Présidentielle du 23/12: Une bourde diplomatique signée Cyril Ramaphosa

Président en exercice de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe), Cyril Ramaphosa a effectué, vendredi 10 août, une « visite de travail » de quelques heures à Kinshasa. En marge de ses entretiens avec « Joseph Kabila », le chef de l’Etat sud-africain s’est entretenu avec Emmanuel Ramazani Shadary, le « dauphin » désigné par le « raïs ». En diplomatie, un tel geste porte un nom: « ingérence dans les affaires intérieures d’un pays ». Le Président hors mandat tente de favoriser son candidat. Et ce au moment où les Congolais espèrent des élections équitables, libres et transparentes. C’est-à-dire des consultations politiques où tous les prétendants partent avec des chances égales.

Cyril Ramaphosa, Président Sud-africain

Elu, le 15 février dernier, Président de la République au suffrage indirect – sans battre campagne – en remplacement de Jacob Zuma, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa serait-il un « gaffeur »? Pouvait-il ignorer qu’il est diplomatiquement hasardeux de rencontrer un des candidats à une élection présidentielle au risque qu’un tel geste ne soit interprété par les autres postulants comme un « adoubement »?

Arrivé à Kinshasa vendredi 10 août, le successeur de Zuma a commencé sa visite par des entretiens avec le président hors mandat « Joseph Kabila ». Ce qui est normal. L’évolution de la situation politique et sécuritaire et l’épineux dossier relatif au processus électoral étaient au centre des conversations. Ce dernier dossier est suivi attentivement par plusieurs Etats voisins du « Grand Congo ».

Dans le communiqué conjoint publié à l’issue de cette rencontre, Cyril Ramaphosa et son homologue sortant disent avoir pris note des « progrès importants accomplis » dans le cadre des consultations politiques à venir soulignant, au passage, leur appréciation du « respect du calendrier électoral ». Le gouvernement congolais a été félicité pour « la poursuite du financement » du processus électoral. Lors de son discours sur l’état de la nation, le 19 juillet dernier, « Kabila » avait, dans un « élan souverainiste », réaffirmé que le financement des élections sera assuré par l’Etat congolais.

Amnésique, le successeur de Mzee a oublié qu’il a été porté à bout de bras par la « communauté internationale » dès son entrée en fonction le 26 janvier 2001 jusqu’à l’élection présidentielle de 2006. Douze années après ce dernier scrutin, les Congolais tentent désespérément de décrypter la phrase mystérieuse « j’ai tout accepté, même l’inacceptable », prononcée par le candidat malheureux Jean-Pierre Bemba Gombo. C’était dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique n°2396 daté du 10 décembre 2006.

Si Ramaphosa – qui effectuait sa toute première visite à Kinshasa – avait pris soin d’écouter un autre son de cloche auprès tant d’autres acteurs politiques que des activistes de la société civile, il aurait pu prendre la mesure du scepticisme ambiant. Rares sont les Congolais qui croient sérieusement que « Kabila » a la volonté de voir ses « concitoyens » aller aux urnes pour non seulement exiger des comptes à la majorité sortante mais aussi choisir leurs nouveaux gouvernants.

AMATEURISME DIPLOMATIQUE

Emmanuel Ramazani Shadary, le « dauphin »

C’est avec stupeur que l’opinion congolaise apprendra dans la soirée de ce vendredi qu’avant de reprendre son avion, le chef de l’Etat sud-africain s’est entretenu, dans le salon VIP de l’aéroport de Ndjili, avec… le « dauphin » désigné par « Kabila » en l’occurrence Emmanuel Ramazani Shadary. Les deux hommes ont eu une conversation d’une quarantaine de minutes. Devrait-on parler d’amateurisme politico-diplomatique tant côté congolais que sud-africain?

Citant l’entourage du futur ex-secrétaire permanent du PPRD, l’agence de presse « Actualite.CD », précise que c’est « Joseph Kabila » qui avait suggéré cette entrevue. A quel dessein? Est-ce pour donner à Shadary une « stature internationale » et partant une « longueur d’avance » par rapport aux autres candidats? Conseiller diplomatique de « Kabila », Barnabé Kikaya bin Karubi ne pouvait-il pas déconseiller à son patron un acte autant déloyal, au plan interne, qu’assimilable à une ingérence dans les affaires intérieures du pays au plan externe? Que dire de l’article 41-1 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques qui astreint tant les diplomates que les Etats au « devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures » d’un autre Etat?

On espère que les autres candidats à la présidentielle du 23 décembre auront à coeur d’exercer le ministère de la parole pour signifier au dirigeant Sud-Africain tout le mal qu’ils pensent de cette interférence.

« Aboyeur » de l’oligarchie en place, le ministre de la Communication et médias Lambert Mende Omalanga a, une fois de plus, raté l’occasion de se taire. Selon lui, « Cyril Ramaphosa considère Ramazani Shadary comme son interlocuteur dans un futur proche ».

Devrait-on conclure que le prochain président de la République a déjà été « choisi » par la volonté de l’homme qui a transformé le Congo-Kinshasa en un champ de ruines? A quoi servirait, dès lors, les opérations électorales prévues le 23 décembre prochain si les jeux étaient déjà faits?

 

Baudouin Amba Wetshi

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