Depuis quelques jours circule dans les réseaux sociaux une vidéo d’une minute trente-trois secondes montrant des éleveurs Mbororo traversant une savane et accompagnés de leurs cheptels et familles. Ce phénomène Mbororo ne cache-t-il pas un danger pour l’unité de la République démocratique du Congo?
La vidéo tournée se passe dans la Province du Haut-Uélé, territoire de Faradje dans la localité de Makoro. Les Mbororo, dont le nom signifierait « vaches », sont des éleveurs nomades Peuls provenant de plusieurs Etats africains. Dans leur mouvement migratoire, ils sont accompagnés de leurs familles et cheptels à la recherche de pâturages, allant d’un pays à un autre sans respect des normes juridiques nationales et internationales.
Les Mbororo sont subdivisés en deux groupes: les éleveurs et les braconniers, appelés Houda ou Uda. Ces derniers sont pour la plupart de cas d’origine libyenne. Ils sont détenteurs d’armes à feu. C’est en 1940 qu’on signale la présence des Houda pour la première fois dans le Parc national de la Garamba dans le Haut-Uélé en République démocratique du Congo, venus à la recherche d’ivoire. En 1980 et 1985, ils reviennent deux fois, toujours à la recherche d’ivoire dans le Parc national de la Garamba. En 2000, les deux groupes Mbororo, les Houda et les éleveurs, reviennent encore pour occuper les Provinces du Haut-Uélé et du Bas-Uélé. Entre 2003 et 2012, ils ont été par deux fois chassés par les éléments des Forces Armées de la RD Congo (FARDC), avant de revenir en masse en 2013 pour s’installer de nouveau, surtout dans la chefferie Manziga en territoire de Niangara.
Les Mbororo pratiquent l’élevage, le braconnage et le commerce. Ils vivent regroupés dans des camps retranchés. Ils entretiennent des relations permanentes avec leurs pays d’origine. Certains Mbororo appelés Houda viennent du Darfour (Soudan) et font du trafic d’ivoire, d’or et de diamants. Après avoir vendu ces produits, ils ramènent des armes et munitions en RD Congo. Notons que, dans les deux Provinces du Haut-Uélé et du Bas-Uélé, il y a aussi la présence des miliciens ougandais de la LRA (Lord’s Resistance Army). Les éleveurs Mbororo collaborent parfois avec ces miliciens ougandais. Ceux-ci mettent des munitions dans des bidons de 20 litres et les font transporter par la population qu’ils kidnappent. Les miliciens de la LRA utilisent les Mbororo comme leurs espions et agents de renseignement. Ce sont les Mbororo qui achètent pour la LRA des téléphones satellites Thuraya, des médicaments et des bâches. Dans cette région, il faut signaler également la présence massive de réfugiés Sud-soudanais qui vendent des produits vivriers en utilisant les Mbororo. Comme si cela ne suffisait pas, on signale également la présence de Chinois à Giro, dans le territoire de Watsa. Ils exploitent abusivement de l’or en détournant la rivière Ibhu de son lit.
Comme on peut s’y attendre, la présence de ces quatre acteurs, les Mbororo, les miliciens ougandais de la LRA, les réfugiés sud-soudanais et les Chinois, a des conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires pour les habitants de cette région. Étant donné que les éleveurs Mbororo sont très nombreux dans la région, les prix des denrées alimentaires et des produits manufacturés ont augmenté et ceux-ci se font très rares sur le marché. Ayant des moyens financiers très importants, les Mbororo violent des mineures congolaises et certains ont même eu des enfants avec des Congolaises, enfants dont l’intégration pose problème dans les communautés locales. Quant aux Congolais, aucun n’a eu d’enfant avec une Mbororo. En effet, dans la culture des Mbororo, tout mari ayant contracté un mariage formel ou informel avec une Mbororo est directement doté par la belle famille et doit être ramené dans la brousse et vivre avec toute la communauté Mbororo. Ce que les Congolais n’osent pas!
Étant donné que les Mbororo sont des tradipraticiens, ils utilisent des feuilles d’arbres ou d’autres produits de la nature pour se soigner. Ils sont donc réticents aux services de la santé communautaire, ils ne se laissent pas vacciner. Ayant un cheptel de plusieurs milliers de têtes, ils fréquentent les points d’eau potable. Ceci a comme conséquence que certains points d’eau sont asséchés et d’autres pollués! Ils occupent les aires protégées telles que le Parc National de la Garamba, les réserves de Digba et de Penge. Compte tenu de bons pâturages verdoyants dans la région, certaines sources affirment que les bêtes des Mbororo commencent à mettre bas deux fois l’an au lieu d’une seule fois. Lors de leur passage d’une localité à l’autre, ils détruisent non seulement la faune et la flore, mais aussi des champs cultivés. Les abeilles sont des témoins ou sentinelles du bon état de notre environnement mais leurs ruches sont malheureusement systématiquement détruites par les Mbororo, afin de protéger leurs bétails.
La présence des Mbororo et d’autres acteurs dans cette région ne constitue-t-elle pas un danger pour la RD Congo? Certaines sources bien informées n’hésitent pas à affirment que certains Mbororo seraient des militaires envoyés comme cheval de Troie pour explorer le terrain. Et que certaines puissances se cacheraient derrière les Mbororo. Le but poursuivi serait de déstabiliser cette région aurifère et remettre en question l’unité du pays. N’est-il pas temps que le gouvernement de la RD Congo puisse se saisir de cette situation pour trouver une solution durable à ce phénomène de migration non contrôlée? Les populations locales menacent de se prendre en charge si rien ne se fait. Wait and see!
Jean-Bertrand Madragule Badi – Docteur en Théologie (Allemagne), Docteur en Philosophie (Luxembourg), Master en Droit, Science Politique, Relations Internationales (France), Candidat à l’habilitation, Thèse d’État à l’Université de Bochum (Allemagne) et Président de l’ONG Kongo Social-Care e. V. : www.kongo-social-care.de