La réponse parait évidente: Non! Agir autrement, équivaudrait à faire l’éloge de l’impunité. L’opinion ne le pardonnera pas.
Un mois après son investiture, le gouvernement congolais dirigé par Sylvestre Ilunga Ilunkamba (PPRD) demande la levée des « sanctions » (gel des avoirs et interdiction de visa) infligées à des anciens dignitaires du régime de « Joseph Kabila ». La démarche officielle a été menée la « semaine dernière » par le ministre… des Droits humains, André Lite Asebea (CCU).
Pour ceux qui ne le savent pas, le parti « Convention des Congolais Unis », a pour président, l’ex-ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga.
Intervenant au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, André Lite s’est cru en droit de clamer haut et fort son opposition à ces « mesures restrictives » qui relèvent, soit dit en passant, plus de rétorsions politiques que d’une décision judiciaire.
A l’appui de sa thèse, le ministre Lite invoque le fait que les personnes « victimes de ces sanctions » n’ont pas été « approchées » au préalable. Pour lui, la « présomption d’innocence » et le respect des « droits de la défense » ont été méconnus par l’Union européenne et les Etats-Unis.
La demande formulée par le gouvernement congolais n’a guère surpris. Lors de l’interview qu’il avait accordée aux médias français « TV5 Monde » et « Le Monde », le président Felix Tshisekedi avait annoncé les couleurs en affirmant que « ma philosophie est de tirer un trait sur le passé ».
Des propos pour le moins sidérants quand on sait que l’UDPS, à laquelle est issue l’actuel chef de l’Etat, a payé le prix le plus élevé en termes de vies humaines broyées sous le régime précédent. Les délices du pouvoir rendraient-ils amnésiques?
Revenons aux sanctions. Qui sont les « victimes » de ces mesures? Evariste Boshab (ancien ministre de l’Intérieur et de la sécurité), Alex Kande Mupompa (ancien gouverneur du Kasaï Central), Kyungu Mutanga, alias Gédéon (Repris de justice, chef de milices maï maï et Bakata Katanga), Jean-Claude Kazembe Musonda (ancien gouverneur de la province du Haut-Katanga), Lambert Mende Omalanga (ancien porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication et des médias), Charles Muhindo Akilimali, alias Mundos (ancien commandant de la 31è brigade des FARDC), Eric Ruhorimbere Ruhanga, alias Tango two (commandant adjoint de la 21è région militaire à Mbuji-Mayi), Emmanuel Ramazani Shadary (ancien ministre de l’Intérieur et de la sécurité), Kalev Mutondo (ancien administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements).
A cette liste, on pourrait ajouter notamment Corneille Nangaa (président de la CENI), Norbert Basengezi Kantitima (vice-président de la CENI au moment des faits) et son fils Marcellin Basengezi (conseiller à la CENI). Ce trio est sanctionné par le département du Trésor américain.
Quel est le problème?
Tout commence autour de la volonté de « Joseph Kabila » de s’accrocher au pouvoir en retardant l’organisation des élections. L’homme va user des artifices pour briguer un troisième mandat en violation de la Constitution. A ceux qui ont eu le courage de s’opposer « pacifiquement » à cette « folie », le tyranneau a sorti l’artillerie lourde.
Selon l’ONG Human Right Watch, des anciens combattants du M23 ont été appelés à la rescousse des éléments de la garde prétorienne du « raïs » pour « canarder » les protestataires.
A travers des vidéos, la terre entière a vu des individus, en tenue civile, faire le coup de feu aux côtés de la « force publique ». Les dates de 20 au 22 janvier 2015, 19 septembre 2016, 31 décembre 2017, 21 janvier et 25 février 2018 s’écrivent désormais en lettres de sang.
Le sang notamment de Rossy Mukendi et de Thérèse Kapangala qui crie justice, et non la vengeance, au ciel. Les Congolais savent, comme a pu dire Hegel, que « le droit qui prend la forme de la vengeance ne peut que provoquer à l’infini de nouvelles vengeances ».
Qui pourra oublier ces dates? Qui pourra également oublier l’usage disproportionné de la force contre les populations civiles du « Grand Kasaï » se réclamant du chef Kamuina Nsapu? Dieu seul sait, les crimes contre l’humanité qui ont été commises à « huis clos » par des agents publics.
Que reproche-t-on, en définitive, à ce « beau monde »?
Il est reproché à chacun de ces « bonzes » du régime de « Kabila » d’avoir, dans le cadre des leurs fonctions respectives, participé activement ou passivement dans des graves cas de violations des droits humains.
Il est, en revanche, reproché à la « bande à Nangaa » des détournements des fonds « à des fins d’enrichissement personnel ».
Dans son entretien précité, le chef de l’Etat congolais a dit au moins une « incongruité ». Et ce lorsqu’il a affirmé que « ce n’est pas à l’individu Felix Tshisekedi de mener des poursuites ».
En réalité, aucun Congolais, sain de corps et d’esprit, ne demande au chef de l’Etat de s’arroger le pouvoir judiciaire. Bien au contraire.
On attend du nouveau Président de la République d’insuffler un vent de renouveau au sein du monde judiciaire congolais. En faisant quoi? En « tenant à l’œil » le ministre de la Justice. Celui-ci doit user à bon escient le « droit d’injonction positive » qui lui permet de rappeler à l’ordre les magistrats du ministère public sujets à la torpeur ainsi qu’au laxisme.
Faire lever les sanctions infligées par l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique aux concitoyens cités précédemment n’est ni juste ni équitable. Il s’agit d’une action destinée à faire plaisir au « nouvel ami et allié » du CACH, en l’occurrence « Joseph Kabila ».
Une telle démarche équivaudrait à faire purement et simplement l’éloge de l’impunité de la part de ceux-là qui avaient élevé la lutte contre les antivaleurs et… l’impunité au rang de credo. Quelle incohérence!
Baudouin Amba Wetshi