Le XXVII sommet de l’OIF se déroulera à Erevan, en Arménie, les 11 et 12 octobre prochain. L’élection du Secrétaire général de la Francophonie sera au centre de ce sommet. Madame Michaël Jean, qui est à la tête de cette institution, sollicitera un deuxième mandat. Hormis les autres candidatures qui ne sont pas encore connues, l’on sait déjà que la course à ce poste risque de se faire à deux, c’est-à-dire, entre elle et la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Madame Louise Mushikiwabo.
Comme d’accoutumée, la chasse aux appuis, indispensable pour gagner la mise, est déjà en cours. Madame Jean étant en fonctions peut compter sur un bon nombre de pays qui soutiendraient sa réélection. Cette possibilité demeure hypothétique dans la mesure où elle se heurte à un grand handicap: le soutien du président français, Emmanuel Macron, à la candidate rwandaise. La volte-face de la France contre le Canada est inusitée. Elle n’est certainement pas due aux reproches de gestion financière, émises à l’égard de Michael Jean. Derrière ce problème de gestion, qui est, par ailleurs mineur, il y aurait en réalité un enjeu politico-économique qui ne dit pas son nom. Drôlement, il ne concerne pas directement le Rwanda. Il touche aux intérêts du grand voisin dont les richesses sont lorgnées par tous. La déstabilisation systématique dont il est victime fait partie du plan concocté pour créer un climat apte à favoriser le pillage et l’exploitation illégale de ses minerais.
Dans cette perspective, l’appui anticipé et systématique de la France derrière la candidate du Rwanda au détriment de la Canadienne apparaît intriguant et suspect. Ce choix n’est pas anodin ou un fait du hasard. Il ne s’explique pas par la prospection futuriste de l’avenir de la francophonie qui serait en Afrique, moins encore pour de bons sentiments que nourrirait la France à l’égard du Rwanda. Pour bien s’imprégner du contexte et comprendre ce qui se trame derrière le choix de la France, rappelons d’abord que le Rwanda avait quitté la Francophonie en 2009 et avait abandonné officiellement le français comme langue administrative en 1994, sur décision personnelle de Paul Kagame. Rappelons aussi que Kagame était entré en guerre ouverte avec la France suite à son lourd dossier des assassinats des présidents rwandais Habyarimana et burundais, Cyprien Ntaryamira, le 6 avril 1994, dossier brûlant que le juge Bruguière avait en main. En contre-attaque, Kagame accusa la France de négligence criminelle lors du génocide rwandais. Ce faisant, les relations entre les deux pays sont demeurées au froid pendant de longues années.
Compte tenu des raisons évoquées sommairement ci-dessus, le soutien de la France à la candidature rwandaise s’expliquerait rationnellement seulement si l’on mettait dans l’équation la RDC. À cause de ses richesses, ce géant au cœur de l’Afrique est non seulement un marché économique juteux, mais il est jusqu’ici un « free land ». Un vaste territoire qu’on continue à spolier et à exploiter illégalement, suite à l’absence d’un État fort et organisé. Sur le plan politique, il est dirigé par un certain Kanambe, vassal de Kagame. À ce titre, Kagame a autorité sur le Congo et peut faire des enchères au nom du Congo.
Le choix de la France pour un pays ayant renié la francophonie et qui compte moins de locuteurs francophones ne pourrait se justifier autrement qu’à travers le prisme des intérêts économiques. L’exploitation pétrolière envisagée au parc Virunga où la compagnie française Total détient un bloc d’exploitation serait-elle en rapport avec ces visées occultes? Il est évident que c’est un marché potentiellement riche et créateur d’emplois. Le paradoxe dans cette affaire, c’est que le Rwanda n’a en réalité rien à offrir pour que la France puisse se laisser entraîner dans un enjeu sans aucun intérêt immédiat. L’intérêt y est et il est de taille: c’est le Congo. Il faut cependant passer par le sous-traitant ou la vraie personne qui a la main mise sur le pouvoir de Kinshasa. Cet homme, c’est Kagame. Il régente le Congo à partir du Rwanda. C’est lui qui profite des immenses richesses du Grand Congo qu’il exploite illégalement. Son pays est le premier exportateur du Coltan alors qu’il n’en produit pas autant que le Congo. Le Rwanda étale les richesses dont il ne saurait justifier la provenance sur son territoire.
Ceci étant, l’élection probable de la ministre rwandaise placerait son pays dans la position d’exercer une large influence sur les décisions politiques au niveau des institutions africaines et internationales d’autant plus que ça ferait un doublé avec Kagame à la tête de l’UA. Ce positionnement stratégique, combiné aux intérêts des multinationales de continuer à exploiter, à moindre frais, le Congo de Lumumba, fera de sorte que ce dernier pays soit pris en tenaille. Ceci faisant, ayant les leviers en main, ils pourront manœuvrer à leur guise et imposer leur volonté tant politique qu’économique en comptant sûrement sur leur cheval de Troie qui est à Kinshasa et qui s’accroche au pouvoir en dépit de la fin légale de ses deux mandats constitutionnels.
Il appartient aux Congolais de tout bord, aux associations, nombreuses, qui luttent pour la libération du Congo, d’œuvrer maintenant qu’il n’est pas encore tard pour contrer la candidature de la ministre rwandaise et dénoncer le soutien de la France. Car, sans une prise de position vigoureuse, ce projet ouvrirait les brèches du démembrement du pays en passant par l’exploitation sans limite de ses richesses grâce à la complicité pérenne du Rwanda sous l’égide de Paul Kagame.
Par Mwamba Tshibangu