La RDC vient de tourner une page importante de son histoire. L’époque de l’AFDL/PPRD qui a duré un peu plus de 20 ans vient de se refermer avec le départ de Joseph Kabila. L’épilogue des élections a été tumultueux avec la contestation de la victoire par Martin Fayulu. De ce point de vue, c’est l’histoire qui se répète. Etienne Tshisekedi s’était autoproclamé président élu à la suite de l’élection frauduleuse de Kabila en 2011. Malgré toutes les compétences qu’on pouvait lui reconnaître, il n’a pas dirigé le pays. Contrairement à son cas, étant décédé dans des circonstances que nous connaissons, à Bruxelles, les autres candidats malheureux pourraient toujours se remettre en course aux prochaines élections.
Pour l’instant, les regards de tous sont tournés vers la gouvernance de « Félix » qui avait pris la place de son défunt père au sein de son parti l’UDPS. Avec son investiture qui a eu lieu le jeudi 24 janvier 2019, il a maintenant l’effectivité du pouvoir. Il vient de couronner le rêve du mythique opposant qui demandait à ses membres et au peuple congolais de tenir bon, car la victoire était certaine.
Invraisemblablement, on ne pouvait s’imaginer le panorama qui se déroule sous les yeux du peuple congolais après cette victoire tant recherchée. Le scénario qui se profile à l’horizon est inédit. Il faut dire que tous les calculs et toutes les prévisions ont été largement bousculés, pour ne pas dire déjoués. Connaissant la hargne des autorités sortantes pour le pouvoir, on s’attendait à ce qu’ils proclament Emmanuel Ramazani Shadary vainqueur. On s’attendait aussi que Kabila puisse dégager par la force au vu de la résistance qu’il opposait à quitter le pouvoir. Mais il a joué un tour de cartes qui a atténué, sur un plan, le mal dont on parlait de lui. La passation du pouvoir s’est faite de manière pacifique, finalement, on est tenté de le dire. Qu’il y ait eu deal ou non, le fait est là. Manifeste. Cet acte politique, qu’on le veuille ou non, marquera l’histoire du pays.
Par ailleurs, on pensait aussi que les « médiocres » allaient être balayés du paysage politique congolais en vue d’asseoir une nouvelle classe politique. Mais non, par la volonté du nouveau président qui prône un Congo réconcilié à lui-même, ils seront là. Ils y seront aussi par l’astuce politique qui a permis à ce qu’ils se taillent une majorité au sein du parlement national, sans parler au niveau des provinces et du sénat. En l’espèce, les mêmes « médiocres » contrôlent encore tous les rouages du pouvoir et, il faudra du temps et de l’intelligence pour injecter du personnel sous l’obédience de Félix. En bref, le nouveau président devra composer avec ces « braves gens ».
Si telle est la perspective, quelle sera la nouvelle configuration du pays? Suffira-t-il au nouveau président de manifester sa volonté, en parole, pour que les choses changent? Peut-on croire ou espérer que ceux qui ont conduit le pays à la dérive vont maintenant comprendre qu’ils sont appelés à travailler pour l’intérêt de tous et non seulement pour leurs propres intérêts et ceux de leurs proches?
En tout cas, en apparence la situation semble être compliquée, mais en réalité les choses pourraient carburer autrement. La population aura ici un rôle important à jouer. Elle devra faire valoir ses droits en s’entreposant avec force et intelligence pour pousser toutes les autorités qui auront la responsabilité de diriger le pays à s’engager à changer, mais aussi à travailler désormais dans le respect des normes sachant que la loi sévira cette fois-ci avec vigueur. Les choses changeront si l’attitude de la population, dans son ensemble, change. C’est tout le monde qui est appelé à changer, à mettre la main à la pâte pour créer les conditions d’un épanouissement collectif. Chaque Congolais œuvrera sous la protection de la constitution qui lui garantit ses droits et ses obligations. Le peuple ne doit plus laisser que ses droits soient bafoués. Si le nouveau président pense à vider les prisons, il doit aménager la place pour beaucoup d’autres qui ne respecteront pas la loi ou qui se rendraient coupables d’abus et autres malversations des deniers publics.
Qu’il soit cependant clair, le véritablement changement sera indéniablement impulsé par la tête. La réconciliation, sans pardon et sans reconnaissance de ses culpabilités, serait une vaine mise en scène qui ne produira pas d’effets escomptés. Ceux qui étaient habitués à se donner des privilèges indus, à ne pas payer les taxes, à utiliser les biens de l’État comme leurs propres biens, n’arrêteront pas s’ils n’y sont pas contraints par l’application rigoureuse de la force de la loi.
Félix a dit qu’il placera son mandat sous le signe du « Peuple d’abord ». Sa préoccupation à s’occuper des besoins essentiels de la population sera un signal important de sa gouvernance. Mettre fin aux massacres de la population à l’est qui furent entretenus par une certaine politique est une des priorités sur laquelle l’on jugera son efficacité. Car cette population meurtrie n’aspire qu’à vivre en paix.
Pareillement, on pourrait dire pour d’autres coins du pays insécurisés. Le nouveau président dissipera nombreux doutes qui planent dans la tête de beaucoup de gens en veillant méticuleusement à la composition du nouveau gouvernement. Le pays a beaucoup de têtes et des gens capables de mieux diriger certains portefeuilles ministériels. Revoir certaines têtes serait un mauvais signal. Le pays a besoin du renouveau et du sang neuf.
L’on sait qu’il ne sera pas facile de tout changer d’un coup, mais le ton qui sera donné et la manière de s’y prendre face à certains problèmes seront des indicateurs lumineux de sa volonté de changer les choses et de briser le statu quo. Il a le devoir patriotique de ne pas décevoir les attentes du peuple congolais en opérant un tournant historique dans la gestion du pays.
Par Mwamba Tshibangu