Gouverneur de la province de Tanganyika depuis le mois d’avril 2019, Zoé « Kabila » se voit reprocher une série d’actes constitutifs d’excès de pouvoir. Dans un mémorandum daté du 20 décembre 2019 adressée au Président de la République, trois chefs coutumiers et trois chefs de groupements et localités du Territoire de Kalemie font état d’arrestations arbitraires, expropriations et spoliations. Depuis 2016, « Joseph Kabila », chef omnipotent, a investi plusieurs dizaines de millions de dollars dans les infrastructures de cette ville congolaise. Des investissements qui « puent » à mille lieux une vaste opération de blanchiment. Question: la ville de Kalemie va-t-elle devenir un lieu de rendez-vous pour tous les « blanchisseurs » de l’argent sale?
Dans son message de vœux de nouvel an qu’il a lu le mardi 31 décembre dans les studios de la station provinciale de la RTNC/Tanganyika – avec son accent à couper au couteau -, le gouverneur Zoé « Kabila » est apparu plutôt serein. « J’espère que cette année sera une année de prospérité où vos projets vont se matérialiser ». Il a terminé son adresse par un appel à l’unité en citant la devise belge: « L’union fait la force ». Ignorance? Dédain?
En visite à Kalemie, du mardi 31 décembre 2019 à jeudi 2 janvier 2020, le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba semblait également ignorer l’existence du mémorandum précité. Il n’en a pas fait mention. Et ce bien qu’une copie lui a été destinée.
Au chef-lieu de la province de Tanganyika, le « Premier » a pu, en compagnie de « Zoé », visiter le nouveau bâtiment de l’Assemblée provinciale, financé par la province.
Ilunga Ilunkamba a visité également d’autres travaux dont l’initiateur et le financier n’ont pas été cités parce qu’il s’agit de « Joseph Kabila »: un bateau de 3.500 tonnes et 500 places, un pont sur la rivière Lukunga, un hôpital moderne dit « hôpital espoir », un stade omnisports de 15.000 places, l’allongement de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kalemie de 1.750 à 2.500 mètres.
On apprenait qu’une entreprise française serait occupée à installer des signaux lumineux devant guider les aéronefs durant les vols nocturnes. On apprenait également que la Régie des voies aériennes (RVA) entend élever Kalemie au rang d’aéroport international. On cherche en vain les sites touristiques à visiter ou l’attrait économique.
« RÉGIME DE TERREUR »
On ne pourrait que comprendre la « préoccupation » exprimée par l’ancien candidat à la Présidence Martin Fayulu Madidi dans son message « à la nation ». « (…), Je dénonce l’idée de la ‘privatisation’ de la province de Tanganyika dans le sens de l’ériger en ‘principauté’ qui serait un Etat dans un Etat, propriété exclusive d’une famille ».
Pour mémoire, en avril 2016, le journaliste américain Richard Miniter du magazine américain « Forbes » avait crédité « Kabila » d’une fortune mal acquise évaluée à 15 milliards $. Du « cash » dont l’origine est difficilement avouable.
Dans la correspondance adressée au président Felix Tshisekedi Tshilombo, les chefs coutumiers Benze, Tumbwe, Rutuku et les chefs de groupements et localités Moni, Lukwangulu et Kasabondo décrivent par le menu la paralysie administrative et le pillage des ressources qui règnent dans cette province. Et ce depuis l’avènement à sa tête du frère de l’ex-président. Un « intouchable » qui ne ferait qu’à sa tête.
Au lieu d’être au service de la province et de la population, le gouverneur « Zoé » a mis celles-ci à son service. « La province du Tanganyika et plus particulièrement le territoire de Kalemie sont pris en otage » par le chef de l’exécutif provincial et son « dircab », un certain Kitwanga, alias « Hitler ».
Parmi les autres oukases chahutés par les « chefs », on peut citer notamment la fermeture des petits ports JSK et Comter où les habitants ont l’habitude d’accoster leurs pirogues après avoir pêché dans le lac Tanganyika. Il y a aussi des démolitions de maisons, des expropriations et spoliations. « Nous vivons vraiment dans un régime de terreur à Kalemie », soulignent-ils.
QUE MIJOTE LA FRATRIE « KABILA »?
Pour une raison connue de lui seul, le gouverneur a sommé plusieurs milliers d’habitants des ilots Kibizye et Bilila situés dans le lac Tanganyika « d’aller vivre ailleurs ». « Il est en train de convoiter ces îlots soupçonnés de regorger des minerais précieux », notent-ils.
Les rédacteurs de ce mémorandum accusent « Zoé » de s’être attribué, sans titre ni droit, un vaste territoire estimé à 15.000 km² en vue d’installer une « ferme ». Agit-il par « procuration »?
C’est depuis le mois de juin 2016 – soit six mois avant la date d’expiration de second mandat – que « Joseph Kabila » a commencé à « lorgner » sur la ville de Kalemie. Une agglomération qui n’est séparée de la Tanzanie que par le lac Tanganyika.
On le sait, les membres de la fratrie « Kabila » ont passé la majeure partie de leur existence dans ce pays voisin qui les a vus naître. Pays où ils ont grandi. Ils n’ont foulé le sol du Zaïre qu’à l’âge adulte fin 1996. Joseph et Jaynet seraient nés en 1971. Zoé serait né en 1979.
« Kabila » a préparé son « coup » depuis un certain temps. En 2016, plusieurs chars de combat avaient quitté le port d’Ilebo au Kasaï. Destination finale: le Tanganyika (134.940 km²), alors un des districts du « Grand Katanga ». Que sont ces engins devenus? Qui oserait poser la question à « Kabila »?
Que va faire le président Tshisekedi Tshilombo après lecture du « mémo » lui adressé par ces autorités coutumières? Fera-t-il ouvrir une enquête parlementaire ou « enterrer » purement et simplement ce dossier qui intéresse, sans conteste, la sécurité nationale? Va-t-il fermer les yeux au nom de la prétendue « alternance pacifique »? Affaire à suivre.
B.A.W.