Condamné à 20 ans de servitude principale lors du « procès » déclaré « inachevé » – par le général Nawele Bakongo, président de la Cour – sur l’assassinat (?) du président Laurent-Désiré Kabila dont le « verdict » fut rendu le 8 janvier 2003, le lieutenant Kot Diur serait très malade. C’est un communiqué de l’association de défense des droits de l’Homme « La Voix des Sans Voix » (VSV) qui l’a révélé. Dans son ouvrage « La mort de LD Kabila: Ne nie pas c’était bien toi », le lieutenant Georges Mirindi – un des condamnés à mort au même procès qui vit en exil -, présente Kot comme un des bras droits du général Jean Yav Nawej, ancien commandant de la Force d’intervention spéciale/Kinshasa. Ce dernier est décédé, fin mai 2013, en détention.
Selon la « VSV », le lieutenant Kot Diur, âgé de 41 ans, ferait face, depuis le 2 octobre dernier, à une « dégradation de son état de santé » à la suite d’un AVC (Accident Vasculaire Cérébral). Il aurait été conduit à hôpital militaire du camp Kokolo « dans un état comateux ».
A l’instar d’autres condamnés dans cet énigmatique dossier politico-judiciaire, Kot Diur a été arrêté quelques jours après la mort du président LD Kabila survenue le 16 janvier 2001. En janvier prochain, tous les « malheureux » qui ont été raflés, dans le cadre de cette affaire, auront totalisé dix-neuf années de privation de liberté.
Dans son communiqué daté du 8 octobre 2019, la « VSV » « recommande » au gouvernement congolais d’assurer à ce détenu des soins médicaux nécessaires à son état de santé.
La VSV n’a pas manqué de dénoncer « la politique visant à éliminer progressivement et à petit feu » des condamnés dans l’affaire dite « assassinat » du président LD Kabila « alors que ce procès demeure inachevé et n’a jamais […] contribué à la manifestation de la vérité […]« . Notons que onze condamnés sur trente sont morts en prison.
« CHEF D’ŒUVRE » DE MENSONGE D’ÉTAT
L’affaire dite « assassinat de Mze Kabila » est un chef d’œuvre de « mensonge d’Etat ». Ce « crime » dont le mobile et le commanditaire demeurent inconnus à ce jours a profité à un homme: « Joseph Kabila ». Sans omettre, naturellement sa fratrie.
Démarrées en mars 2002, les audiences de la Cour d’ordre militaire se sont déroulées à huis clos durant les cinq premiers mois. Les observateurs indépendants n’ont pas eu accès au prétoire. Inutile de parler des avocats de la défense qui apprenaient, la veille de la séance, les faits reprochés à leurs clients respectifs. Un procès délibérément inéquitable.
Depuis le prononcé du verdict intervenu le 8 janvier 2003, l’opinion congolaise a assisté à des faits sans précédents: les condamnés sont placés sous la garde des éléments de la garde prétorienne de « Joseph Kabila »; les corps des détenues décédés sont difficilement rendus aux familles; les condamnés n’ont droit ni à l’amnistie ni à la grâce.
Voilà pourquoi, une certaine opinion congolaise parle de « prisonniers personnels de Joseph Kabila » pour désigner les 28 condamnés à mort qui croupissent à Makala dans cette affaire où tout est faux: faux assassinat, faux meurtrier, faux témoin oculaire. « Les circonstances qui entourent l’assassinat du président Kabila restent floues », notait le très sérieux Amnesty International dans un rapport daté du 12 décembre 2002.
LYNCHAGE MÉDIATIQUE
A l’occasion du dixième anniversaire de la commémoration de la disparition de Mze, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya s’est risqué à demander la réouverture du fameux procès ou la remise pure et simple en liberté des prisonniers. Le prélat a fait l’objet d’un lynchage médiatique d’une rare violence par des médias pseudo-indépendants qui s’allaitaient aux mamelles du parti kabiliste, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie).
Et pourtant, c’est bien « Joseph Kabila » qui devrait être morigéné. Et ce pour n’avoir pas honoré sa promesse faite lors de son investiture le 26 janvier 2001, selon laquelle « une enquête judiciaire est déjà ouverte afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu ».
Par un tour de passe-passe échafaudé par des juristes pour le moins véreux qui gravitaient – et continuent à graviter – autour de « Kabila », on apprendra non sans une certaine stupéfaction que les condamnés à mort à ce procès inéquitable sont exclus du bénéfice de toute mesure d’extinction de la sanction pénale. Au motif, clament ces « praticiens du droit », que l’assassinat d’un chef d’Etat constitue une « infraction de droit au commun » et non une « infraction politique ».
S’il est vrai qu’un assassinat est objectivement une infraction de droit commun, il n’en demeure pas moins vrai que c’est le mobile de l’auteur ou la personnalité de la victime qui détermine le caractère politique de cette infraction.
Dix-neuf ans après la mort du président LD Kabila, la Cour d’ordre militaire d’une part et les gouvernements successifs de « Kabila » d’autre part se sont révélés bien incapables de démontrer que les condamnés qui sont à Makala avaient ourdi un complot en vue de changer le régime constitutionnel.
On ne le dira jamais assez que l’arme du crime n’a jamais été retrouvée. Le mobile reste mystérieux. Il en est de même du commanditaire.
MORT NATURELLE MAQUILLÉE EN ASSASSINAT
Comment ne pas donner raison à ceux qui soutiennent à cor et à cri que le Mze aurait été emporté par la mort naturelle. Une mort naturelle maquillée en assassinat. Est-ce pour camoufler un coup d’Etat de palais?
Comment pourrait-on expliquer la présence, parmi les condamnés, du médecin urgentiste Médard Kabunga Mutombo « pour vol »? Ce médecin est l’homme qui avait réceptionné le corps sans vie de LD Kabila aux cliniques Ngaliema de Kinshasa.
Selon des sources, docteur Kabunga aurait été intrigué de constater que le Mze ne baignait pas dans son sang alors qu’il y avait des impacts de balles sur son corps. C’est ainsi qu’il aurait « subtilisé » le maillot de corps que portait le défunt.
Dans son n°3065 daté du 6 au 12 octobre 2019, l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » titre, dans sa rubrique Confidentiel: « Fatshi et les damnés de Makala ». Selon ce magazine, les 28 condamnés à mort « sont une épine dans le pied de Félix Tshisekedi ». « Leur relaxe fait partie des lignes rouges que Joseph Kabila a fixées à son successeur. Parmi ces 28, trois figures émergent: Eddy Kapend, Nono Lutula et Georges Leta […]« .
A l’occasion de la commémoration du 5ème anniversaire du décès de Mze Kabila en 2006, Abdoulaye Yerodia Ndombasi avait fait cette « confidence » à un média kinois: « Dès que j’ai appris qu’on venait de tirer sur le Mze au Palais de marbre, j’ai sauté dans mon véhicule pour rejoindre le lieu de l’attentat ». N’importe quel psychologue stagiaire pourrait qualifier cette attitude d’irrationnelle de la part d’une personne qui est dans l’incertitude.
Au moment où ces lignes sont écrites, personne n’a pris connaissance du dernier bulletin de santé du lieutenant Kot Dur. N’en déplaise au président Felix Tshisekedi Tshilombo, la prison centrale de Makala renferme encore des prisonniers politiques. Il apparaît que le sort de ces concitoyens dépendrait du « bon vouloir » de l’ex-président « Joseph Kabila ».
Baudouin Amba Wetshi