Dans une interview accordée, fin septembre, à la journaliste Sylvie Bongo dans le cadre de l’émission « Po Na Ekolo », l’ancien tout-puissant ministre de la Justice et des « Affaires intérieures » sous Mzee Kabila et « Joseph Kabila » fustige le mutisme de l’actuel locataire du Palais de la nation face aux préoccupations de la population. Il déplore « la manière dont le pays est géré ».
Cet entretien a eu lieu au lendemain du discours prononcé par « Kabila » à l’Assemblée générale des Nations Unies. « Joseph Kabila est allé endormir les gens à l’Onu », tonne Jeannot Mwenze Kongolo qui n’hésite pas à traiter ce dernier de « menteur » pour avoir prétendu que le Congo-Kinshasa ferait face au terrorisme dans les provinces du Kasaï.
Ancien ministre des « Affaires intérieures » sous Mzee Kabila et « Joseph Kabila », Mwenze voudrait sans doute dire qu’il connaît le pays qui l’a vu naître mieux que l’actuel locataire du Palais de la nation. « Kabila a menti, il n’y a pas de terrorisme au Congo ». Et d’ajouter: « Il est allé dire aux Nations Unies que les Kasaïens sont des terroristes. Depuis quand? Dans quel intérêt? ».
Pour lui, c’est bien le gouvernement qui est responsable des événements sanglants survenus dans les provinces du Kasaï. Et ce en intervenant dans une affaire de succession au niveau d’une chefferie. « Les sujets de Kamuina Nsapu se sont révoltés à la suite de cette intervention et vous les qualifiez de terroristes? », s’est-il interrogé.
Selon Mwenze, « Kabila » aurait dû profiter de son passage à l’Onu pour annoncer non pas le caractère « irréversible » du processus électoral mais plutôt la date de la tenue des élections.
Abordant la controverse suscitée par la décision du ministère des Affaires étrangères d’invalider le passeport semi-biométrique, le président du « parti des patriotes kabilistes » (Mzee) croit savoir que le pouvoir « ne sait plus quoi faire » pour trouver de l’argent.
Il déplore, dans la foulée, le mutisme affiché par « Joseph Kabila » sur cette épineuse question de l’invalidation du passeport semi-biométrique malgré le tollé provoqué par le communiqué ad hoc publié par le vice-ministre des Affaires étrangères.
Mwenze dit ne pas comprendre que le premier magistrat du pays se mure dans le mutisme comme s’il était exonéré de l’obligation de se justifier sans cesse devant l’opinion. « Je déplore la manière dont Joseph Kabila gère le pays, lance-t-il. Quand vous ne communiquez pas, la population a l’impression que vous vous foutez d’elle ».
« LE PAYS A BESOIN D’UNE ALTERNATIVE »
Jeannot Mwenze Kongolo est un homme qu’on ne présente plus. Membre d’une association dénommée « Anacoza » (All North America Conference on Zaïre), il a rejoint l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) à l’étape de Goma. C’était en novembre 1996.
Après la prise du pouvoir à Kinshasa par l’AFDL et LD Kabila le 17 mai 1997, il va diriger successivement deux ministères régaliens. A savoir la Justice et l’Intérieur. « Jeannot » n’aura pas laissé que de bons souvenirs.
Sous prétexte de « mettre de l’ordre », le tout-puissant ministre prendra des mesures qualifiées unanimement de liberticides. Les activités des partis politiques seront suspendues. Pire, les associations à caractère politique et celles de défense des droits de l’Homme – dont l’existence remonte à la Deuxième République – seront invitées à se faire enregistrer et prouver la légalité de leur existence. Le pays tout entier a encore frais en mémoire, la révocation en violation de la procédure du contradictoire de plus de 300 magistrats accusés de « corruption ».
Après le décès de son mentor LD Kabila en janvier 2001, Mwenze et tant d’autres « kabilistes historiques » sont mis « en retraite anticipée », selon les termes de Sylvie Bongo. Depuis lors, l’ex-ministre de la Justice ne rate pas l’occasion de décocher quelques flèches en direction du « raïs ». D’aucuns s’interrogent si l’ex-bras droit de Mzee aurait tenu les mêmes propos tout en étant aux affaires.
N’empêche! Pour « Jeannot », « Joseph Kabila » a fait preuve de « déviationnisme ». Il a trahi l’« idéal du combat politique de Mzee Kabila en retirant la plainte déposée par le Congo-Kinshasa contre le Rwanda à la Cour internationale de justice à La Haye ». Bref, il « n’est pas à la hauteur de la fonction ». Un constat bien tardif.
En mai 2016, Mwenze a sorti l’artillerie lourde en accusant le successeur de Mzee d’avoir instauré « une dictature pire que celle de Mobutu » s’illustrant par « une cohorte de prisonniers politiques ».
Dans l’interview accordée à Sylvie Bongo, Mwenze fait remarquer que « Joseph Kabila est impopulaire ». Pour lui, le pays a besoin non pas d’une alternance mais bien d’une « alternative ». Au motif, selon lui, qu’aucun Congolais n’est disposé à voir un membre de la mouvance kabiliste succéder au Président sortant. Aussi, exhorte-t-il ce dernier à « montrer des signes forts qu’il va quitter le pouvoir en décembre ».
Quid du référendum? « C’est une bêtise », assène-t-il. Et de conclure: « Il faut des élections avant le 31 décembre prochain. A défaut, la population doit se prendre en charge… »
B.A.W.
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