Kinshasa: Moïse Chokwe poursuivi par la rancune féroce de « Kabila »

Dans un communiqué daté du 19 février 2019, l’ONG de défense des droits humains « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’homme » (VSV) tire une sonnette d’alerte sur l’état de santé de l’ancien député national (2006-2011) Moïse Chokwe Cembo, élu de Sakania, président du parti « Alliance pour le Salut du Peuple » (ASP), détenu – sans jugement – à la prison de Makala depuis le mois de décembre 2016. La « VSV » demande au nouveau chef de l’Etat d’ordonner sa libération.

Dès le premier paragraphe de son communiqué, la « VSV » exprime ses « vives inquiétudes » suite à la « dégradation avancée » de l’état de santé de cet acteur politique qui a été transféré, début février, dans une polyclinique kinoise. A en croire la VSV, l’état de santé de l’intéressé « ne fait que s’empirer ».

L’infortune de ce « notable katangais » remonte au mois de décembre 2016. En séjour à Kinshasa, le Lushois Chokwe, est « kidnappé » – le mot n’est pas trop fort – par des « hommes armés » en tenue civile au croisement du boulevard Triomphal et l’avenue des Huileries dans la commune de Lingwala. Il était en compagnie de son assistant, Faustin Sotala. Les deux hommes seront détenus dans un premier temps dans un cachot de l’ex-Demiap (Renseignements militaires) à Kintambo avant d’être transférés à Makala.

Raphaël Katebe Katoto

Que reproche-t-on à cet ancien député national? Selon les informations détenues par la VSV, Chokwe Cembo, accompagné de son assistant, devait remettre une somme de 800 dollars à deux individus non autrement identifiés de la part de Raphaël Katebe Katoto. Ces quidams appartenaient, comme par hasard, à l’ex-Demiap.

Arrêté arbitrairement en décembre 2016, les deux « prévenus » auront attendu jusqu’au 19 mai 2017 pour être auditionnés à l’auditorat général de l’armée congolaise. C’est à cette occasion qu’ils apprendront la gravissime accusation retenue à leurs charges: « Organisation d’un mouvement insurrectionnel et tentative d’achat d’armes pour renverser le président Joseph Kabila ».

Un simulacre de procès est ouvert en date du 11 juillet 2017. Après trois audiences, les débats sont suspendus jusqu’à ce jour. Cela fait donc 24 mois depuis que cet acteur politique et son collaborateur sont privés de liberté sans qu’ils bénéficient d’un procès public où les droits de la défense sont respectés.

Connaissant le « système Kabila » et ses acteurs, la VSV a compris que le dossier de ce genre de « prisonniers » est généralement du ressort de la Présidence de la République. En clair – c’est nous qui l’interprétons-, Chokwe Cembo et son collaborateur sont des « prisonniers personnels » du « raïs ». Celui-ci étant « parti », la VSV décide de saisir le tout nouveau président Felix Antoine Tshilombo Tshisekedi. L’association lui demande « toutes affaires cessantes » d’ordonner la « libération pure et simple » de cet homme politique afin de lui permettre de recevoir des soins médicaux exigés par son état de santé.

Juriste de formation, député national (2006-2011), élu de la circonscription électorale de Sakania (Haut Katanga), ancien président du conseil d’administration de l’ex-Onatra (Transport fluvial), Moïse Chokwe a été un des « candidats malheureux » aux élections législatives du 28 novembre 2011.

UNE « RANCUNE FÉROCE »

Fin novembre 2012, Chokwe décide de rompre avec la « Kabilie » et rejoint les « rebelles » du M23 qui venaient de s’emparer de la ville de Goma, le chef-lieu du Nord Kivu.

Dans une interview téléphonique accordée à l’auteur de ces lignes depuis Kampala, en Ouganda, « Moïse » se lança dans une attaque frontale contre le successeur de Mzee LD Kabila. C’était le 8 février 2013. « J’ai quitté le système Kabila par dégoût », lançait-il. Et d’expliquer que ce « système » brille par le « mismanagement » [la mauvaise gestion]. « Notre pays mérite mieux que régime actuel », soulignait notre interlocuteur qui a pris le temps de relater l’élément déclencheur de l’animosité de « Kabila » à son égard. L’homme n’a jamais cessé de contester la « victoire » de « Joseph » à la présidentielle de 2011.

« Joseph Kabila »

C’est ici que Chokwe livre sa part de vérité au sujet du conflit qui l’oppose à à ce dernier: « En tant que katangais proches des tenants du système kabiliste, j’ai été un témoin privilégié des actes de mauvaise gestion du régime en place durant la législature 2006-2011 ». A l’appui de sa thèse, il fait état d’une somme de 30.000.000 $ que la société « Fortunes » aurait versé au ministre des Finances d’alors, Augustin Matata Ponyo, au titre de pas-de-porte. Selon lui, les 30 millions $ prirent une destination inconnue alors que le personnel de la « Sodimico » accusait 123 mois de salaires impayés.

Contacté par ses soins, le ministre Matata lui dira que cet argent serait logé dans un compte du Trésor à la Banque centrale du Congo. « Faux! », s’exclama-t-il. C’est ainsi qu’il prit l’initiative de « questionner » le ministre des Finances à ce sujet dans le cadre formel d’une « Question orale ». Une démarche perçue, par les « super faucons » de la Kabilie comme une « déclaration de guerre ».

D’après Chokwe, c’est à partir de ce moment qu’il a commencé à recevoir  des menaces en provenance de la Présidence de la République. Un de ses interlocuteurs lui dira en termes comminatoires: « Ta question orale ne passera pas, le boss (entendez: « Kabila ») a utilisé cet argent. Qui es-tu pour prétendre aimer la population de Sakania plus que le boss? D’ailleurs, on fera tout pour qu’au prochain scrutin tu ne passes pas député de Sakania ».

La tentation est de forte de conclure que Moïse Chokwe Cembo et « Joseph Kabila » ont de vieux comptes à régler. Ceux qui ont eu à côtoyer le « raïs » sont unanimes: « L’homme a la rancune féroce ». Osons espérer que la demande de libération formulée par la « VSV » sera entendue…

 

B.A.W.

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