Avant de quitter la scène, le président Kabila a légué un dossier empoisonné à son successeur en autorisant l’exploration pétrolière dans un parc national avec une amende de 600 millions de dollars en prime.
Les gentils bonobos du Parc national de la Salonga, classé au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO ont du souci à se faire.
En effet, l’agence Bloomberg a jeté mardi un gros pavé dans la mare en révélant que le 13 décembre dernier, le Président sortant a signé en catimini une ordonnance présidentielle, approuvant un contrat de partage de production avec la société Sud-africaine DIG Oil d’Andrea Brown, associée du juge en chef Sud-africain Dikgang Moseneke.
Le contrat porte sur les blocs 8, 23 et 24 de la Cuvette centrale dont l’un (le bloc 8) empiète sur le Parc National de la Salonga. Son approbation vient aggraver la menace que constituait déjà l’octroi en février 2018 d’un autre bloc de la cuvette, empiétant aussi sur le territoire du Parc, à la Compagnie Minière du Congo (COMICO), contrôlée par l’homme d’affaires également Sud-africain, Adonis Pouroulis, dans des conditions controversées: selon une analyse juridique commandée par Global Witness, rendue publique au début de ce mois, en approuvant ce contrat qui remonte à 2007, Kabila l’aurait rendu nul et non avenu car il n’entérine pas les changements imposés par la loi sur les Hydrocarbures de 2015. L’analyse de Global Witness fait aussi apparaître que le contrat approuvé par M. Kabila s’écarte de la loi en introduisant des conditions systématiquement défavorable à l’Etat congolais, instaurant ainsi un partage totalement inéquitable.
L’affaire inquiète d’autant plus les défenseurs de l’environnement que le gouvernement congolais est bien déterminé à déclassifier de larges portions du Parc de Salonga mais aussi du Parc des Virunga, sanctuaire des gorilles de montagne, pour y rendre possible l’exploitation pétrolière. En violation des accords internationaux de la RDC et de ses propres lois. L’an dernier, le gouvernement congolais a même décidé de créer une commission interministérielle à cet effet. Reste à voir si le nouveau gouvernement congolais qui doit encore voir le jour va mettre en place ladite commission et si le Président nommé par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) va avaliser toutes ces entorses légales et ces menaces au patrimoine environnemental du Congo.
« L’approbation d’un autre permis dans la Salonga est un développement alarmant », commente Global Witness dans un e-mail à Bloomberg, s’inquiétant des « conséquences dévastatrices pour les communautés locales et les espèces menacées » du Parc.
Le Président Félix Tshisekedi va donc devoir plonger dans un dossier que vient encore compliquer un jugement de la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI) rendu en novembre 2018. Selon la lettre Africa Energy Intelligence (AEI) de Paris, la CCI a en effet tranché en faveur de DIG Oil qui avait déposé une plainte contre la RDC parce que M. Kabila avait fait traîner les choses en longueur pendant 11 ans en ne confirmant pas par ordonnance présidentielle, l’accord de partage de production relatif aux trois blocs de la Cuvette centrale. Qui plus est, selon AEI, la RDC a été condamnée à payer 600 millions de dollars de dommages et intérêts à DIG OIL. En décembre 2018, le ministre de la Justice congolais, Alexis Thambwe Mwamba et son collègue des Hydrocarbures, Aimé Ngoy Mukena, pensant stopper l’application de la sentence ont fait valider « en quatrième vitesse » l’obtention des blocs par DIG Oil par le conseil des ministres, approuvée dare-dare par M. Kabila. Mais en vain. Mme Brown qui a les dents très longues, veut pousser son avantage et souhaite se faire payer les 600 millions de dollars « pour préjudice » (sic). Autrement dit, la RDC a perdu sur les tous les tableaux.
Par François Misser, in La Libre, le 27 février 2019