La nouvelle a fait, jeudi 2 novembre, l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde médiatique congolais. Sur décision du CSAC (Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication), ce confrère qui aime se présenter comme « journaliste engagé » écope d’une mesure de suspension pour une durée de 60 jours. L’intéressé aurait appris cette information via un communiqué de presse. Durant cette période, il est interdit à Safu d’intervenir dans un média diffusé au pays.
Daniel Safu dont le franc-parler dérange le pouvoir kabiliste finissant, est donc « frappé d’embargo ». Durant deux mois, il est astreint au silence non seulement en français mais aussi dans les quatre langues nationales. Les « faucons » qui entourent le « raïs » tentent ainsi de museler un journaliste au discours « politiquement incorrect ».
C’est la décision prise jeudi 2 novembre par les membres de l’assemblée plénière du CSAC. Et ce suite à une « plainte » qui émanerait du questeur de l’Assemblée nationale, Elysée Munembwe, étiquetée RCD-Goma. Celle-ci reprocherait à « Daniel » des « imputations dommageables ». On n’en sait pas plus.
Des observateurs s’interrogeaient vendredi 3 novembre sur la base juridique à l’appui de laquelle le CSAC s’est fondé pour prendre cette décision qui met à nu l’intolérance.
Institution d’appui à la démocratie au même titre que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le CSAC « a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi », stipule le deuxième alinéa de l’article 22 de la Constitution.
Les constituants de 2005 avaient conscience qu’il ne peut y avoir de démocratie sans liberté d’expression. Ils étaient conscients que toute démocratie renvoie à l’idée de débat et de controverse.
Inféodé au pouvoir, le CSAC a fini par pervertir sa mission qui consiste également à veiller « au respect de la déontologie ». Le Conseil semble ignorer que cette même déontologie impose au journaliste le devoir de défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.
Toute personne lésée par un écrit ou des déclarations a le loisir d’exercer un droit de réponse ou de saisir un organe disciplinaire ou les juridictions compétentes afin d’obtenir réparation pour les « dommages subis ».
APPEL AU JOURNALISME DE CONNIVENCE?
En infligeant à Daniel Safu une « peine » de 60 jours de silence, le CSAC a outrepassé ses compétences. On ne le dira jamais assez qu’aucun texte légal ne lui confère un pouvoir aussi exorbitant.
Toute honte bue, la fameuse assemblée plénière du CSAC a profité de cette oukase pour rappeler aux journalistes la nécessité de faire « preuve de responsabilité dans la pratique de leur profession ». Est-ce une exhortation à pratiquer le « journalisme de connivence »?
En août dernier, Daniel Safu a participé à Chantilly, en France, à la rédaction du « Manifeste du Citoyen Esili » initié par l’organisation non gouvernementale IDGPA (Institut pour la Démocratie, la Gouvernance, la Paix et le Développement en Afrique) que dirige le très bouillant constitutionnaliste André Mbata Mangu.
Les rédacteurs dudit manifeste ont invité les Congolais à résister à l’oppression, conformément à l’article 64 de la Constitution, en exigeant le « retour de l’ordre démocratique constitutionnel ».
On espère que le monde congolais de la presse fera preuve de solidarité en se lever comme un seul homme pour décourager le pouvoir kabiliste à récidiver.
Dans une brève interview accordée à Congo Indépendant à l’issue de ces travaux, Safu n’avait pas ménagé « Joseph Kabila ». « Je n’ai jamais cru en cet homme », déclarait-il en soulignant que ce dernier constitue en lui-même le « système » qui sévit dans l’ex-Zaïre. Et d’ajouter: « Le système partira avec celui qui l’incarne ».
Onze années après la promulgation de la Constitution congolaise en vigueur, les observateurs attendent désespérément de voir le CSAC veiller enfin au « respect à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication » (article 22-3).
Baudouin Amba Wetshi
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