C’est la question qui revenait ce weekend dans toutes les conversations au vu du spectacle apocalyptique au village Mbuba au Kongo Central: des cadavres calcinés et des personnes gravement brûlés. Une catastrophe provoquée par la collision entre un camion-citerne et un camion-remorque. Les propriétaires de ces véhicules n’ont pas encore été identifiés. Bilan officiel: 39 morts et une centaine de brûlés. Bilan officieux: 60 morts. Cet événement survient au moment où les habitants de Beni, au Nord Kivu, peinent à sécher leurs larmes après les récentes tueries du 22 septembre.
Les principaux médias de l’Etat-AFDL-PPRD-MP-FCC, en l’occurrence la télévision d’Etat « RTNC » et l’Agence congolaise de presse (ACP), prennent décidément trop de liberté tant avec la sélection que la hiérarchisation des informations.
Alors que la tragédie survenue samedi 6 octobre au village Mbuba, à une dizaine de kilomètres de Kisantu, dans la province du Kongo Central, est au centre de toutes les conversations – et que des images terrifiantes circulent sur les réseaux sociaux -, l’ACP a surpris par la place qu’elle a réservée à ce drame national.
Le lecteur qui parcourt le bulletin daté du 6 octobre 2018 de cette Agence doit s’armer de patience. Le sujet occupe, en effet, la 21ème place. Plus surprenant, il est inséré dans la « Rubrique: Province ». Est-ce parce que la dépêche dont question émane de la rédaction provinciale de l’ACP à Matadi? Seul point positif, ce « câble » donne un bilan plutôt réaliste d’ « au moins cinquante corps » dénombrés après le « crash ».
DEUIL NATIONAL
A Kinshasa, « Joseph Kabila » a surpris les observateurs en décrétant trois jours de « deuil national ». L’homme a imprimé dans l’inconscient collectif la réputation d’un individu peu sensible à la manifestation de compassion. Comme disent les adolescents: « A-t-il trouvé cette idée tout seul? »
Dans un communiqué publié dimanche 7 octobre depuis Bukavu, Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de Paix 2018, dit sa peine de constater que « le peuple congolais est à nouveau endeuillé ». Il invite les filles et fils du pays « à s’unir dans un élan de compassion et de solidarité » comme ce fut le cas « dans les autres tragédies » notamment au Kasaï et à Beni.
A l’étranger, trois réactions tirées de Twitter méritent d’être signalées. « Un drame de plus a frappé notre nation », note Jean-Pierre Bemba Gombo, président du MLC. Initiateur du mouvement citoyen « Congolais debout », Sindika Dokolo se dit « triste et amer ». « Une fois de plus, ajoute-t-il, les plus humbles paient le prix de l’incapacité de nos dirigeants à créer des conditions de vie normale et sécurisés pour nos concitoyens ». Président de la coalition politique « Ensemble pour le changement », Moïse Katumbi Chapwe d’enchaîner: « L’Etat est encore absent et les Congolais sont livrés à eux-mêmes. Après 20 ans de pouvoir, le régime Kabila ne peut que constater son impuissance. Cela doit changer! »
« MAUVAISE GESTION DE L’ESPACE ROUTIER »
Que s’est-il exactement passé au village Mbuba dans le territoire de Madimba, au Kongo Central?
Selon des informations fragmentaires, le camion-citerne venait de la localité de Lufu à la frontière angolaise. Le camion-remorque, lui, provenait de Kinshasa. La collision a eu lieu aux environs de 6h du matin. « Suite à la collision, le camion-citerne a explosé », précise un communiqué du ministre de la Santé Oly Ilunga Kalenga. Le conducteur du premier véhicule serait en fuite. Le chauffeur du second a perdu la vie.
Ironie du sort, la Mission onusienne – dont le départ est exigé par le président hors mandat « Joseph Kabila » – a dû dépêcher une dizaine d’ambulances sur le lieu du sinistre aux côtés de celles du ministère de la Santé. « Le Programme National des Urgences et Actions Humanitaires (PNUAH) du ministère de la Santé a mobilisé et a déplacé sept ambulances et deux cliniques-mobiles pour évacuer les blessés (…)« , souligne le communiqué du ministre de la Santé.
Gouverner c’est prévoir, il faut bien reconnaître que depuis la Deuxième République à ce jour, la « protection civile », autrement dit la protection de la population contre les accidents et les calamités naturelles n’ont jamais fait partie des priorités des gouvernants successifs.
Dans ce « Congo libéré » où les enquêtes de la police judiciaire restent indéfiniment « en cours », saura-t-on la vérité sur ce qui s’est passé au village Mbuba afin de déterminer les responsabilités?
Aux dernières nouvelles, la « police » attribue cet accident « à la mauvaise gestion de l’espace routier ». L’histoire ne dit pas qui avait la charge de gérer cet « espace ».
Les récentes tueries de Beni, la tragédie de Mbuba et l’impasse politique ambiante risquent d’exacerber la morosité générale. « Notre pays est-il maudit? », pouvait-on lire sur les réseaux sociaux. Friands de la spiritualité, certains Congolais ne cessaient, tout au long du weekend, de remâcher une question: « Qu’avons-nous fait au Bon Dieu? »
B.A.W.