vie publique ». Selon lui, l’objectif est de « faire l’état de lieu » afin de connaitre les capacités du pays à mobiliser les ressources et pour combattre la corruption « qui a gangrené notre administration ». Fanfaronnade? « Felix » est-il, enfin, décidé à croiser le fer avec « Kabila » et sa fratrie dont les tentacules s’étendent à tous les secteurs économico-financiers du pays?
La taxe « Go pass » a été instaurée par « Kabila » en 2009. Cela fait dix ans depuis que les habitants du Congo-Kinshasa déboursent la somme de 35 $ US pour voyager à l’intérieur du pays, 58 $ pour aller à l’étranger. Quelle est la destination donnée à cet argent?
SUPPRIMER LA TAXE « GO PASS »
Dans une déclaration faite, début avril 2019, le député national André-Claudel Lubaya exhortait « Felix » à faire « supprimer » cet impôt un peu spécial lequel, selon lui, entrave la liberté de circulation des voyageurs et constitue un « fardeau » pour eux. Et de fustiger, au passage, l’opacité dans laquelle cet argent est encaissé par la Régie des voies aériennes (RVA).
Douze mois après son investiture, Felix Tshisekedi Tshilombo donne l’impression de « trembler » chaque fois qu’il doit aborder la question relative à la lutte contre les antivaleurs. La crise d’autorité est patente au niveau de l’institution Président de la République. Une institution qui commande sans se faire obéir. Les ordonnances nommant des mandats publics à la Gécamines et la SNCC (Chemin de fer) tiennent lieu de fâcheux précédent. Les hommes et femmes nommés jadis par « Kabila » continuent à tout contrôler: l’armée, la police, les services de renseignements, la direction générale de migration. Sans omettre la DGDA (Douane), la Banque centrale du Congo, les régies génératrices des recettes (DGRAD, DGI) etc.
« PRESSIONS AMICALES » ET DÉNÉGATION
Répondant, fin décembre, à la question de l’hebdomadaire « Jeune Afrique » n°3076 H de savoir s’il allait initier des audits dans les grandes entreprises publiques, Fatshi a eu ces mots: « Ce n’est pas mon rôle, c’est celui du gouvernement ».
Cette réponse n’est pas sans rappeler la réponse qu’il avait donnée, le 22 septembre 2019, à TV5 Monde, sur le sort à réserver aux personnalités de l’ancien régime convaincues de « crimes économiques »: « Je n’entends nullement aller fouiner dans le passé. Je n’ai pas de temps à perdre ».
En fait, le chef de l’Etat congolais n’est pas à une dénégation près en matière de lutte contre la corruption et l’impunité. Cette inconstance est révélatrice des « pressions amicales » que le dirigeant congolais subirait de la part de certains milieux occidentaux, « fatigués » par l’immobilisme ambiant.
Dans son discours prononcé le 14 décembre dernier sur l’état de la nation, Fatshi a semblé confirmer ces pressions en déclarant: « Je serai intraitable face à la corruption ». Les audits annoncés traduisent-ils sa volonté d’aller enfin « fouiner dans le passé »?
Baudouin Amba Wetshi