Presque vingt ans après son incarcération par la Justice militaire congolaise, largement inféodée à l’époque des faits par le tireur de ficelles, bien identifié et bien connu par notre peuple, et pour le besoin de la cause, Eddy Kapend, qui a pourtant toujours avec sa foudre émotionnelle sans égale, clamé son innocence dans l’assassinat de Laurent Désiré Kabila. Il doit donc pour des raisons d’éthique, de morale et de bon sens, être urgemment libéré, car, dans l’exacte vérité, il est innocent, et il n’est prisonnier que par substitution, hélas!
En réalité, celles et ceux qui devraient de manière évidente, être prisonniers à sa place, sont libres de leurs mouvements, et jouissent, par ailleurs, du fruit de leur aventure, pour les uns, dans la nature, tandis que pour d’autres, au sein même des institutions de la république, où ils ont implanté leur décor dictatorial, il y a de cela vingt ans bientôt.
Vingt ans après, deux générations entières sont sacrifiées voire gaspillées pour rien, pendant que la République Démocratique du Congo patauge sans discontinuité dans le domaine de développement autocentré! Il a, au contraire, le plus grand besoin de ses filles et fils, de la trempe d’Eddy Kapend, colonel de son état, apte à donner une orientation rationnelle pour l’avenir, et un destin meilleur pour le Congo!
A deux reprises consécutives, dans mes analyses au quotidien, j’ai eu, l’ingéniosité de démontrer, à travers la presse, que la libération du colonel Eddy Kapend et de ses compagnons d’infortune, s’impose. La raison en est simple: insuffisance de preuves matérielles, et doute méthodique conséquent. Ce sont donc des principes élémentaires en droit pénal, dont quiconque peut décoder les contours. Vingt ans durant, Eddy Kapend, présumé innocent, est toujours resté en prison, à Makala, dans une cellule exiguë, un enfer sur terre, loin de sa famille, de ses amis et de ses connaissances, à cause de l’insensibilité pétrifiante de Joseph Kabila, qui a entretenu un flou artistique autour de procès de la Cour d’Ordre Militaire, et qui garde par violence, une haine viscérale, à peine voilée, contre un officier supérieur proche de Laurent Désiré Kabila, et tout ceci pour des raisons évidentes: de conflits d’intérêts qui échappent à notre sens de la justice!
J’appuie mon argumentation sur le fait que le 26 janvier 2001, soit dix jours après la disparition de Mzee, Joseph Kabila est investi en qualité de président de la République. Dans son allocution inaugurale, il dit: « J’assure le peuple congolais qu’une enquête judiciaire est déjà ouverte, afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu ». « Je veux la vérité totale sur tout ce qui s’est passé », dira-t-il, dans une interview au « Soir » de Bruxelles, daté du 7 mars 2001.
Alors que pourtant, le 2 février déjà, de cette même année 2001, le ministre Sakombi Inongo avait créé « l’événement » en affirmant, dans un entretien avec le « Soir » de Bruxelles « qu’il n’y aura pas d’enquête, étant donné que l’assassin du chef de l’Etat a été abattu ». Ma question actuelle est celle de savoir: qui avait chargé Dominique Sakombi d’annoncer une telle nouvelle, si ce n’est Joseph Kabila lui-même, le successeur supposé de son père biologique à la tête de l’Etat congolais? Evidemment cette annonce a été battue en brèche par la presse populaire, car la population voulait connaître la vérité. D’où l’ouverture du fameux procès dit des « assassins » de Mzee Laurent Désiré Kabila.
De l’avis général, et du mien, en croyant ne pas me tromper, ce procès spectaculaire, instruit par une Cour d’Ordre Militaire d’opérette, au service de l’occupant rwandais, n’a pas permis d’établir la vérité sur les circonstances exactes de la mort du troisième Président congolais. Pire, l’accusation a été tout à fait incapable d’apporter la moindre preuve de culpabilité d’Eddy Kapend, de Georges Leta Mangasa, et de tant d’autres compatriotes, dont l’énumération ici, serait fastidieuse, soit des personnes donc mises injustement aux arrêts, par la seule volonté d’un homme sans pudeur, ni regret, et sans sensibilité propre à l’être humain!
Il est utile de noter qu’à la prison centrale de Makala, les anciens collaborateurs et proches de Laurent Désiré Kabila sont surveillés nuit et jour, sans arrêt, par des caméras de surveillance, des membres de la garde prétorienne de Joseph Kabila. Ce sont des « prisonniers personnels » du Raïs. Même ayant quitté le pouvoir de manière peu civilisée, l’ombre de Joseph Kabila, plane encore et, reste omniprésente dans la mémoire collective!
Actuellement, la question que je me pose toujours: n’est-ce pas Joseph Kabila qui était, à l’époque des faits, commandant des Forces terrestres de l’Armée Nationale Congolaise? Et donc, pourquoi n’ose-t-on pas le questionner à ce sujet, en swahili, où en anglais? Quel fut son rôle? Qu’en pensent donc les professionnels de la justice? Et où en est-on avec la commission d’enquête parlementaire sur ce sujet? Pourquoi cet accommodement, qui tend à la prescription de l’infraction? Pourquoi cette invraisemblable lâcheté?
A l’évidence, pourquoi le Président de la Cour d’Ordre Militaire, le Général Nawele Bakongo, après avoir déclaré qu’il lui était difficile de conclure au vu des éléments d’enquête en sa possession? Et pourquoi n’indique-t-il pas les véritables commanditaires, complices et/ou éventuels assassins de Laurent Désiré Kabila? Enfin, pourquoi ajoute-t-il que le dossier « reste ouvert », pour permettre, enfin, à l’enquête de se poursuivre… et, au besoin, de parvenir à faire éclater la vérité?
A Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshilombo,
Président de la République,
J’ai tenu à vous rappeler que le colonel Eddy Kapend, Georges Leta Mangasa, ancien administrateur général de l’ANR (Agence nationale de renseignements), et tant d’autres compatriotes détenus injustement à Makala, dans le procès du feu Laurent Désiré Kabila sont d’abord vos compatriotes congolais et vos sujets par la suite. Dès votre prise de fonction, vous nous aviez assurés de votre souci de libérer tous les prisonniers politiques et également de ceux qui ont été condamnés au pénal, et dont le délai de détention dépasse la normalité.
Bien entendu, ce geste conduirait à la décrispation de la crise de légitimité que traverse bien malheureusement, notre pays. Il s’agissait donc, de vous investir à fond pour faire libérer, sans condition, le colonel Eddy Kapend, Georges Leta Mangasa et consorts, de leur détention prolongée, depuis maintenant 19 ans, à la prison centrale de Makala, pour une infraction d’assassinat, dont la Cour d’Ordre Militaire étant incapable de présenter des preuves à charge et à décharge. Bref, les arguments de la Cour d’Ordre Militaire ne reposait sur aucune base juridique légale, mais plutôt sur un règlement de comptes, digne de la Gestapo!
Or, il est un principe général en droit, disent les latinistes, « dubio pro reo », c’est-à-dire, « le doute profite à l’accusé ». C’est un principe universel. Malheureusement, la Cour d’Ordre Militaire Congolaise en charge de la procédure, a, expressément dérogé à cette tradition universelle, en niant l’évidence même du bénéfice de doute. Et, il est à parier que les professionnels du droit pénal ne seront pas d’avis contraire.
A Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshilombo,
Président de la République,
Pour conclure, je me permets de vous rappeler enfin que la durée de l’incarcération des détenus tels que Eddy Kapend et son compagnon d’infortune Georges Leta Mangasa, interpelle la conscience du monde libre, par suite du respect d’un principe universel de droit, qui évoque que le doute devrait profiter à l’accusé!… en l’absence de toute autre considération…
Ce serait, in fine, une façon pour vous, en début de votre quinquennat, de sortir grandi dans ce dossier encombrant, et de ne pas perdre la face dans une affaire où il y a plus d’ombre que de lumière, et où, surtout, la vérité dite officielle, n’est pas celle de l’opinion congolaise, ni celle du monde libre et civilisé!
Monsieur le Président de la République,
Souvenez-vous de Suzanne de la Bible, où Salomon, en roi sage, a dû trancher en faveur de celle qu’on présentait comme coupable! Soyez donc ce roi sage, de la lignée de Salomon.
Tout sera en votre honneur et le peuple congolais vous applaudira, assurément!
Bamba di Lelo – Docteur en Sciences Politiques de l’UCL – Analyste des Questions politiques du Congo – E.mail : jbadil@hotmail.be