Un mois après les révélations par « Katanga Post » du vol de dix fûts contenant de l’uranium dans un coffre ultra sécurisé de la Gécamines, on assiste à une sorte d’omerta. La loi du silence. Dans un « démenti » qui ne dément rien contenu dans un communiqué publié le 20 juin, soit plus de deux semaines après l’alerte lancée par le média précité, le ministre a.i. en charge de la Recherche scientifique et technologie, Paluku Kisaka Yereyere, tente, maladroitement, de minimiser les faits en parlant de « vol des sources radioactives ».
Informé du « vol » de ces produits stratégiques dès le 4 juin par le Comité national de protection contre les rayonnements ionisants (CNPRI), le gouvernement central, n’a réagi que huit jours plus tard par l’envoi d’une « délégation de haut niveau » à Lubumbashi. Celle-ci y a séjourné du 12 au 15 juin. Et ce sur ordre de mission signé par le Premier ministre. On imagine qu’il s’agit de Bruno Tshibala.
Surprenant. Alors que chacune des 26 provinces du pays compte en son sein des autorités judiciaires et des responsables locaux des services de renseignements civils et militaires, les « délégués » venus de Kinshasa étaient conduits par le vice-Premier ministre a.i. chargé de l’Intérieur et sécurité, l’ancien opposant Basile Olongo. Mission: mener des investigations sur ce cambriolage, déterminer les responsabilités, saisir les services de sécurité et les autorités judiciaires.
Les responsables locaux de sécurité et leurs collègues du parquet et de l’auditorat militaire devaient « retracer, récupérer, acheminer » les « sources radioactives » auprès de « l’autorité compétente et prendre des mesures coercitives qui s’imposent ». Quelle littérature!
Au chef-lieu du Haut-Katanga, le ministre Olongo aurait présidé une « réunion de sécurité élargie ». Aucune information majeure n’a filtré à l’issue de cette rencontre. « La sécurité provinciale du Haut Katanga ainsi que le parquet général près la Cour d’appel à Lubumbashi sont à pied d’œuvre pour mettre hors d’état de nuire les inciviques ayant perpétré le vol », peut-on lire dans le communiqué précité du ministre Paluku Kisaka.
« URANIUM » OU « SOURCES RADIOACTIVES »
C’est ici que ce membre du gouvernement central retrouve son « courage » pour minimiser l’ampleur de la nouvelle annoncée par Katanga Post. A en croire ce ministre, « il ne s’agit nullement de dix fûts d’uranium » mais plutôt des « sources radioactives ». Comprenne qui pourra.
Paluku Kisaka conclut son communiqué en relevant que l’information diffusée par notre confrère « est de nature à discréditer » le Congo-Kinshasa ainsi que « ses dirigeants » auprès de l’AIEA (Agence internationale à l’Energie Atomique). Joignant le geste à la parole, le ministre de demander « aux autorités de sécurité provinciale d’inviter » au lanceur d’alerte de se dédire par un « démenti » endéans 24 heures. « Dépassé ce délai, menaça-t-il, le gouvernement de la RDC par le biais du ministère de la Recherche scientifique et technique saisira la justice ».
Deux semaines après la diffusion de ce communiqué au contenu faussement comminatoire, l’organe de presse ciblé ne s’est pas rétracté. Pire, le fameux ministre a.i. en charge de la Recherche scientifique n’a entrepris, à ce jour, aucune action judiciaire. Ce n’était que des rodomontades. A preuve, c’est le silence plat. Un silence digne de la mafia.
Selon des experts, les faits révélés sont graves. « N’importe qui ne peut pas commettre un tel forfait. Qu’il s’agisse de ‘fûts d’uranium’ ou des ‘sources radioactives’, l’auteur et le commanditaire ont dû bénéficier du concours des personnes exerçant de hautes responsabilités au niveau politique, de l’armée et des services de renseignements », confie un ancien ingénieur de la Gécamines. Un ancien cadre de cette ancienne entreprise publique d’enchaîner: « Lors de son récent voyage dans la province de l’Ituri, le président Felix Tshisekedi a fait état de menaces terroristes qui planeraient sur le Nord-Est du pays ».
JAMIL MUKULU
Selon des voyageurs, on assiste actuellement à l’érection de plusieurs stations d’essence tenues par des sujets somaliens. Il semble que des business de ce genre se développent à la vitesse grand « V » à travers le « Grand Katanga ».
Pour la petite histoire, les Shebab (Harakat al-Chabab al-Moudjahidin) sont originaires de la Somalie. Ces desperados opèrent souvent au Kenya. Ils ont déjà commis des attentats sanglants à Kampala, en Ouganda. Le pays d’origine des insaisissables « ADF » (Allied Democratic Forces) qui commettent des massacres cycliques notamment dans le Territoire de Beni, au Nord-Kivu.
En mars 2015, l’Ougandais Jamil Mukulu, chef présumé des ADF, a été arrêté en Tanzanie. L’homme était en possession de six passeports dont celui du Congo-Kinshasa. « Joseph Kabila » n’a jamais dépêché de mission afin d’identifier l’autorité émettrice de ce document de voyage. Il semble que l’ancien Président congolais et le sieur Mukulu seraient des vieilles connaissances. Ils auraient logé sous le même toit au numéro 55, avenue Bocage, au Quartier kinois de Ma Campagne. « Les complices des terroristes sont parmi nous », résume un juriste lushois.
BLANCHIMENT
Dès février 2010, le sénateur Florentin Mokonda Bonza a commencé à dénoncer le « boom immobilier » visible à travers les communes de la capitale congolaise. Et ce en dépit de l’absence d’une banque de l’habitat. « Je ne cite pas des noms. Je vous dis tout simplement, si vous voyez qu’il y a plusieurs buildings qui se construisent, d’où vient l’argent? », s’était-il interrogé au cours d’une intervention à la chambre haute du Parlement congolais. Des immeubles à plusieurs étages poussent comme des champignons. Les hôtels, les appartements et les villas ne se comptent plus aux quatre coins de Kinshasa.
A l’époque, Mokonda avait déjà tiré la sonnette d’alarme: « Le Congo est aujourd’hui une terre qui accueille tous les mafieux, qui viennent pour blanchir des fortunes qui ont été acquises illégalement ailleurs. Cela ne se fait pas dans d’autres pays. La mafia peut venir de l’extérieur tout comme elle peut être organisée localement ».
Plusieurs organisations non gouvernementales nationales et étrangères ne cessent de s’inquiéter de l’existence de tout un réseau de « blanchiment » orchestré par certains membres de la communauté libanaise du Congo. Des individus proches du Hezbollah libanais. La banque BGFI a été accusée d’héberger dans ses livres d’importantes ressources financières au nom de la très nébuleuse société « Congo Futur ». Le lanceur d’alerte Jean-Jacques Lumumba, ancien cadre à la BGFI, a fait des graves révélations sur les activités de cette banque en 2016.
Au moment où ces lignes sont écrites, le ministre ad interim de la Recherche scientifique n’a pas encore clarifié l’opinion sur la différence qu’il fait entre « uranium » et « sources radioactives ». De même, nul ne sait la destination donnée aux produits subtilisés.
On ne peut s’empêcher de s’étonner qu’un tel forfait ait coïncidé avec le « changement » intervenu à la direction de la Gécamines. Une certitude cependant: cette opération n’aurait pas été possible sans le concours de certaines autorités au niveau tant national que provincial. Lesquelles?
Baudouin Amba Wetshi