La ténacité du peuple congolais à poursuivre les marches convoquées par le comité laïc de coordination des chrétiens est à féliciter. Bravant le danger et la mort, le peuple est sorti en masse sur toute l’étendue de la République et dans plusieurs pays à l’étranger. Les gens qui marchent en chantant des cantiques avec des rameaux, des bibles et des chapelets en mains ne le font pas pour se divertir dans un carnaval improvisé. Le problème de fond qui justifie ces marches, désormais à cadence régulière, est strictement politique. Malencontreusement, la réponse des actuels dirigeants, tous hors mandat, face aux préoccupations citoyennes, est déraisonnable, disproportionnée, démesurée, voire sadique. Car, ils ont fait le choix de l’usage de la force pour réprimer dans le sang les velléités populaires réclamant le respect de l’Accord politique signé avec les membres de l’opposition.
Croyaient-ils, en utilisant la terreur, plier facilement le peuple qui ne demande qu’à se faire entendre en exigeant l’application des engagements pris et le respect de la parole donnée? Est-ce la peur de l’option d’une transition sans Kabila qui expliquerait la boucherie qui est en train de se perpétrer au détriment de la dignité humaine et au grand mépris de la constitution qui garantit, dans son article 26, le droit de manifester sur les voies publiques ou en plein air?
Nous nous demandions dans notre dernière livraison si le gouvernement allait avoir le culot de continuer à tuer son propre peuple. Nous avions même anticipé que les erreurs d’une politique absurde et insensée seraient évitées puisqu’il était inimaginable d’aller outre les paramètres du bon sens et du bon jugement. Le chef de la police provinciale de Kinshasa, Sylvano Kasongo Kitenge, avait soutenu à cet effet qu’il n’y aurait plus de morts, faisant comprendre par-là que les excès de zèle seront bannis et les marches seraient encadrées fermement, mais sans commettre des bavures policières.
Connaissant la nature de ce régime et sachant surtout ce qui justifie leur comportement barbare, on pouvait se douter qu’ils parviendraient à embrasser la voie de la légalité, eux qui sont habitués à naviguer dans les manœuvres ténébreuses et dans l’illégalité la plus profonde.
Lors de la marche du dimanche 25 février dernier, les vies humaines ont été, une fois de plus, fauchées. La liste de martyrs ne fait que s’allonger face aux gangsters de la politique qui ont perdu tout contrôle et qui tremblent devant l’éventualité de se retrouver de l’autre côté de la barre une fois que le tout sera consommé.
Envoûtés par l’esprit du glissement, ils ne pouvaient pas s’imaginer que les échéances, même les plus longues, arrivent à terme. Le calendrier solaire, qui ne s’offusque de personne, continue à fonctionner avec une régularité déroutante au détriment de ceux qui se croient plus malins que tous et qui continuent misérablement à exposer à la face du monde leur médiocrité et leur cruauté.
Pendant qu’ils perpètrent leurs forfaits, la plupart d’entre eux ont déjà fait fuir leurs familles à l’étranger. Eux-mêmes ont des valises emballées qu’ils auront de la difficulté à amener le moment de la tempête. Pour l’instant, aveuglés par l’avidité de se gonfler les poches, ils n’ont pas le courage de quitter le bateau avant que le pire n’arrive. Habitués au vol, la présence du butin leur fait perdre la tête. Ils sont tentés par l’accumulation frauduleuse de la richesse qui constitue leur raison de vivre.
Ainsi faisant, nombreux d’entre eux, pour ne pas dire tous, finiront dans le filet de la justice une fois que le peuple souverain aura repris ses droits. Ce temps-là n’est pas loin. Personne, en tout cas, ne viendra pérorer qu’il ne partageait pas les méfaits et les crimes contre l’humanité commis tout au long du règne sanguinaire de Kabila. Complices et acteurs pléniers jusqu’au bout, ils ne se sont pas du tout désolidarisés en quittant le bateau ivre qui est en train de chavirer au jour le jour.
Les députés, les sénateurs, les ministres, les magistrats, les gouverneurs de provincettes, les militaires, les policiers, bref, tous ceux et celles qui sont au service du régime sanguinaire à des postes-clés, doivent bien se mettre en tête qu’ils sont collectivement responsables des tueries, des enlèvements, des profanations des lieux saints et de tous les abus commis dans l’impunité totale. Que personne, lors de la libération du pays, ne vienne dire qu’il s’était battu à l’interne pour changer les choses. Que personne ne soutienne que certaines décisions se prenaient à son insu et qu’il n’y pouvait rien. La voie royale consistant à ne pas composer avec ceux qui veulent vendre le pays, à ne pas cheminer avec ceux qui tiennent un double discours et qui se comportent d’une certaine manière le jour et d’une autre manière la nuit, était indiquée depuis longtemps. Qu’ils soient persuadés qu’il y aura des comptes à rendre. Les châtiments seront sévères, car le sang des martyrs crie vengeance. Toute l’écurie doit être nettoyée de fond en comble. Personne n’y échappera. Il y aura le grincement des dents et ça sera le prix à payer. Le prix de la haute trahison.
Par Mwamba Tshibangu
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