« Il faut laisser le passé dans l’oubli et l’avenir à la Providence », disait Bossuet. A la tête de son pays depuis 37 ans, Robert Gabriel Mugabe, alias « Comrade Bob », ne faisait plus mystère de sa volonté de rempiler – par sa femme Grâce – lors de l’élection présidentielle de 2018. Pas de chance. Le pouvoir l’a quitté. A force de s’accrocher au pouvoir, le « grand combattant » du pouvoir raciste blanc quitte la scène par la petite fenêtre de l’Histoire. L’Union Africaine et la SADC ne sortent guère grandies de la crise zimbabwéenne. Et ce pour avoir refusé de décrypter le désir de changement de ce peuple. Dans un registre congolo-congolais, les observateurs s’interrogeaient mardi sur le rôle joué par Mugabe dans l’avènement de « Joseph Kabila » à la tête du Congo-Kinshasa.
« Il faut savoir quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne vous quitte ». La phrase porte la signature du constitutionnaliste congolais André Mbata Mangu. Provocateur, celui-ci l’aurait prononcée lors d’un colloque organisé à Ouagadougou, au Burkina Faso, en présence d’un Blaise Compaoré encore flamboyant.
Le « prof », comme l’appellent ses proches, a répété ces mêmes mots le dimanche 5 novembre dernier à Bruxelles. C’était à l’occasion de la présentation du « Manifeste du Citoyen Congolais, Esili ». « D’ici le 31 décembre prochain, Joseph Kabila peut faire un discours en disant qu’il y a une vie après la Présidence », ajoutait Mbata.
Le président Robert Gabriel Mugabe a finalement démissionné mardi 5 novembre 2017. C’est une date historique pour le peuple zimbabwéen dont les réjouissances témoignent qu’il attendait un « big bang » politique.
Après avoir joué au chat et à la souris tant avec les chefs militaires de la ZDF (Forces de défense du Zimbabwe) que les dirigeants du parti dominant Zanu-PF, Mugabe a jeté l’éponge. L’annonce a été faite vers la fin de l’après-midi par le président de l’Assemblée nationale, Trevor Ncube.
On apprenait par les dirigeants de la Zanu-PF que le vice-président Emmerson Mnangagwa, 75 ans, devrait, dès mercredi 22 novembre, assumer l’intérim du Président de la République jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle de 2018. A tort ou à raison, des analystes redoutent qu’un satrape succède à un autre.
SIC TRANSIT GLORIA MUNDI
L’Administration Trump a salué un « moment historique » pour ce pays. Le Premier ministre britannique Theresa May a dit la « disponibilité » du Royaume-Uni à apporter son assistance au Zimbabwe. Président de la Zanu-PF, Lovemore Matuke s’est dit « très heureux que le président [Robert Mugabe] parte de lui-même ». « C’est un soulagement », a estimé, pour sa part, le président guinéen Alpha Condé dont le pays assure la Présidence tournante de l’UA.
Il faut bien constater que l’Union Africaine et la SADC (Communauté économique de l’Afrique australe) ont semblé se ranger plus du côté de Mugabe que de la population zimbabwéenne. Une population qui ne cachait pas sa lassitude de 37 années de pouvoir autoritaire. Sous prétexte du respect de l’ordre constitutionnel, les deux organisations du continent n’ont pas été à l’écoute des desiderata « de la rue » foulant aux pieds les principes contenus dans la Charte africaine de la Démocratie, de la gouvernance et des élections. Erreur!
En fait, Robert Mugabe a été poussé vers la sortie par ceux-là qui donnaient l’impression de l’aduler. « Elu » en 2008 face à Morgan Tsvangirai, l’homme sera « réélu » en 2013 à l’âge de 89 ans. Le challenger Tsvangirai n’avait pas cessé de dénoncer des « fraudes massives ».
Il semble bien qu’en 2008, Morgan Tsvangirai était arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, mais des partisans de Mugabe s’étaient déchaînés sur leurs adversaires. Bilan: 200 morts.
MUGABE ET LES KABILA
Le 17 mai 1997, les troupes ougandaises et rwandaises portent Laurent-Désiré Kabila au pouvoir. L’idylle ne dure que quelques quinze mois. Le 31 juillet 1998, le Mzee décide de mettre fin à la « coopération militaire » avec l’Ouganda et le Rwanda.
Dès le 2 août, la guerre reprend dans les provinces du Kivu. Un commando dirigé par James Kabarebe, alors colonel, mena un raid à Kitona. Le pouvoir de LD Kabila n’a été sauvé du naufrage que grâce à l’intervention décisive des soldats zimbabwéens à Kinshasa. Les Angolais furent déployés dans la province du Bas-Congo.
Pour financer la guerre, le Mzee a commencé par brader le patrimoine minier de la Gécamines via des joints ventures qui ne rapportaient pas grand-chose à l’Etat congolais.
Décidés à « se rétribuer », les Zimbabwéens se sont montrés « imaginatifs » en créant en 1999 la société « Sengamines » spécialisée dans l’exploitation de diamants. Cette entreprise est détenue à 80% par Oryx Natural Resources. La Miba, 20%. Sengamines avait des liens avec la ZDF (Zimbabwean Defence Forces). C’est le cas également de la firme Osleg créée en janvier 2000.
Le mardi 16 janvier 2001, le monde entier apprend le décès du président LD Kabila dans des conditions non-élucidées à ce jour. C’est un général zimbabwéen nommé Chirundze qui a été le premier à se rendre au Palais de marbre pour « constater » le décès.
Chef du protocole adjoint à la Présidence jusqu’au mois de janvier 2001, Eddy Musonda assure dans une interview accordée à l’auteur de ces lignes – pour le compte du « Soft International » -, en janvier 2002, que le général Chirundze, commandant des troupes zimbabwéennes au Congo-Kinshasa est arrivé rapidement au Palais de marbre. « Une heure après, raconte Musonda, le général Chirundze arrive au Palais de Marbre. Après avoir constaté la situation, il s’éclipse pour téléphoner apparemment au président Robert Mugabe. Ils parlaient en langue Shona. Après leur conversation, Chirundze téléphona au général-major Joseph Kabila qui se trouvait à Lubumbashi. J’ai entendu l’officier zimbabwéen dire: ‘You can come back, everything is under control' ». Traduction: « vous pouvez revenir, nous avons la situation en mains ».
Un avion de la compagnie aérienne Hewa Bora va ramener « Joseph » dans la capitale tard dans la nuit.
Lors de la « réélection » chahutée de « Joseph Kabila » en 2011, le « Comrade Bob » sera l’unique chef de l’Etat étranger présent à la cérémonie d’investiture. C’était le 20 décembre 2011.
Le moins que l’on puisse dire est que le désormais ex-président zimbabwéen n’a pas peu contribué à l’avènement de « Joseph » à la tête de l’Etat congolais. On espère que la chute de cet « homme indéboulonnable » pourrait servir de leçon pour « guérir » tous les « malades du pouvoir ». Ainsi passe la gloire de ce monde…
Baudouin Amba Wetshi
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