Invité personnel du Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege, l’eurodéputé et ancien chef de la diplomatie belge Louis Michel s’est fait huer à Oslo, capitale du royaume de Norvège, par des Congolais de la diaspora. Un vrai « contentieux » oppose les ex-Zaïrois avec les libéraux francophones (MR) en général et Louis Michel en particulier.
Lundi 10 décembre, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit, l’eurodéputé belge Louis Michel comme pétrifié. Face à lui, plusieurs bras s’agitent. Des cris fusent aussitôt: « assassin! », « complice des assassins! »
Dans l’édition du « Soir » de Bruxelles datée de mardi 11 décembre, la journaliste Colette Braeckman qui a pris part également à la cérémonie de remise de Prix Nobel de la Paix au gynécologue congolais Denis Mukwege ainsi qu’à la Yézidie Nadia Mourad, en parle.
Dans un article intitulé « Discours entaché pour le Dr Mukwege », elle décrit la scène: « Les injures volèrent aussi intensément que les paquets de neige et les menaces de coups tandis que la police norvégienne peu habituée à tant de véhémence, mettait du temps à intervenir (…)« . Elle relève, au passage, avec une certaine malice, que le cinéaste belge Thierry Michel « filmait la scène afin qu’elle puisse être mise en ligne ».
« LOBBYISTES »
Ouvrons la parenthèse à ce stade pour signaler qu’à tort ou à raison, certaines personnalités politiques et médiatiques belges – qui dénonçaient encore récemment la dérive dictatoriale de « Joseph » – sont suspectées d’avoir été recrutées par « Joseph Kabila » en qualité de lobbyistes. Ce n’est ni un crime ni un délit. C’est juste une question d’éthique et de cohérence.
Ces lobbyistes auraient reçu mission de faire sauter les « mesures restrictives » prises par l’Union européenne à l’encontre de plusieurs « bad guys » du régime finissant. On le sait, le Conseil européen a renouvelé ses sanctions le lundi 10 décembre.
Les incidents graves survenus le week-end dernier et mardi 11 décembre respectivement à Kindu (Maniema) et à Lubumbashi (Haut Katanga) lors de l’arrivée du candidat de la Coalition « Lamuka » à la présidentielle ne pourraient qu’envenimer la crise diplomatique entre « Kabila » et les « 27 ». Dans le premier cas de figure, on dénombre une dizaine de blessés graves. Dans le second, il y aurait plusieurs morts et des blessés graves. La Commission électorale nationale indépendante se tait non seulement en français mais aussi dans les quatre langues nationales. Fermons la parenthèse.
Revenons à l’article précité. La très professionnelle « CB » a laissé ses lecteurs à leur faim. Son « papier » rapporte, en effet, un « événement qui est arrivé » sans toutefois éclairer l’opinion sur le « pourquoi c’est arrivé ». C’est la question cruciale: Comment en est-on arrivé là?
Le jeudi 22 novembre dernier, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit, le défenseur des droits humains Paul Nsapu Mukulu qui est, par ailleurs, un des secrétaires généraux de FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) pointer un doigt accusateur en direction de la tribune du Parlement européen où se trouvait l’eurodéputé Louis Michel. C’était dans le cadre de l’assemblée paritaire ACP-UE.
A distance, les deux hommes se livrèrent à un échange vif. Très vif. Le premier invitait, à haute et intelligible voix, le second à ne plus s’immiscer dans la politique congolaise. Et ce, après l’avoir entendu clamer qu’ « Emmanuel Ramazani Shadary est l’homme qu’il faut » tout en minimisant la suspicion qui plane tant sur le fichier électoral que la machine à voter. « Vous n’avez pas le droit de prendre la parole ici », tonnait, comme à son habitude, l’eurodéputé belge qui a plaidé, dans la foulée, pour la levée des sanctions de l’UE.
Il existe un vrai « contentieux psychologique » entre les Congolais et les libéraux francophones (MR) en général et Louis Michel en particulier. Quelques faits en témoignent.
« ESPOIR POUR LE CONGO »
Lors de l’élection présidentielle de 2006 au Congo-Kinshasa, Louis Michel, alors ministre belge des Affaires étrangères, ne faisait guère mystère de son parti pris en faveur du président-candidat à sa succession « Joseph Kabila ». Il avait poussé l’ingérence jusqu’à « interdire » tout débat sur le parcours personnel de l’improbable successeur de Mzee. C’est Louis Michel qui avait lancé le concept « Congolité » en accusant certains acteurs politiques de développer une certaine « xénophobie » (sic!) à l’instar de « l’Ivoirité » à l’origine de la guerre civile en Côte d’Ivoire.
Interrogé en 2008 par le journaliste Pascal Vrebos de la télévision commerciale RTL-Tvi, Michel lâche: « Joseph Kabila représente l’espoir pour le Congo ». Une déclaration que les Congolais tant de la diaspora que du pays n’ont jamais digérée. Paul Nsapu n’a pas manqué de la lui rappeler au regard du bilan désastreux des dix-sept années de « règne » de « Kabila ».
Lors de la présidentielle de 2011, les observateurs tant nationaux qu’internationaux ont dénoncé des graves irrégularités. Contre toute attente, c’est un autre libéral francophone en l’occurrence Didier Reynders qui va ajouter une louche en déclarant avec une légèreté affligeante que les cas de fraude relevés lors de ce scrutin « ne changent nullement l’ordre d’arrivée ». En clair, la fraude corrompt tout sauf qu’ici elle profite au Président sortant…
Toute action appelant une réaction, voilà en gros les raisons ayant poussé des Congolais présents dans la capitale norvégienne à houspiller « Tonton Michel » (dixit, Abdoulaye Yerodia Ndombasi).
On ne pourrait que regretter que « C.B » ait préféré s’imposer une sorte d’autocensure en laissant sous silence les « antécédents » à l’origine de l’incident rapporté de manière lacunaire dans son « papier ».
Baudouin Amba Wetshi