La présence à Kigali de Moïse Katumbi n’est pas passée inaperçue. Le séjour de l’opposant congolais dans la capitale rwandaise les 28 et 29 avril, lors de la cérémonie de remise du prix Mo Ibrahim, a notamment été l’occasion d’un échange avec le président Paul Kagame, qui fait l’objet d’un début de polémique.
Interrogé par le milliardaire anglo-soudanais Mo Ibrahim sur la situation politique en RDC, le président Paul Kagame a déclaré samedi 28 avril que « les problèmes du Congo ne sont pas seulement des problèmes congolais ». « Le Congo a neuf voisins, chacun de nous est affecté par ce qui se passe au Congo. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Certains plus que d’autres, mais tout le monde est affecté ».
« C’est pourquoi, naturellement, les voisins ont la légitimité de faire quelque chose ou d’en dire quelque chose », a-t-il poursuivi. Des déclarations pouvant prêter le flanc à la controverse au regard de l’histoire entre les deux pays, jalonnée depuis près d’un quart de siècle par des accusations d’ingérence rwandaise dans les affaires congolaises.
« LE PRÉSIDENT A TOUT DIT »
Mo Ibrahim cherche alors dans l’assistance Moïse Katumbi, présenté comme l’un des principaux opposants à Joseph Kabila, pour lui demander s’il a « quelque chose à ajouter à ce que le président [Paul Kagame] a dit ». « Je pense que je n’ai rien à ajouter pour le moment, je pense que le président a tout dit », lui répond Moïse Katumbi, donnant ainsi l’impression d’acquiescer aux propos du chef de l’État rwandais.
Président @PaulKagame rappelle que ce qui se passe en #RDC affecte tous les voisins qui ont naturellement le devoir de s’impliquer pour aider le pays. Il évoque l’accord du 31/12/16, les élections, le rôle de @_AfricanUnion et des @UN dans la recherche d’une solution politique. pic.twitter.com/nq9wjNKnsl
— Olivier Kamitatu Etsu (@OlivierKamitatu) 29 avril 2018
Sur les réseaux sociaux, ses détracteurs s’en sont donné à cœur joie, en rappelant le lourd passé de la guerre et des rébellions pléthoriques financées par Kigali à la fin des années 1990. « Moïse Katumbi refuse de pointer Paul Kagame du doigt pour son mauvais rôle dans l’instabilité de la RDC! Quel rapport ne cite pas le nom du Rwanda dans l’agression du Congo? Cet homme est-il vraiment informé de la situation congolaise ou vit-il sous d’autres cieux? », s’interroge un internaute sur Twitter.
« KABILA NE ME FAIT PAS PEUR »
Lors de son passage à Kigali, l’opposant congolais – qui demeure la cible privilégiée du régime de Joseph Kabila – s’est également exprimé sur la perspective des élections prévues le 23 décembre prochain. « Si Kabila ne permet pas la tenue des élections, comme nous le soupçonnons parce qu’il ment beaucoup, eh bien il y a l’Union africaine et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Nous nous tournerons vers elles pour qu’elles agissent », a-t-il déclaré.
Faisant référence à la date limite du dépôt des candidatures, Moïse Katumbi a souligné que « juillet arrive à grand pas ». « Je vais revenir en RDC, et Kabila ne me fait pas peur », a-t-il promis. Exilé en Europe depuis deux ans, l’homme d’affaires a maille à partir avec la justice congolaise, qui l’a condamné dans une affaire de spoliation immobilière et le poursuit pour le recrutement présumé de mercenaires.
Dernière affaire en date: sa nationalité italienne, qu’il a acquise le 3 octobre 2000 avant d’y renoncer le 13 janvier 2017, et qui lui vaut aujourd’hui d’être poursuivi pour « faux et usage de faux » – la Constitution congolaise disposant que la nationalité est « une et exclusive ».
Par Olivier Liffran, in Jeune Afrique, 30.04.18