Vice-Premier ministre en charge de l’Emploi, François-Joseph Nzanga Mobutu Ngbangawe, fils aîné de Mama Bobi Ladawa, a quitté Kinshasa le 19 novembre 2010 pour assister à Rome à l’élévation de Mgr Laurent Monsengwo Pasinya au rang de Cardinal. Deux mois après, « Ngbangawe » – qui signifie « il n’y a plus de problème » en langue Ngbandi – continue à séjourner hors du pays après le deuil qui a frappé sa belle-famille début janvier. Certains journaux kinois ont annoncé sa démission du gouvernement dirigé par Adolphe Muzito. « Je l’ai appris! », répond l’intéressé avec un sourire en coin. Certains analystes n’hésitent pas à le voir présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2011. « Pourquoi pas? », lance-t-il. Sans confirmer ni infirmer les informations circulant sur son départ de l’exécutif national, le « vice-Premier » a tout l’air d’un homme qui se trouve à l’heure de la « grande remise en question ». C’est en tout cas le sentiment qu’il a laissé dans un entretien accordé à Congo Indépendant.
« J’assume les choix politiques que j’ai opéré. Je ne suis pas là pour pleurnicher encore moins pour chercher des polémiques inutiles.C’est le temps de la réflexion! » C’est en ces termes que Nzanga Mobutu a démarré la conversation à bâtons rompus avec notre journal.
GOUVERNEMENT SANS CONCERTATION
Agé de 41 ans le 24 mars prochain, fils et dernier conseiller en communication du maréchal Mobutu Sese Seko, « Nzanga », comme l’appèlent familièrement ses concitoyens, a créé l’événement en 2006 en soutenant le président sortant « Joseph Kabila » au second tour de l’élection présidentielle face à Jean-Pierre Bemba Gombo. Celui-ci n’est autre que le frère aîné de Bemba Olofio, l’épouse… Nzanga. On se trouve là, en plein feuilleton américain « Dallas » dans lequel les membres du « clan Ewing » passent le clair de leur temps à s’étriper. Président de l’Udemo (Union des démocrates mobutistes), Nzanga qui se refuse « à toute polémique pour polémiquer » d’assurer: « J’avais tendu la main aux miens sans succès ». Pour lui, il ne sert à rien de garder les yeux braqués sur le passé. A propos de la détention de JP Bemba à la Cour pénale internationale, sans nier les « erreurs commises » par son « beauf », il dit: « Je compatis très sincèrement. Nous avons certes eu des divergences mais Jean-Pierre Bemba reste l’oncle de mes enfants et le frère aîné de mon épouse ».
En novembre 2006, la mouvance kabiliste réunie au sein de l’AMP (Alliance de la majorité présidentielle) passe un contrat de « partenariat politique » avec l’Udemo qui a obtenu 9 députés nationaux et un sénateur. Une coalition gouvernementale regroupant l’AMP, le Parti lumumbiste unifié (Palu) d’Antoine Gizenga promu Premier ministre et l’Udemo voit le jour. En février 2007, Nzanga Mobutu fait son entrée au gouvernement en qualité de ministre d’Etat chargé de l’Agriculture. Une année après, il est promu vice-Premier ministre chargé des… « Besoins sociaux de base ». Un portefeuille au nom pittoresque qui ressemble à une coquille vide. C’est ici que commence les « frustrations ». En février 2010, il se voit confier le secteur de l’Emploi. Nzanga Mobutu qui a vécu longtemps en Occident avait une idée idyllique du gouvernement de coalition. Pour lui, celui-ci ne pouvait fonctionner que selon des principes de « collégialité » et de « solidarité ». Deux notions qui impliquent, selon lui, la « concertation permanente » avant la prise de toute décision importante. Il déplore la rareté des réunions du conseil des ministres ou des comités interministériels restreints. Il pense au « Kern » (le comité interministériel restreint) en Belgique.
« GOUVERNEMENT PERPENDICULAIRE »
A quelques mois de l’élection présidentielle de 2011, Nzanga se livre à une sorte de remise en question. Sans le dire expressément, il constate l’existence d’un fossé psychologique entre lui et ses « partenaires politiques » sur la conception même de la conduite des affaires publiques. « Nous avons eu des désaccords dans pas mal de domaines, dit-il. Je n’ai jamais manqué de donner mon point de vue au Premier ministre Adolphe Muzito quand j’avais l’occasion de lui parler ». A en croire le « vice-Premier », Muzito lui a souvent reproché une certaine absence de solidarité. « Comment voulez-vous que je sois solidaire de l’incurie? », fait remarquer Nzanga. Il ajoute aussitôt: « Par moment, je me pose la question s’il y a un gouvernement. Nous sommes dans un système qui ne fonctionne pas. Le Premier ministre ne détient qu’une apparence du pouvoir. Il ne peut rien décider« . Sur un ton plein d’amertume, Nzanga d’estimer que la RD Congo est dirigée par un « petit groupe de gens ». Ferait-il allusion au fameux « gouvernement parallèle » fustigé jadis par Vital Kamerhe? « Un gouvernement parallèle aurait eu le mérite d’aller dans la même direction. Dans le cas qui nous occupe, on devrait plutôt parler de gouvernement perpendiculaire », ironise-t-il. Ne redoute-t-il pas d’être qualifié d’opportuniste en découvrant tardivement ce que « tout le monde » sait depuis 2007? « Tout jugement de ce genre à mon égard ne serait qu’un procès d’intention », réplique-t-il. Pourquoi ne démissionne-t-il pas? « En Europe, un ministre qui n’est pas d’accord la boucle ou démissionne sans aucun problème. En Afrique, les réalités sont différentes… »
Pour Nzanga Mobutu, l’absence de « concertations » entre les partenaires politiques a poussé le pouvoir à commettre toutes les « dérives ». C’est le cas, dit-il, notamment de la « décapitation », en mars 2009, du Bureau de l’Assemblée nationale présidée alors par Vital Kamerhe. « Ce cas m’est resté au travers de la gorge », s’enrage-t-il. De même, il interprète son départ du ministère de l’Agriculture pour celui des « Besoins sociaux de base » comme une volonté de « marginaliser » un partenaire politique. Enfin, l’exclusion de candidats de l’Udemo du bureau de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a été la goutte qui a fait déborder le vase. « Il n’est pas exclu que je me porte candidat à l’élection présidentielle. Le moment venu, l’Udemo fera l’inventaire de ses réalisations dans les limites de son programme ». A quand le retour au pays? Réponse: « Mon retour pourrait intervenir à tout moment… ». On le voit, le partenariat politique AMP-Udemo n’est plus ce qu’il était. François-Joseph Nzanga Mobutu se trouve plus que jamais à l’heure du grand choix…
Baudouin Amba Wetshi