Les auditeurs de RFI ont suivi dimanche 3 juin, l’émission « Le débat africain » sur la situation politique au Congo-Kinshasa. « Qui gouverne? » « Y a-t-il eu alternance? » Deux questions posées par Alain Foka, l’animateur. Eve Bazaïba (secrétaire général du MLC), Tharcisse Kasongo Mwema Yamba-Yamba (porte-parole de la Présidence de la République) et Cherubin Okende (député national et porte-parole de la coalition politique Lamuka), étaient parmi les invités dont le quatrième est un Français. Il s’agit Pierre Jacquemot (ancien ambassadeur de France à Kinshasa, chercheur associé à l’IRIS). Un sujet inattendu s’est invité dans cette discussion.
Il s’agit du cas de Salomon Idi Kalonda. Conseiller spécial de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, ce dernier n’a pas été aperçu le 20 mai à Lubumbashi lors du retour au pays de son patron. Et ce après trois années d’exil. Cette absence a suscité des questions. La réponse n’a pas tardé: « Salomon » se serait vu « refuser » la délivrance de son passeport congolais alors qu’il avait accompli les formalités au même moment que « Moïse ». Qui a ordonné de lui refuser le passeport? Toute la question est là!
Dans les milieux « katumbistes », le doute n’est plus permis. Des doigts accusateurs sont pointés vers le « proche entourage » du président Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Et pour cause? Intervenant sur radio Top Congo, émettant à Kinshasa, le secrétaire général intérimaire de l’UDPS – le parti de Felix Tshisekedi -, Augustin Kabuya, s’est cru en droit d’exercer le ministère de la parole en lieu et place de la Direction générale de Migrations (DGM), de l’ANR ou de l’ambassade du Congo-Kinshasa à Bruxelles. « Salomon Idi n’a pas obtenu son passeport biométrique parce qu’il est détenteur d’un passeport belge », déclarait-il. Et d’ajouter: « Qu’est-ce que nous allons gagner avec M. Salomon. (…). J’étais moi-même surpris de ne pas le voir dans la délégation de Moïse Katumbi ».
« L’ALTERNANCE EST EN ROUTE »
Revenons aux deux questions posées par le journaliste Alain Foka: Qui gouverne le Congo-Kinshasa? Y a-t-il eu alternance? « L’alternance est déjà en route », a réagi Tharcisse Kasongo Mwema Yamba-Yamba en soulignant qu’il est indéniable que Felix Tshisekedi est « bien installé » à la tête de l’Etat où il « réalise » un certain nombre d’actions.
A en croire le porte-parole de la Présidence de la République, la publication de la composition du gouvernement pourrait intervenir durant la semaine en cours. D’après lui, les coalitions politiques CACH (Cap pour le changement) et FCC (Front commun pour le Congo) auraient mis à profit les quatre mois de retard notamment pour « rédiger la déclaration solennelle », « finaliser le programme commun de gouvernement » et procéder à la « répartition des postes ».
Secrétaire générale du MLC (Mouvement de libération du Congo), Eve Bazaïba a sorti l’artillerie lourde: « Nous vivons la continuité du pouvoir de Kabila ». Pour elle, l’alternance n’a pas eu lieu. A l’appui de sa thèse, elle estime que le « système » chahuté le 30 décembre 2018 par le corps électoral est toujours en place. « C’est Joseph Kabila qui tient le bâton de commandement ». « Mama Bazaïba » aura été moins convaincante en ce qui concerne l’impression d’ « incohérence » qui règne au sein de Lamuka. D’un côté, il y a ceux qui continuent à exiger « la vérité des urnes » et de l’autre, ceux qui plaident le « pragmatisme » et voient cette coalition politique mener une « opposition républicaine ».
QUI « BLOQUE » LE PASSEPORT DE « SALOMON »?
Cherubin Okende a salué les « mesures de décrispation » prises par le successeur de « Joseph Kabila ». Des mesures qui ont permis la libération des prisonniers politiques et d’opinion ainsi que le retour des exilés.
Évoquant les tracasseries administratives auxquelles fait face le conseiller spécial de Moïse Katumbi, le porte-porte de Lamuka a souhaité vivement « qu’il n’y ait plus d’atavismes dictatoriaux ou de répression de libertés fondamentales ». « Je note en passant qu’il a été refusé au conseiller spécial de Moïse Katumbi la délivrance de son passeport pour des raisons que nous ignorons », a-t-il glissé.
Interrogé à ce sujet par Alain Foka, Kasongo Mwema a botté en touche en martelant que « cette question ne relève pas de la Présidence de la République ». « Je ne sais pas exactement où coince le dossier de M. Salomon Idi Kalonda », ajoutait-il avant de fulminer: « (…), chaque fois qu’il se passe quelque chose avec un opposant, on regarde vers la Présidence de la République. Le Président de la République ne passe pas son temps à savoir qui va rentrer ou qui ne va pas sortir. Salomon est dans le même parti que Cherubin Okende. Qu’est ce qui coince, à quel niveau ça a coincé, dites-le… »
Invité à réagir aux propos du porte-parole de la Présidence, un proche de Katumbi, qui a requis l’anonymat, s’est dit « indigné par la fausse indignation » de Kasongo Mwema. « Que vient faire la Présidence de la République dans ce dossier éminemment administratif? », s’est-il interrogé avant d’ajouter: « Le président Moïse et Salomon ont fait la capture le même jour à l’ambassade à Bruxelles. Le porte-parole Kasongo peut-il expliquer pourquoi le passeport du premier a été livré et pas celui du second? Un homme aussi averti que Tharcisse Kasongo Mwema peut-il franchement ignorer que ce sont des pratiques courantes? A savoir que chaque fois que l’on veut régler des comptes à un opposant, les détenteurs du pouvoir recourent à ce genre d’abus? Nous avons assisté à ce genre d’agissements sous Joseph Kabila. Nous risquons de les voir resurgir sous le président Fatshi ». Pour notre interlocuteur, « la rupture tant espérée tarde à avoir lieu ».
Qui « bloque » le passeport du conseiller spécial de Moïse Katumbi Chapwe? Sur les réseaux sociaux, il n’est plus rare de lire de réflexions du genre: « Le président Felix Tshisekedi va-t-il emboîter le pas à Joseph Kabila en utilisant l’appareil d’Etat pour régler des comptes personnels? » « L’entourage du président Felix Tshisekedi – dans lequel pullule des personnes détenant une nationalité étrangère est mal placé pour lancer ce genre d’attaque qui ne restera pas sans riposte… »
L’ancien président « Kabila » doit boire du petit lait…
Baudouin Amba Wetshi