Trois mois après le scandale sexuel – qui avait secoué les Ne Kongo – mettant en scène le vice-gouverneur du Kongo Central Justin Luemba et l’assistante du gouverneur la « célèbre » Mimi Muyita, le dossier est désormais « clos ». Sur décision du ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, le gouverneur Atou Matubuana et son adjoint – le même – sont autorisés à reprendre du service.
La dépêche de l’Agence congolaise de presse datée du 29 novembre n’a pas été d’un grand secours pour cerner les motivations sur base desquelles le ministre de l’Intérieur s’est fondé pour prendre son arrêté n°25/CAB/VPM/MININTERSECAC/GKM/0270/2019 du 29 novembre 2019 portant « réhabilitation » du gouverneur Atou Matoubuana Nkuluki et du vice-gouverneur Justin Luemba Makoso.
Il est écrit de manière sibylline que les deux autorités administratives sont autorisées « à reprendre valablement leur poste » respectif. Et ce après avoir été « consultées » par le ministre de l’Intérieur et « entendues » par le procureur général près la Cour de cassation Flory Kabange Numbi.
Comble d’hypocrisie, cet acte du ministre Kankonde Malamba aurait fait hérisser les cheveux des caciques de la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (Fcc).
Dans une « déclaration », datée du 30 novembre, revêtue de la signature du « professeur » Néhémie Mwilanya Wilondja, son coordonnateur national, le Fcc dit avoir « suivi avec étonnement » cette décision du ministre de l’Intérieur. Au motif que celle-ci a été prise « sans tenir compte » des « observations pertinentes » qu’il avait formulées en date du 31 août dernier.
Pour le Fcc, les deux autorités administratives ont « clairement failli sur le plan éthique ». Sans aucun doute. Et d’ajouter qu’il « renouvelle son engagement à promouvoir la moralisation de la vie politique » en vue d’améliorer la « gouvernance ». Interdiction de rire!
Qui oubliera que le Congo-Kinshasa était régi durant les « années Joseph Kabila » par une justice à deux vitesses. Une justice sans rémission pour les « misérables ». L’autre, complaisante, prônant l’impunité pour les membres du « clan kabiliste ».
DÉCISION SALUTAIRE MAIS TARDIVE
Prenant le contre-pied du Fcc, l’avocat Georges Kapiamba, président de l’Acaj (Association congolaise pour l’accès à la justice) « salue », dans un communiqué, la mesure prise par Kankonde. Pour lui, il s’agit d’une « décision salutaire bien que tardive ».
A en croire ce juriste, la suspension infligée aux deux autorités administratives du Kongo Central « n’avaient aucune base légale ». Il revient maintenant aux autorités judiciaires de finaliser l’examen de ce dossier.
L’affaire Mimi Muyita a commencé le 25 août par un reportage vidéo qui présentait tous les contours d’un « coup monté et réussi ». On y voit d’une part le vice-gouverneur Luemba en tenue d’Adam en train d’implorer un agent de police de sexe féminin qui l’a immobilisé. De l’autre côté, on découvre une certaine Mimi Muyita, assistante du gouverneur, qui accuse le « pleurnichard » de l’avoir violé. Étrangement, toute la scène se déroule dans l’appartement occupé par la « dame ».
On a fini par apprendre que le vice-gouverneur de l’ex-Bas Zaïre et « Mimi » n’étaient pas à leur premier rendez-vous galant. Que s’est-il passé ce 25 août pour que Luemba soit filmé dévêtu par le directeur provincial de l’Agence national de renseignements?
Des observateurs furent éberlués de voir, surgir à Matadi, une délégation du Fcc. Celle-ci est arrivée le 22 septembre soit quarante-huit heures avant la séance plénière prévue par l’organe délibérant de cette province. A l’ordre du jour, l’examen de la demande de levée des immunités des deux responsables politiques introduite par le procureur général près la Cour de cassation.
Comme à la « belle époque » sous la présidence « Joseph Kabila », le Fcc estime que les élus portant son label restent membres d’un « clan » et ne sont donc pas au service de la nation.
La mission des délégués du Fcc consistait à exiger la démission des deux hommes. Raison invoquée: le « retrait de la confiance » à ces deux élus par la conférence des présidents des regroupements politiques. On se croirait revenu trente années en arrière à l’époque du parti-Etat.
« INOPPORTUNITÉ DE POURSUITE »
Il n’est pas sans intérêt de rappeler les articles 197 et 198 de la Constitution. On retiendra que « lorsqu’une crise politique grave et persistante menace d’interrompre le fonctionnement des institutions provinciales, le Président de la République peut, par ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après concertation avec les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, dissoudre l’Assemblée provinciale. Dans ce cas, la Commission électorale nationale indépendante organise les élections provinciales dans un délai de soixante jours à compter de la dissolution ». Notons que le gouverneur et le vice-gouverneur sont élus par les députés provinciaux.
Aux termes d’une information judiciaire ouverte sur ce dossier, le procureur général Flory Kabange Numbi a recueilli des éléments attestant que le vice-gouverneur Luemba est tombé dans un véritable traquenard. Il aurait été « piégé par un groupe de gens » à la tête duquel se trouverait le gouverneur. Celui-ci est présenté par ce haut magistrat comme étant le « commanditaire de cette infamie, exécutée par des agents de l’ANR avec la complicité de l’assistante Muyita ».
En donnant son « feu vert » qui a été suivi par la décision du ministre de l’Intérieur rétablissant les intéressés à leurs fonctions, le procureur général près la Cour de cassation a, sans doute, préféré clore ce dossier pour « inopportunité de poursuite ».
On imagine que le ministère public s’est inspiré de deux des « préoccupations majeures » qui avaient guidé les constituants de 2005. A savoir: « assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat » et « éviter les conflits ».
Le gouverneur Atou Matubuana Nkuluki et le vice-gouverneur Justin Luemba Makoso vont, sauf rebondissement, retrouver leurs postes. Il n’est pas sûr que la réhabilitation administrative décrétée par le ministre de l’Intérieur efface de facto l’opprobre qui colle à la peau de ces deux autorités administratives.
B.A.W.