Qui a donné l’ordre aux… « services spéciaux » de la police d’interpeller l’ancien ministre de la Communication et des médias Lambert Mende Omalanga? Dimanche 19 mai, des doigts accusateurs étaient pointés vers le ministre de l’Intérieur ad intérim Basile Olongo. Celui-ci a-t-il détourné le pouvoir d’Etat pour régler des comptes à un adversaire politique? Si ces suspicions étaient confirmées, cet ancien opposant, passé avec armes et bagages dans le camp kabiliste, a commis une « faute politique ». Sous d’autres cieux, un tel agissement appelle démission.
« Lambert Mende a été arrêté à son domicile! » Cette nouvelle a commencé à circuler dans les réseaux sociaux. D’aucuns n’ont pas hésité à parler de « Fake news ». Hélas non! La confirmation est vite arrivée via des sources indépendantes. C’est le cas notamment de l’agence de presse Actualité.CD.
Certains n’ont pas manqué de voir dans l’affaire Mende un signe annonciateur de « la fin des intouchables ». Erreur. Ce qu’il faut craindre ici c’est bien la résurgence de l’arbitraire. La justice ne naître de l’arbitraire.
Au moment où ces lignes sont écrites, « Lambert » est libre. Il est de retour chez lui. Il a promis de porter plainte. Au motif qu’il n’a commis aucun « fait infractionnel ». L’homme ne s’est pas arrêté là! Il a promis des bosses et des plaies au ministre de l’Intérieur a.i, l’ex-opposant Basile Olongo. « Il y aura une suite politique et judiciaire », a-t-il prévenu en invoquant sa qualité de député national session.
Que s’est-il passé? L’ancien ministre Lambert Mende Omalanga, député national élu au Sankuru, a, effectivement, été interpellé dimanche 19 mai à son domicile. « Des policiers et des militaires armés sont arrivés au moment où nous allions passer à table. Ils ont brutalisé les gardes avant de se saisir de lui [Lambert Mende] brutalement ». Ce témoignage émane de l’épouse Mende prénommée Rose.
A en croire Mende, il aurait reçu « des coups de crosse dans la poitrine et dans le dos ».
UNE AFFAIRE DE « DIAMANT »
Que reproche-t-on à Mende, un homme réputé antipathique et qui n’avait pas que des amis? Il est question d’une vague histoire de « diamant ». On n’en sait pas plus.
Il y a plusieurs mois, le magazine kinois « Tokomi wapi? » d’Eliezer Ntambwe avait reçu une famille sankuroise. Celle-ci prétendait qu’un de leurs, creuseur de son état, s’était fait déposséder de sa « pierre précieuse » par le gouverneur sortant du Sankuru, Berthold Ulungu, un proche de Mende. S’agit-il de la « résurrection » cette affaire?
Qui a ordonné à la police d’interpeller Mende? Ici, tous les regards sont tournés vers l’ex-opposant Basile Olongo, ministre intérimaire chargé de l’Intérieur et … candidat malheureux à la « députation nationale » du 30 décembre 2018 dans la province du Sankuru.
Selon des sources bien informées, Basile Olongo tiendrait les « miliciens » de Mende pour responsable notamment de la « lapidation » de son cortège lors de la campagne électorale à Lodja. Une situation qui ne lui aurait pas permis de battre campagne dans la sérénité.
D’après ces sources, « Basile » n’avait guère digérer l’ « affront » et avait juré de prendre sa « revanche » sur Mende. L’intéressé a démenti ces allégations. Il a assuré la main sur le cœur « qu’il n’est pas derrière cette interpellation ». Qui alors?
Pourquoi les services de renseignements de la police ont-ils obéi à un ordre manifestement illégal d’aller opérer dans un domaine qui relève de la compétence de la police judiciaire? Qui avait donné l’ordre opérationnel? Pourquoi le général Vital Awashango du très redouté « service de renseignements généraux » de la police a-t-il été chargé d’auditionner Lambert Mende dans une affaire qui relève du droit commun?
POTO POTO INSTITUTIONNEL
On apprenait dimanche dans la soirée que l’ordre de relâcher Mende a été donné par la Présidence de la République. Autrement dit, Felix Tshisekedi. N’empêche. Cette affaire met à nu un certain « poto poto institutionnel » qui continue à régner dans le fonctionnement du pays. En cause, le retard qu’accuse la mise en place d’un gouvernement de plein exercice. « Le président Felix Tshisekedi n’est pas concerné dans cette affaire, mais ses adversaires ne manqueront pas de la mettre dans son passif en l’accusant de ne pas avoir la maîtrise de la situation du pays », commente un parlementaire étiqueté FCC (Front commun pour le Congo).
Le 30 décembre 2018, les Congolais sont allés massivement aux urnes pour tourner la page à la barbarie et à l’arbitraire qui caractérisaient le pouvoir de « Joseph Kabila ». Durant ses dix-huit années de pouvoir, ce dernier a mis l’armée, la police, les services de renseignements civils et militaires et l’appareil judiciaire au service de ses intérêts. Le 30 décembre dernier, les Congolais ont voté pour l’avènement de l’Etat de droit impliquant non seulement la primauté du droit et l’égalité des citoyens devant la loi mais surtout le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine.
Dimanche, des hommes « acquis au changement » ne trouvaient pas des mots assez durs pour condamner l’interpellation cavalière de Mende qui est, par ailleurs, parlementaire en session. « S’il était établi que Basile Olongo a été le donneur d’ordre, ce ministre a commis une faute politique et sa place n’est plus dans ce gouvernement en affaires courantes ». Des réflexions de ce genre revenaient sans cesse.
Avocat au barreau de Bruxelles, Natif du Sankuru, Jean-Claude Ndjakanyi – est loin de compter parmi les « admirateurs » de Lambert Mende Omalanga -, n’a pu s’empêcher de dire tout le mal qu’il pense de la brève arrestation de l’ancien ministre de la Communication. « Nous nous sommes battus durant des années afin que le Congo-Kinshasa devienne un Etat de droit. Nous ne pouvons plus tolérer des dérives autoritaires. L’Etat n’a pas pour vocation d’humilier ses citoyens. Nous ne devons plus reproduire les errements du système Kabila », a dit Ndjakanyi. Et de conclure: « Basile Olongo n’a pas, par cet acte, contribué à la promotion de la cohésion au Sankuru ».
Que l’on se comprenne bien. Personne ne prend ici la défense d’un individu, fût-il l’ancien porte-parole du régime de « Kabila ». Il s’agit ici d’un devoir de cohérence par rapport aux valeurs de liberté et de justice pour lesquels des dignes filles et fils de ce pays ont payé de leurs vies. Des vies broyées par la folie humaine.
Le ministre Basile Olongo a failli dans sa mission de membre du gouvernement en détournant les services de renseignements de la police nationale de sa véritable mission. Le général Vital Awashango, lui, devrait expliquer les raisons qui l’ont poussé « à exécuter un ordre manifestement illégal » en violation de la Constitution.
Baudouin Amba Wetshi