En séjour à Bruxelles, Adolphe Muzito, un des six prétendants (dont Samy Badibanga Ntita, Jean-Pierre Bemba Gombo, Marie-José Ifoku…) « recalés » à l’élection présidentielle, a animé, samedi 1er septembre, un point de presse. Dans la capitale de l’Europe, l’ancien Premier ministre s’est entretenu avec Moïse Katumbi Chapwe, président de la coalition politique « Ensemble pour le changement ». Un rendez-vous est prévu « dans deux jours » avec le président du MLC Jean-Pierre Bemba Gombo. Après la Belgique, Muzito se propose, à son retour au pays, de rencontrer Félix Tshisekedi Tshilombo et tous les autres postulants « validés ou pas ». But: arrêter une stratégie concertée pour empêcher « Joseph Kabila » à avoir la haute main sur le processus électoral. Selon lui, le risque est grand que ce dernier, grâce à la fraude, demeure à la tête du pays après le 23 décembre prochain.
A Kinshasa, la Cour constitutionnelle a entamé, vendredi 31 août, l’examen des recours introduits par les candidats à l’élection présidentielle contre la décision de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) déclarant « irrecevables » leurs dossiers de candidature. Il faut dire que cette institution dont la mission originelle était d’appuyer la démocratie s’est discréditée à la suite de certaines incohérences. La Cour constitutionnelle n’est pas loin de subir le même opprobre au niveau de l’opinion.
Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a demandé à cette haute juridiction de « repêcher » les postulants Samy Badibanga et Marie-José Ifoku. Les « autres » restent « inadmissibles ». Les juges se plieront-ils au point de vue exprimé par le parquet général près cette juridiction ou feront preuve d’indépendance en appliquant le droit et rien que le droit en ce qui concerne notamment Jean-Pierre Bemba Gombo [Subornation de témoins, Ndlr] et Adolphe Muzito? La sentence est attendue le 7 septembre.
A Bruxelles, l’ancien Premier ministre Muzito a déclaré ne se faire aucune illusion sur l’impartialité de la Cour constitutionnelle. « J’ai été invalidé » [Pour conflit d’intérêt avec son ancien parti le Palu, Ndlr]. « Je n’ai pas d’assurance que je serai validé par la Cour constitutionnelle ».
Pour lui, l’enjeu est désormais ailleurs. Il s’agit d’empêcher « Joseph Kabila » d’exercer un contrôle exclusif sur le processus électoral. A défaut, l’homme va continuer à exercer le pouvoir « directement ou indirectement » à travers son homme-lige Emmanuel Ramazani Shadary.
REJET DE LA MACHINE A VOTER
Selon Muzito, les « candidats validés » seraient mal inspirés de penser que « la lutte est gagnée ». Pour lui, l’heure n’est pas venue de baisser la garde. « Kabila veut nous diviser pour nous affaiblir, dit-il. Nous devons continuer à faire pression afin d’obtenir des élections libres, démocratiques et inclusives ». Pour lui, faire pression signifie notamment le rejet de la « machine à voter » et l’exigence du nettoyage du fichier électoral afin d’élaguer près de 10 millions d’enrôlés sans empreintes digitales.
L’ex-lieutenant d’Antoine Gizenga justifie sa présence en Belgique par la nécessité de « consulter » les autres prétendants à la présidentielle. Il a déjà eu une entrevue avec l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe. Un entretien avec Jean-Pierre Bemba Gombo est prévu « dans deux jours ». Il compte mener des démarches analogues au pays auprès de Felix Tshisekedi et des autres candidats. L’objectif, est d’arrêter une « stratégie » en vue d’obtenir des élections transparentes et démocratiques. Cette stratégie devrait bénéficier de l’ « accompagnement » tant de la communauté internationale que des pays de la région.
Il a estimé que face au candidat du FCC (Front commun pour le Congo), les « 25 » devraient commencer « à réfléchir sur un programme commun ». Pour lui, il faudra privilégier le « programme » et non un homme. Il espère qu’un « débat public » aura lieu pour déterminer le programme ou le projet qui devrait être porté par « le meilleur d’entre nous ».
LA CENI SOUS LA BOTTE DE « KABILA »
Muzito a qualifié de « souverainisme anachronique », la volonté exprimée par « Kabila » de refuser l’aide internationale dans l’organisation des élections. Une attitude qui suscite, au demeurant, des soupçons au niveau de la communauté internationale alors que le pays continue à accepter l’aide humanitaire. « Joseph Kabila ne pourra organiser les élections que s’il est sûr de pouvoir frauder », souligne l’ancien Premier ministre.
Interrogé sur l’influence du Rwanda et l’incapacité du Congo-Kinshasa à défendre l’intégrité de son territoire, Muzito a préféré botter en touche. D’après lui, « le problème ce n’est pas eux, c’est nous ». Comme pour dire que les autres ne sont pas forts. « C’est nous qui sommes faibles ». Cette faiblesse ne serait éradiquée, selon lui, qu’en commençant par le commencement. A savoir, doter le pays d’une économie forte.
Ancien ministre du Budget dans le gouvernement d’Antoine Gizenga issu des élections de 2006 avant de succéder à celui-ci à la primature jusqu’au mois de mars 2012 soit après les consultations politiques de 2011, Antoine Muzito n’a pas manqué de clamer que « la CENI est sous la botte de Joseph Kabila ». A partir de quel moment a-t-il découvert cette « réalité »? Réponse: « La CENI était depuis longtemps sous la botte de Kabila. Sauf qu’à l’époque de l’abbé [Apollinaire] Malumalu, la situation était différente… » Pour lui, il faut empêcher « Joseph Kabila » d’exercer une domination exclusive sur le processus électoral. « C’est le véritable enjeu! »
Baudouin Amba Wetshi