En dépit des informations parcellaires qui « pronostiquent » un nouveau report des consultations électorales que les Congolais attendent depuis septembre 2016, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) confirme, dans son communiqué daté du 21 novembre 2018, que la campagne électorale pour la présidentielle, les législatives et les provinciales a bel et bien commencé le jeudi 22 novembre à minuit. Une question taraude déjà les esprits: la concurrence sera-t-elle loyale et pacifique face à un FCC aux allures de parti-Etat?
Sur papier, la CENI répond à cette dernière question par l’affirmative. « Les réunions électorales se tiennent librement sur l’ensemble du territoire national », note le communiqué de la centrale électorale. Celle-ci invite néanmoins les organisateurs des manifestations électorales à veiller « au maintien de l’ordre public et le respect de la loi ».
Plus loin, un paragraphe sonne comme une volonté de museler la liberté d’expression, le texte de souligner qu’il est interdit aux prétendants de « tenir des propos injurieux ou diffamatoires ». Il lui est également interdit de tenir des « propos susceptibles d’inciter au mépris envers les tiers, à la haine, au racisme, au tribalisme ou à tout autre fait prévu et réprimé par les lois de la République ». Il lui est enfin interdit d’ « inciter quiconque à commettre un acte de nature à entraîner des violences, des menaces ou à priver d’autres personnes de l’exercice de leurs droits ou libertés constitutionnellement garantis ». Sur les réseaux sociaux, il se raconte photos à l’appui, que des ressortissants d’un pays voisin auraient présenté leurs candidatures tant à la députation nationale que provinciale.
Étrangement, la CENI dont l’inféodation au FCC (Front commun pour le Congo) – la coalition politique que dirige « Joseph Kabila – n’est plus à démontrer, met en garde ceux qui seraient tentés d’abuser des « biens sociaux ». Il s’agit, précise le texte, d’abus pas seulement allégué mais « confirmé » par une décision judiciaire coulée en force de chose jugée. Un tel cas entraînerait, selon la CENI, « la radiation de la candidature de son auteur ou l’annulation de la liste du parti ou du regroupement politique incriminé ». Depuis sa désignation en qualité de « dauphin » du Président hors mandat, Emmanuel Ramazani a été accusé par les autres candidats président de la République d’abuser des ressources de l’Etat.
CONFLIT D’INTÉRÊT!
Une question continue à tarauder les esprits de tous les postulants n’appartenant pas au « clan kabiliste » dit « FCC ». A savoir: la campagne électorale sera-t-elle caractérisée par une concurrence loyale et pacifique? Autre question: l’électeur congolais aura-t-il le « pouvoir du dernier mot »?
On le sait, tous les chefs des ministères régaliens (Défense, Intérieur et sécurité, Affaires étrangères, Justice et Finances) font partie des différentes « cellules de campagne » du « dauphin » désigné par « Joseph Kabila ». Procureur général près la Cour de cassation, Flory Kabange Numbi en fait également partie. Qui a dit que le pouvoir judiciaire congolais était indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif?
Dans les provinces, les gouverneurs sont chargés de « coordonner » la campagne du candidat du FCC, Emmanuel Ramazani Shadary. Les maires, les bourgmestres, les administrateurs de territoire et les chefs coutumiers font de même dans leurs entités respectives. A titre d’exemple, dans l’ex-province du Katanga et dans les deux Kivu, les représentants des forces politiques et sociales non inféodés à la mouvance kabiliste ont été qualifiés d’ « ennemis de la paix » par l’actuel ministre de l’Intérieur et… sécurité, le « professeur » Henri Mova Sakanyi. Bonjour, conflit d’intérêt!
Au cours de la journée de jeudi 22 novembre, « Kabila » a reçu, dans sa ferme privée de Kingakati, les cadres de sa coalition politique avec à leur tête son candidat à la présidentielle.
Ministre de la Communication et médias mais aussi « coordonnateur de la cellule communication » de Ramazani, Lambert Mende Omalanga a confié à Actualité.CD que le « raïs » leur a « indiqué clairement dans quel sens nous devons mener notre campagne » pour les trois scrutins.
A en croire Mende, « Kabila » leur aurait conseillé d’aller en « campagne sans complexe mais avec humilité ». Et ce au motif que le successeur de Mzee exerce le pouvoir d’Etat depuis plus de dix-sept ans. Mende d’admettre que l’oligarchie en place n’a pas « transformé le Congo en un paradis ». Et d’ajouter sans citer des exemples que « nous avons quand même réalisé certaines performances ».
« KABILA », CHEF D’UNE FRACTION
Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever que le mot « humilité » n’a jamais fait partie des « éléments de langage » des zélateurs du FCC. Ceux-ci clamaient à qui voulait les entendre qu’ils allaient gagner les élections à tous les échelons. Devrait-on parler de prise de conscience ou d’une simple ruse de guerre? Fermons la parenthèse.
Selon le ministre de la Communication, le « raïs » a assuré le candidat Ramazani Shadary de sa « disponibilité ». Le même message est destiné aux candidats députés nationaux ou provinciaux étiquetés FCC. Il suffirait à ce beau monde d’exprimer « le désir d’être soutenu »… financièrement. C’est nous qui ajoutons cet adverbe.
A New York, le Conseil de sécurité des Nations unies ne fait pas mystère de ses inquiétudes. Dans une déclaration faite, jeudi 22 novembre, à la presse, le Conseil exhorte le gouvernement et l’opposition à s’engager de « manière pacifique et constructive » dans ce processus électoral. Celui-ci constitue, selon lui, « une occasion historique de procéder au premier transfert démocratique et pacifique du pouvoir dans le pays, de consolider la stabilité et de créer des conditions de développement du pays ».
Peut-on franchement espérer des élections libres, transparentes et équitables au moment où « Joseph Kabila » s’accroche désespérément au pouvoir et a cessé de symboliser l’unité nationale pour ne plus incarner qu’une fraction de la collectivité?
Baudouin Amba Wetshi