Quarante-huit heures après son arrivée dans la capitale congolaise, l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a livré, vendredi 27 octobre, ce qui semble être la vision de l’Administration Trump pour aider le Congo-Kinshasa à sortir de la crise politique. A savoir: la tenue des élections en 2018. Vers 15h30, la diplomate a eu un tête à tête d’une durée de deux heures avec » Joseph Kabila « . Au moment où ces lignes sont écrites, rien n’a encore filtré tant du côté congolais qu’américain. Selon le ministre congolais des Affaires étrangères Léonard She Okitundu, Mme Haley – qui devait quitter le Congo tard dans la soirée de vendredi – serait » satisfaite » de cette entrevue.
Avant de fouler le sol congolais le mercredi 25 octobre en provenance de l’Ethiopie et du Soudan du Sud, Madame l’ambassadeur Nikki Haley était déjà connue pour son « parler vrai ». Elle a en horreur les périphrases pour évoquer l’arbitraire qui règne au « Congo libéré » de « Joseph Kabila ». Sans omettre l’impuissance publique face à la violence infligée non seulement aux femmes mais aussi aux enfants dans la partie orientale du pays.
Dès son arrivée dans la capitale congolaise, la diplomate semblait avoir « sélectionné » ses interlocuteurs. Les observateurs ont été surpris par l’absence du Premier ministre Bruno Tshibala Nzenzhe et du président du CNSA (Conseil national du suivi de l’Accord), Joseph Olenghankoy dans l’agenda des entrevues. Oubli?
Dès jeudi, « Nikki » s’est rendue à Goma, au Nord Kivu, où elle a pu s’entretenir avec David Gressly, le numéro deux de la Mission onusienne au Congo avant d’échanger avec les « vrais gens ». C’est-à-dire tous ces hommes, femmes et enfants qui ont été victimes de la barbarie et de la folie humaine. Bref, des « sans voix ».
Vendredi, la diplomate a eu une journée chargée avec comme temps fort la rencontre avec « Joseph Kabila » aux alentours de 15 heures30. Auparavant, elle s’est entretenue avec les évêques de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) ainsi qu’avec quatre personnalités de l’opposition (Eve Bazaïba du MLC, Vital Kamerhe de l’UNC, Pierre Lumbi Okongo et Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo du Rassemblement). Vrai ou faux, il semble que ces opposants ont été choisis du fait de leur refus de voir « Kabila » demeurer à la tête de l’Etat après le 31 décembre prochain.
« ELECTIONS EN 2018 »
Lors de sa visite au siège de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), Nikki Haley a fixé l’opinion tant congolaise qu’internationale sur la « vision » de l’Administration Trump pour permettre à l’ex-Zaïre de trouver une voie de sortie de crise. « Les élections doivent être organisées en 2018 », a-t-elle martelé avant de souligner que dans le cas contraire, le Congo-Kinshasa « ne doit pas compter sur le soutien des Etats Unis et de la communauté internationale ».
Les observateurs ont pu constater la mine grave qu’arborait Corneille Nangaa aux côtés de Madame Haley. Porte-voix de la mouvance kabiliste, le président de la Ceni n’envisageait les consultations politiques qu’en 2019.
L’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU qui a rang de ministre d’ajouter que Washington ne va pas « appuyer un calendrier qui ne montre pas clairement que les élections seront tenues en 2018 ». Pour la diplomate, cette échéance est tout à fait tenable à condition que les « parties prenantes s’impliquent ». Et d’inviter les prélats catholiques à « mettre la main dans la pâte ». Une véritable reconnaissance du caractère salutaire du rôle de l’église catholique.
Vers 15h30, « Nikki » a été reçue par « Joseph Kabila » au Palais de la nation. Selon le chef de la diplomatie congolaise, l’entretien s’est déroulé en tête à tête. Autrement dit, sans témoins. Il a duré deux bonnes heures. De quoi ont-ils parlé? Mystère! D’aucuns subodorent que la « dame aurait signifié » à « Joseph » une sorte de « préavis pour dégager ». Réalité ou fantasmes?
S’adressant aux journalistes, le chef de la diplomatie congolaise a eu ces quelques mots pour le moins obscurs: « Beaucoup de choses ont été dites sur la RDC. Le président Donald Trump à dépêcher son ambassadeur à l’ONU afin de s’informer à la source ».
D’après Okitundu, les deux interlocuteurs auraient évoqué notamment la situation de la Monusco, le processus électoral et la situation sécuritaire. C’est tout? « Madame Haley a dit qu’elle était satisfaite », a-t-il conclu. Ce flou entretenu par la mouvance kabiliste n’augure rien de bon. Les jours et semaines à venir pourraient être riches en rebondissements. Les « nationalistes-souverainistes » qui entourent le « raïs » n’ont peut-être pas encore dit leur dernier mot…
NIKKI HALEY POURRA-T-ELLE REUSSIR?
Dans un communiqué publié vendredi soir, le secrétaire général de la Cenco, abbé Donatien Nshole, fait le compte-rendu des discussions entre Messeigneurs Marcel Utembi et Fridolin Ambongo avec l’émissaire américain. Outre la « publication rapide d’un calendrier électoral » par la Ceni, on peut lire notamment que les évêques ont appelé « à la solidarité effective du gouvernement et du peuple américain » non seulement pour « obtenir des acteurs politiques [congolais, Ndlr] le respect effectif de la Constitution et l’application intégrale de l’Accord de la Saint Sylvestre » mais aussi « demander au chef de l’Etat un engagement explicite de ne pas se présenter comme candidat aux prochaines élections ».
Ancien vice-ministre des Finances du gouvernement Badibanga, Tharcisse Loseke Nembalemba estime qu’il faudrait organiser « rapidement » l’élection présidentielle. Selon lui, il faudrait également mettre en place « ne dynamique d’ensemble » au niveau des forces de l’opposition. « La situation générale du pays n’a pas cessé de se dégrader depuis décembre 2016 à ce jour », a-t-il ajouté comme pour dire que les institutions gouvernantes devraient subir quelques « restructurations ».
Question: la républicaine Nikki Haley pourra-t-elle réussir là où des personnalités étiquetées démocrates ont perdu par abandon?
Au commencement était le discours prononcé par Barack Obama, en juillet 2009, à Accra au Ghana: « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes ».
En août 2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton est allée rencontrer « Joseph Kabila » à Goma. De quoi avaient-ils parlé? Dans ses mémoires publiés en 2014 sous le titre « Le temps des décisions », chez Fayard, Madame Clinton écrit notamment: « Kabila était distrait et incapable de se concentrer, manifestement dépassé par les nombreux problèmes que rencontrait son pays. Parmi eux, se posait la question de rémunération des soldats. Indisciplinés et sous-payés, ils étaient devenus aussi dangereux pour les habitants que les rebelles qui attaquaient depuis la jungle ».
En mai 2014, John F. Kerry, alors secrétaire d’Etat, effectua une visite éclair à Kinshasa. Mission: exhorter « Kabila » à respecter la Constitution et à quitter le pouvoir à l’expiration de son second et dernier mandat le 19 décembre 2016. L’homme aurait fait mine de se plier.
Il y a eu par la suite les sénateurs Russ Feingold et Tom Perriello avec statut d’Envoyés spécial des Etats-Unis dans les Grands lacs. Le premier a dû jeter l’éponge en janvier 2015. Le second a même été menacé à l’aéroport de Ndjili par des membres de la « Ligue des jeunes » du PPRD, le parti présidentiel.
A l’occasion de la célébration du 56ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo-Kinshasa, le 30 juin 2016, le président Obama envoya un message de vœux à la tonalité « provocatrice » à son homologue congolais: « Nous sommes aux côtés du peuple de la RD Congo et nous soutenons le premier passage pacifique et démocratique imminent du pouvoir ». Des propos qui n’ont pas manqué de déplaire au « raïs ».
Au mois de novembre 2016, le milliardaire Donald Trump est élu à la Maison-Blanche. C’est un soulagement au sein de l’oligarchie au pouvoir à Kin. « Joseph Kabila » prit sa plus belle plume pour présenter au successeur d’Obama ses « sincères félicitations » tout en lui exprimant « solennellement sa disponibilité à œuvrer au raffermissement des relations entre les deux pays ». Trump semble goûter assez peu cette main tendue…
Baudouin Amba Wetshi
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