Au cours d’un point de presse qu’il a animé lundi 6 janvier 2020, André-Alain Atundu, porte-parole de la mouvance kabiliste « Fcc » (Front commun pour le Congo) a annoncé « deux conditions indispensables » pour mettre fin aux « tueries récurrentes » dans les provinces du Kivu et de l’Ituri. Une blague? Durant les dix-huit années de « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat, le constat est là: les bandes armées tant nationales qu’internationales n’ont pas cessé de « fleurir ».
« La coopération internationale dans la lutte contre les terroristes » et « l’adhésion de la population locale » seraient, selon André-Alain Atundu Liongo, les « conditions indispensables » pour mettre fin aux tueries dans les deux provinces du Kivu et de l’Ituri. « Tout patriote congolais, conscient des intérêts réels et bien compris de nos populations a l’obligation d’encourager et de soutenir toute initiative gouvernementale dans le sens et dans la perspective de la réalisation de ces deux exigences fondamentales », a-t-il déclaré. Venant de la mouvance kabiliste, faudrait-il en rire ou en pleurer?
L’orateur a lancé, sans doute par procuration, un appel à « tout Congolais patriote ». Le patriotisme, parlons-en.
Le patriotisme est un sentiment d’appartenance à cette communauté politique qu’on appelle la patrie. Peut-on décemment attribuer l’épithète « patriote » à « Joseph Kabila » alors que l’homme a démontré à suffisance qu’il n’avait aucune attache avec le Congo-Kinshasa? Les membres de sa fratrie ne font-ils pas autant? La diction des membres de cette famille ne sonne-t-elle pas comme un refus obstiné de s’intégrer dans la société congolaise?
Peut-on mériter le qualificatif de patriote lorsqu’on a non seulement vu le jour et grandi dans un pays étranger sous le drapeau duquel on a servi? Peut-on se dire patriote dans un pays sans avoir la moindre attache psychologique?
PROMESSES NON-TENUES
Atundu plaide en faveur de ce qu’il appelle « l’indispensable coopération internationale » pour lutter contre les « terroristes ». Au motif, d’après lui, que « l’idéologie djiadiste » nécessite que l’ex-Zaïre demande l’aide extérieure.
L’ex-officier de renseignement sous Mobutu Sese Seko – qui est loin d’être un homme sans mémoire – n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique en désignant les Etats qui pourraient avoir un quelconque intérêt pour s’associer avec le Congo-Kin dans cette lutte anti-terroriste. L’Angola? Le Burundi? Le Congo Brazzaville? L’Ouganda? Le Rwanda? La Tanzanie? La Chine? La Russie?
Les Congolais en général et les Kivutiens en particulier ont encore frais en mémoire la fameuse opération « Umoja wetu ». En mars 2009, les Congolais furent stupéfaits d’apprendre que des soldats de l’armée rwandaise (RDF) se sont déployés au Nord-Kivu aux côtés des Fardc. But avoué: traquer les « forces négatives ». Quid du résultat? Mystère!
Selon Atundu Liongo, la seconde condition pour mettre fin aux tueries n’est ni plus ni moins que « l’adhésion de la population locale ». A quoi devrait adhérer cette population désillusionnée par les promesses non-tenues des politiciens?
DISCOURS FAUSSEMENT RASSURANT
Coïncidence ou pas, le colonel Mamadou Ndala, commandant du 42ème bataillon commando, a été assassiné aux environs de Beni-ville. Les circonstances exactes de cette mort violente n’ont jamais été élucidées. C’était le 2 janvier 2014. Son aide de camp, le capitaine Moïse Banza, n’a jamais été revu en vie après son interpellation par les fameux « GR », le 4 janvier à Kinshasa.
Depuis le mois d’octobre de cette même année, les habitants du Territoire de Beni, au Nord-Kivu, ne cesse de pleurer leurs morts. Les discours faussement rassurants n’ont pas manqué.
Dans son message à la Nation le 29 juin 2014, « Kabila » s’est cru en droit de bomber le torse en déclarant: « J’annonce solennellement à la nation congolaise que nos forces armées ont le contrôle absolu de l’ensemble national ». Et de poursuivre: « En effet, depuis fin 2013, il a été mis fin à la rébellion et à la guerre dans plusieurs contrées du pays; les mouvements terroristes qui opéraient dans le Grand Nord, au Kivu, ont été éradiqués (…)« . Vous avez bien lu.
Le 19 décembre 2015, le même « Kabila » se rend à Oïcha, le chef-lieu du Territoire de Beni. Dans un speech, il aggrava son cas en promettant la « neutralisation des groupes qui écument le territoire de Beni dont les rebelles ougandais de l’ADF ». A l’époque, le nombre de victimes s’élevait déjà à 300. En ce mois de janvier 2020, on compte plus de 3.000 morts.
Selon des sources, on assiste à un phénomène nouveau dans cette partie du pays. A savoir: le nombre de plus en plus important des personnes « dépressives ». C’est un euphémisme. Il s’agit sans aucun doute des conséquences d’un traumatisme. Les psychologues et les psychiatres apprécieront.
QUI DOIT DIALOGUER AVEC QUI?
Au lieu de s’arrêter à la quête de l’adhésion de la population locale, le porte-parole du Fcc poussa l’outrecuidance jusqu’à proposer aux Congolais d’adopter une « approche pragmatique » à l’image des pourparlers qui se déroulent au Qatar entre les envoyés de l’Administration Trump et les représentants des Talibans.
Comprenne qui pourra quand on sait qu’il faut être au moins à deux pour dialoguer. Comment reconnait-on un rebelle ADF? A ce jour, personne ne sait à quoi ressemble un « Djiadiste » portant le label « ADF ». Des tueurs insaisissables.
En janvier 2015, la police tanzanienne avait arrêté l’Ougandais Jamil Mukulu. Celui-ci est présenté comme étant le « leader » des rebelles « ADF ». Au moment de son interpellation, « Jamil » détenait, par devers lui, six passeports dont celui du Congo-Kinshasa.
Aucune démarche diplomatique n’a été entreprise au cours des trois dernières années de « Kabila » à la tête de l’Etat. Personne ne s’est soucié d’identifier l’autorité émettrice de ce document de voyage. Histoire de remonter la filière éventuelle. Est-ce parce que le sieur Mukulu serait une vieille connaissance au général-major « Joseph Kabila ». Et que les deux hommes ont vécu sous le même toit sur 55, avenue Bocage au Quartier Ma Campagne à Kin?
Il n’est pas sans intérêt de rapporter les propos tenus par le successeur de Mzee dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 7 mars 2001: « Après mon enfance à Hewa Bora, nous sommes allés en Ouganda, en Tanzanie. J’ai aussi vécu dans le maquis qui existait depuis 1990 en Ouganda, dans les monts Ruwenzori… »
Tous ces faits disqualifient la prétendue « autorité morale » dont la loyauté vis-à-vis du Congo-Kinshasa n’a jamais cessé d’être chancelante. Quel est le piège qui se dissimule derrière les « deux conditions indispensables » formulées par le Fcc pour arrêter les tueries? Qui doit dialoguer avec qui?
Baudouin Amba Wetshi