Plus que 24 heures. C’est ce mercredi 8 août que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait sonner la clôture du dépôt de candidature par les prétendants à la magistrature suprême. Mardi, tous les yeux étaient tournés vers la ferme de Kingakati où se tenait un « conclave » réunissant tous les « mandarins » de la « Kabilie ». A l’ordre du jour: la désignation du candidat du FCC (Front commun pour le Congo). Trois impétrants seraient en lice. Les uns aussi antipathiques que les autres. A savoir: Augustin Matata Ponyo (ancien Premier ministre), Néhémie Mwilanya Wilondja (dircab de « Kabila ») et Aubin Minaku (président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la mouvance kabiliste). Des sources bien informées assurent qu’aucun nom n’a pu arracher le consensus.
Frappé d’inéligibilité pour avoir accompli deux mandats consécutifs (2006-2011; 2011-2016), « Joseph Kabila » a-t-il fini par se plier aux pressions exercées sur lui par la « communauté internationale »? Sur son compte Twitter, Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale de l’ONG « Human Right Watch » indiquait mardi que les Etats-Unis « font pression sur la famille Kabila et ses finances pour la convaincre de quitter le pouvoir ». Des « sanctions plus sévères » seraient en préparation soulignait-elle. Elles viseraient au moins trois personnes.
La réunion organisée mardi à Kingakati semble être la réponse la question précitée. Deux faits survenus le même mardi semblaient confirmer « l’abandon » par le « raïs » de sa folle ambition de briguer un troisième terme.
Premier fait. A la surprise générale, l’ancien ministre des PTT Tryphon Kin-Kiey Mulumba a fait irruption ce jour à la CENI pour déposer son dossier de candidature à la Présidence de la République. D’aucuns ont pensé à une intoxication. L’intéressé n’a pas tardé de justifier sa démarche: « Je ne crois pas au FCC ». Kin-Kiey se dit sceptique de la plus-value que les « opposants honoraires », dixit Sylvie Bongo, pourraient apporter à la coalition pro-« Kabila ».
Chantre de la « Kabilophilie » avec son association « Kabila Désir », « KKM » qui prétendait fédérer les Congolais autour de « l’envie de Kabila » a confirmé, malgré lui, que plus rien ne sera comme avant dans la mouvance kabiliste. On ne serait plus loin d’un sauve-qui-peut général. A l’image de l’atmosphère perceptible sous le Zaïre de Mobutu Sese Seko au lendemain du discours présidentiel du 24 avril 1990 annonçant la fin du MPR Parti-Etat. Les « rats » se mirent aussitôt à quitter le navire.
Le second fait est intervenu sous la forme d’un « Twitt » attribué au ministre des Finances Yav Mulang. « Au regard des difficultés financières actuelles, peut-on lire, je me réalise que le trésor public ne sera pas en mesure de financer le reste du processus électoral. Que la classe politique dialogue. Je prends à témoins l’opinion tant nationale qu’internationale ».
UNE AFFAIRE DE SOUVERAINETÉ
Des observateurs étaient surpris par cette « sortie médiatique » de la part de ce ministre kabiliste pur sucre qui marchait sur les plates-bandes du porte-parole du gouvernement.
D’aucuns étaient interloqués. Et pour cause? Lors de son discours sur l’état de la nation, le jeudi 19 juillet dernier, « Joseph Kabila » avait bombé le torse en clamant ces mots: « Je réaffirme donc que désormais les élections en République Démocratique du Congo seront réellement une affaire de souveraineté et qu’elles seront, en conséquence, entièrement financées par l’Etat congolais ». Le « raïs » a-t-il fait du rétropédalage?
Au début de la soirée de ce mardi 7 août, Ghislain Masengo Musabwa, directeur de cabinet adjoint du ministre des Finances, a publié un « communiqué officiel » pour démentir le « Twitt » imputé à son patron. Selon lui, il s’agit d’un « faux compte Twitter » qui serait l’oeuvre « des individus mal intentionnés ». « Le cabinet dément catégoriquement ces allégations et informe l’opinion que le ministre des Finances n’a jamais disposé d’un compte Twitter encore moins Facebook », précise le « dircaba ».
Qui croire? Faudrait-il faire foi au « Twitt » querellé qui a toute l’apparence d’un compte Twitter assorti, par ailleurs, du portrait de « Yavmulang » ou au démenti signé de la main d’un « simple » directeur de cabinet adjoint?
Coïncidence ou pas, dans sa rubrique « Confidentiel », Jeune Afrique rapporte, dans son édition n°3004 datée du 5 août, que la CENI avait prévu la livraison, fin juillet, de 40.000 « machines à voter » par la firme Sud coréenne Miru. « Environ 15.000 machines ont été inspectées et attendent d’être expédiées en RD Congo », précise l’hebdomadaire parisien. En clair, il n’est pas sûr que les consultations politiques prévues le 23 décembre notamment pour cette dernière raison.
« FAIRE UN PAS DE CÔTÉ »
A tort ou à raison, des analystes croyaient mardi soir que le président angolais Joao Gonçalves Lourenço a pu convaincre « Kabila » de « faire un pas de côté ». Lors de son séjour de 48 heures à Luanda, ce dernier a eu un entretien en tête-à-tête durant près d’une heure avec le premier Angolais.
Dans une dépêche datée du 3 août, l’Agence congolaise de presse (ACP) indique que les deux chefs d’Etat « ont également passé en revue le processus électoral en RDC ». Questions: par son « vrai-faux Twitt », le ministre Yav Mulang a-t-il lancé un ballon d’essai pour tester la capacité d’indignation de l’opinion congolaise? « Kabila » a-t-il décidé de se désengager du processus électoral en cours qui ne présente plus d’intérêt stratégique pour lui?
Une certitude cependant: mardi 7 août, l’identité du candidat de la coalition FCC à la présidentielle n’était toujours pas connue. On apprenait néanmoins que la candidature de cet « oiseau rare » sera déposée le lendemain mercredi.
En attendant, quelques candidats ont déjà déposé leurs dossiers auprès du président Corneille Nangaa. C’est le cas notamment de: Seth Kikuni, Jean-Pierre Bemba Gombo, Alain Daniel Shekomba, Vital Kamerhe. Félix Tshilombo Tshisekedi a accompli cette formalité dans l’après-midi de mardi. Comme à leur habitude, les « flics » du « général » Sylvano Kasongo Kitenge ont lancé quelques grenades lacrymogènes pour disperser les militants de l’UDPS qui accompagnaient leur Président. Ces derniers auraient répondu par quelques jets de pierres. Vous avez dit « élections apaisées »?
Qui sera, en définitive, le candidat du FCC à la Présidentielle du 23 décembre prochain? Matata? Minaku? « Néhémie »?Rendez-vous est pris pour ce mercredi à la CENI. « La majorité présidentielle et le FCC sont en pleine débandade. C’est le genre de débandade qui précède l’implosion », assure un universitaire congolais.
Baudouin Amba Wetshi