Ministre des Affaires étrangères, Marie Tumba Nzeza, proche de « Fatshi », est au centre d’une polémique. En cause, le « rappel définitif » au pays de trois ambassadeurs nommés sous la présidence de « Joseph Kabila ». Méconnaissant le principe de séparation des pouvoirs, la sénatrice Francine Muyumba (PPRD), présidente de la Commission des Relations extérieures de la Chambre haute, se répand en invectives. Elle exige le retrait de cette triple décision. Elle brandit la menace des « conséquences graves » en cas de non-annulation de ces mesures « par la ministre » ou « par le Président de la République ». Bonjour, la cohabitation!
Etrange coalition que celle qui réunit le Cach (Cap pour le Changement) du duo Tshisekedi-Kamerhe et la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (Fcc). Il ne se passe pas un mois sans que cet attelage soit secoué par des « soubresauts inhérents à toute nouvelle expérience politique », selon la formule utilisée, vendredi 13 décembre, par le président Felix Tshisekedi lors de son discours sur l’état de la nation.
Le dernier « soubresaut » en date a pour élément déclencheur le « rappel définitif » de trois chefs de missions diplomatiques par la ministre des Affaires étrangères, Marie Tumba Nzeza. Celle-ci n’a pris ses fonctions que début septembre dernier. Trois mois après, les fonctionnaires dudit département piaffent d’impatience de connaitre les grandes lignes des réformes que le nouveau chef de la diplomatie congolaise entend mener tant à la « Centrale » que dans les postes diplomatiques (ambassades et consulats généraux).
« RAPPEL DÉFINITIF »
Par trois « dépêches », au ton quasi-comminatoire, émises le 4 décembre, la ministre des Affaires étrangères a décidé le « rappel » de l’ambassadeur congolais à Tokyo ainsi que ses collègues qui représentent le pays aux Nations Unies à New York et Genève.
« Le ministre est le chef de son département », énonce notamment l’article 93 de la Constitution. La ministre Tumba est, à ce titre, parfaitement habilitée à « rappeler en consultation » les ambassadeurs et chefs de mission en poste à l’étranger.
Là où le bât blesse est que « Mama » Marie Tumba a écrit, noir sur blanc, que « le gouvernement congolais a décidé de mettre un terme aux fonctions de (…) en sa qualité d’ambassadeur de la RDC (…)« . L’histoire ne dit pas si le gouvernement avait préalablement débattu de cette question comme l’exige le point 1 de l’article 81 de la loi fondamentale: « (…), le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du gouvernement délibérée en Conseil des ministres, les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires (…)« .
L’histoire ne dit pas non plus si la ministre avait reçu les instructions du chef de l’Etat dans ce sens. « La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président et le gouvernement », stipule le troisième alinéa de l’article 91.
Depuis son investiture à la tête de l’Etat, il y a bientôt onze mois, Felix Tshisekedi peine à s’affirmer voire à s’affranchir de son allié « Joseph Kabila ». Les nominations – suspendues? – de nouveaux membres des comités de gestion de la Gécamines et la SNCC tiennent lieu désormais de « jurisprudence ».
Tous les grands corps de l’Etat – dont les régies génératrices des recettes – sont toujours sous la direction des personnalités nommées durant la présidence de « Kabila ». C’est le cas des trois diplomates « rappelés définitivement » à Kinshasa. On peut les citer: Ignace Gata Mavita wa Lufuta (New York), Didier Ramazani bin Kithima (Tokyo) et Zénon Mukongo Ngay (Genève).
VOTE À L’ONU SANS CONSULTER LA « CENTRALE »
A en croire l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » n°3025, il est reproché à Gata Mavita ainsi qu’à Mukongo Ngay d’avoir soutenu la Chine lors d’un vote sur l’épineux dossier relatif à la répression de la minorité ouighoure. Et ce sans consulter la « Centrale ».
Il importe d’ouvrir la parenthèse pour rappeler que depuis 2009, le prédécesseur de Felix Tshisekedi avait établi des « relations privilégiées » avec le pays de Mao Tse Toung dans le cadre des fameux « contrats chinois » dits « matières premières contre les infrastructures ». Dans les mêmes circonstances de temps, le pouvoir kabiliste – accusé de violations des droits humains – s’est évertué à mener une « diplomatie conflictuelle » prétendument « nationaliste » à l’égard de l’Occident en général et de l’Union européenne en particulier. Investi le 24 janvier 2019 au sommet de l’Etat, le Felix Tshisekedi Tshilombo s’est empressé de jouer la « carte de l’apaisement » vis-à-vis des partenaires traditionnels du Congo-Kinshasa que sont les Etats-Unis et l’Union européenne. Ici, la Belgique sort du lot. Fermons la parenthèse.
Président de la commission des Relations extérieures de la chambre haute du Parlement, la sénatrice Francine Muyumba s’est saisie de la décision précitée en adressant une « question écrite » à la ministre des Affaires. Celle-ci est invitée de s’expliquer.
« LOURDES CONSÉQUENCES »
Au lieu de se limiter à une démarche parlementaire, la sénatrice est allée outre en donnant à son initiative une tournure politicienne autant que partisane. Sans attendre la réponse de la ministre « interpellée », ce parlementaire d’exiger le retrait pur et simple de cette oukase. Dans le cas contraire, elle prévient: « Cette décision peut avoir des lourdes conséquences, si elle n’est pas reportée par la ministre ou annulée par le Président de la République ». « Fatshi » appréciera.
A l’appui de son intervention, Francine Muyumba – qui parait grisée par son tout nouveau titre ronflant de présidente de la Commission des Relations extérieures du sénat – invoque, à raison d’ailleurs, le fait que la cessation des fonctions des diplomates concernés n’a pas fait l’objet d’une quelconque délibération du Conseil des ministres.
Questions: Cette « lacune » imputable à la ministre Marie Tumba Nzeza autorise-t-elle, cette sénatrice étiquetée Pprd et proche de Jaynet « Kabila », de fouler aux pieds le principe sacro-saint de séparation des pouvoirs autant que le souci « d’assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat », qui constitue une des « préoccupations majeures » ayant guidé les rédacteurs de la Constitution en vigueur? Quel sera le dénouement de ce bras de fer entre la ministre Tumba et la sénatrice Muyumba? A travers ces deux « drôles de dames », n’assiste-t-on pas à un nième affrontement, par procuration, entre « Felix » et l’ex-président « Kabila »? Vous avez dit « coalition »?
B.A.W.