L’illusion d’une alternance « civilisée » qui permettrait de grands changements va-t-elle durer plus que l’image souriante de JK en costume civil?
En effet, voici le retour du treillis martial. Le retour du chef militaire qui en réalité n’est jamais parti et qui n’est pas prêt à partir. Les « petits chefs » du FCC (Front commun pour le Congo) ont été sommés de faire allégeance, par écrit, sur un pupitre installé sous le regard sévère du raïs, Joseph Kabila. Après le parfum de la carotte/mangeoire ils ont surtout senti le vent et la menace du bâton.
L’UDPS est également rappelée à l’ordre: « Vous songez à désigner un informateur pour identifier une majorité… je vous informe que le FCC c’est moi Joseph Kabila et que nous sommes largement majoritaires, par ailleurs, vous avez signé conjointement avec nous un communiqué annonçant un gouvernement de coalition entre FCC ET CACH ».
Lié par un pacte de fraude à grande échelle, UDPS et UNC ont accepté à la fois celles de la présidentielle, des législatives et celle des élections provinciales. Nos criminels en cols blanc de tout bord ont ainsi toute latitude pour opérer à leur guise. Spécialistes de la fraude, de la corruption et autres crimes économiques, plusieurs membres du pouvoir, se sont porté candidat sénateur. Enhardis par « le pacte » et l’impunité totale, au vu et au su de tous, ils achètent les voix nécessaires y compris celles des députés UDPS et UNC. Elus, Ils ont une nouvelle rente, se protègent contre des possibles actions en justice et gardent du pouvoir. En tenant le sénat aux 2/3 ils tiennent le président « nommé », Felix Tshisekedi à leur merci.
Pour les pragmatiques, les optimistes et ceux qui pensaient qu’ils allaient pouvoir finasser avec le raïs, la pilule est amère, mais, complicité dans la fraude oblige, les chefs l’avalent. La base qui n’a pas encore eu accès à de meilleures conditions de vie proteste et s’en prend aux (présumés) corrompus, malheureusement pas (encore) aux (présumés) corrupteurs.
On espère tous que Fatshi pourra apporter quelques changements. Qu’il pourra, comme il l’a promis, libérer tous les prisonniers « politiques » et ouvrir l’espace politique, qu’il pourrait « transférer le camp militaire Kokolo à Beni et y ramener la paix ». Que Fatshi fasse comme JK et soumette les dépenses publiques à l’autorisation de la Présidence. Qu’il arrête la gabegie du PM attribuant des avantages à vie à lui même et à ses complices criminels en cols blancs. En attendant, en guise de miettes, quelques travaux routiers – prévus depuis des années – sont annoncés comme programme des premiers cent jours .
Plusieurs dizaines de prisonniers politiques croupissent toujours en prison. Les tueries à Beni continuent. Plus de cinq cents atteintes aux droits de l’homme sont toujours documentés chaque mois dont plus de la moitié est attribuée aux forces spéciales des FARDC. La Monusco avec un budget annuel de 1,5 milliards de USD et les « vaillants FARDC » avec un effectif plus nombreux et un budget inconnu – opacité oblige – armés jusqu’aux dents, n’arrivent pas à sécuriser une dizaine de centres de traitement de Ebola contre des assaillants les plus souvent en haillons et armés de machettes. Le Secrétaire général des Nations Unies semble tétanisé et incapable d’une initiative efficace. Quand Ebola cessera de s’en prendre à nos compatriotes et tuera quelques « blancs », la langue de bois des onusiens changera probablement.
L’Unicef, quant à elle, annonce que rien qu’au Kasai (dont sont originaires, la majorité des militants de l’UDPS), plus de 250.000 enfants sont en situation de malnutrition aiguë. Une grande partie de ces enfants n’y survivront pas.
Plus de 300.000 congolais sont en train d’être expulsés sans ménagement d’Angola vers le Kasaï, le Katanga, le Bandundu et le Bas Kongo et rejetés dans les brousses congolaises et 4,5 millions de nos compatriotes sont toujours déplacés et les plus privilégiés d’entre eux croupissent dans des camps de réfugiés.
Alors que la demeure prend feu de toutes parts, les responsables de l’UDPS et de l’UNC et les « pragmatiques intellectuels » qui les soutiennent continuent à clamer que « tout va très bien madame la marquise » et que « demain, on rase gratis ».
Ce serait ça « l’alternance civilisée pacifique »? La paix de la fraude contre la violence de la vérité? Le résultat « des meilleures élections que le pays ait connu » selon le sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines, Tibor P. Nagy?
Après avoir signé un pacte avec le diable qui les paralyse complètement, l’UDPS a cru pouvoir finasser avec un groupe qui depuis plus de 18 ans se joue des institutions de la RDC et de « la communauté internationale ». Une grande partie de la « base » commence à se rendre compte que l’arrangement contre nature: poste de président contre acceptation de la fraude y compris la fraude aux législatives et provinciales a amené l’UDPS dans une nasse qui ne permet qu’à une toute petite minorité d’entre eux d’avoir accès à la mangeoire.
A suivre …
Par Jean-Marie Lelo Diakese