Avec la machine à voter: les politiciens congolais vont-ils participer aux élections « ngulu ngulu »?

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Les élections en RDC demeurent à ce jour un véritable casse-tête. Bien que la date hypothétique ait été fixée, on se rappellera, sous la pression de Nikki Halley, ambassadrice des USA aux Nations unies, rien ne peut pourtant rassurer qu’elles auront effectivement lieu. Le premier à semer le doute est le président de la CENI, Corneille Nangaa, qui avait évoqué les contraintes technico-opérationnelles pouvant entraîner le retard dans l’organisation des scrutins. Argumentant sur la nécessité d’utiliser les machines à voter pour faciliter, selon lui, la rapidité des tâches, il avait soutenu que leur non-utilisation repousserait la tenue des scrutins à l’année prochaine.

En dehors de ce facteur limitant, c’est la fiabilité même desdites machines qui est sujette à caution. Elle est rejetée un peu partout au monde. Même les systèmes démocratiques les plus consolidés la redoutent, en commençant par les USA. En RDC, on sait le climat délétère qui avait caractérisé les précédentes élections où les fraudes furent opérées ouvertement et sans aucun sens de retenue ni de pudeur. Le bourrage des urnes était systématique et les vrais élus écartés au profit des gens cooptés d’avance.

Pour un parti qui est au pouvoir voilà bientôt deux décennies, affichant le bilan ultra négatif qui est le leur, c’est difficile de comprendre le triomphalisme que Shadary, l’actuel Secrétaire général du PPRD, est en train de saupoudrer dans ses meetings. Dès lors, tenant compte de l’acharnement de Nangaa qui, en dépit de la contestation généralisée concernant l’utilisation de ces machines, poursuit sa route sans désemparer. Un lot des machines commandées est déjà arrivé au pays, ce qui signifie que le stratagème visant à opérer une fraude massive sans laisser aucune trace est bel et bien en marche.

Si telle est la perspective des élections à venir, faut-il vraiment se limiter, comme l’ont fait les partis politiques de l’opposition jusqu’ici, à exprimer ouvertement leur méfiance sans envisager d’autres avenues possibles, ni donner définitivement leur position là-dessus? Signalons que l’UDPS, aile Limité, avait de sa part poussé loin ses revendications, en soumettant dans une lettre datée du 1er mars 2018 une série de questions, 45 au total, au président de la CENI. Elle avait exigé qu’on leur réserve, par écrit, une suite spécifique pour chacune des questions posées. Jusqu’aujourd’hui, aucune suite n’a été réservée à cette demande. Par ailleurs, le questionnement soulevé par l’UDPS dans leur démarche cavalière intéresse grandement l’opinion publique et au plus haut point tous les autres partis politiques de l’opposition qui ont le souci de participer à des élections réellement libres et transparentes. De leur côté, la CENCO avait demandé que toutes les machines soient certifiées afin de rassurer tout le monde. Ngoy Mulunda, jouant son théâtre de chez nous et n’étant plus proche de la « mangeoire » ne l’a-t-il pas décrié à son tour, disant tout le mal que la machine à voter suscite?

Puisque la CENI s’acharne, contre vents et marées, à imposer son utilisation, les partis politiques sont-ils prêts à aller aux élections « ngulu ngulu » ou, pour emprunter aux autres l’expression, comme des moutons de Panurge, sachant que leur sort est scellé d’avance? Chercher à négocier sur une question non négociable équivaudrait à soutenir, d’une certaine façon, la procrastination projetée par Nangaa qui semble avoir bien calculé son coup.

Voilà le scénario qui se dessine dans le panorama politique congolais avec le stratagème impromptu de l’utilisation des machines à voter. Celles-ci entretiennent un doute légitime, comme nous l’avons vu, au point de pousser — chose rare dans la pratique courante où toute action est orientée vers le profit — les autorités de la Corée du Sud, pays fabricant, à recommander à la compagnie Miru Systems qui les fabrique, de ne pas exécuter la commande de la CENI par crainte d’aboutir à des « résultats indésirables ». Ceux-ci seraient incandescents et donc source potentielle de dégénération politique et sociale incontrôlable.

Il est bon de savoir que plusieurs pays s’en méfient malgré l’optimisme déroutant de Nangaa. L’utilisation fonctionnelle par les électeurs et les électrices desdites machines aiguise des inquiétudes. La majorité d’entre eux vivent dans des provinces rurales où la population n’a pas accès aux outils technologiques modernes et aurait de la peine à les manipuler. Le vote, au lieu d’être libre, serait dirigé et orienté d’une certaine façon. Les électeurs ne se sentiront pas en sécurité de vouloir élire un candidat qui n’est pas du régime. Les problèmes liés à l’électricité ou aux pannes des machines ne sont pas non plus à minimiser. Tous ces facteurs ensemble font que la machine à voter au lieu d’être l’outil pouvant faciliter le déroulement général des élections, elle apparaît, à tous les effets, comme une astuce bien plantée dans le cœur du système électoral à des fins politiciennes pour éloigner ou empêcher la tenue régulière des élections, à défaut d’en changer les résultats.

Il ne faut donc pas que les politiciens congolais qui s’affairent à participer « ngulu ngulu » aux élections ne soient en réalité impliqués dans un grand jeu de bluff où les plus malins, poursuivant leur dessein, ont tout programmé à l’avance. La machine à voter, aveugle, muette et sourde, n’aura plus qu’un rôle facile, c’est-à-dire, favoriser ceux qui tiennent coûte que coûte à se cramponner au pouvoir d’y rester. Dès lors, il faudrait créer une situation inédite sans Kabila, en mettant en place une Transition Citoyenne ou alors, le peuple congolais, tel qu’un kamikaze, accepterait de se mettre la corde au cou pour revivre la tyrannie pendant plusieurs années encore avec des gens, sans morale et sans scrupule, qui ont déjà démontré non seulement leur limite, mais aussi, et surtout leur degré de dangerosité et de « mafiosité ».

 

Par Mwamba Tshibangu

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