La campagne contre la Constitution ouvre la porte à l’incivisme, son respect renforce l’identité nationale et l’ordre social

La Brigade d’Intervention Rapide (BIR) de la MONUSCO et la Mission de la SADC en RDC (SMIRDC), deux exemples d’abandon partiel de la souveraineté nationale.

Maître Tshiswaka Masoka Hubert

Lubumbashi, le 17 Novembre 2024. L’Institut de recherche en droits humains (IRDH) donne son opinion sur l’article 217 de la Constitution en vigueur en République Démocratique du Congo (RDC). L’Institut rappelle au Cabinet du Chef de l’Etat et aux députés membres du parti présidentiel, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) que la Constitution est l’unique instrument de renforcement de l’identité nationale, ainsi que de l’ordre social et institutionnel. Une campagne tendant à la mépriser, prétextant qu’elle serait une œuvre des étrangers est une incitation dangereuse à l’incivisme.

En effet, dans son discours du 16 novembre, à Lubumbashi, le Président de la République et Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Tshisekedi Tshilombo Felix-Antoine avait évoqué un nouveau motif de révision ou du changement de la Constitution: L’article 217 qui ouvrirait la porte à la cession d’une partie du territoire congolais au Rwanda. Pour mémoire, dans son discours de Kisangani, du 23 octobre dernier, le Chef de l’Etat avait annoncé la création d’une commission ad hoc qui se chargerait d’adapter la Constitution aux « réalités et habitudes congolaises », aux motifs qu’elle serait: (i) Rédigée à l’étranger, par des étrangers; (ii) A la base de la tardive entrée en fonction du Gouvernement;  (iii) A la base de la difficile validation des mandats des députés nationaux; et (iv) A la base des conflits récurrents entre les Gouverneurs des provinces et les assemblées provinciales.

La présente opinion est confrontée au cinquième motif de révision de la Constitution selon lequel, son article 217 serait une ouverture a la balkanisation du pays. Car, il stipule que « la RDC peut conclure des traités ou des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine ».

Contrairement à l’opinion ci-dessus, l’IRDH estime qu’il n’y a aucun souci à se faire du fait que l’article 217 de la Constitution donne le pouvoir à l’Etat de conclure des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de la souveraineté. Lorsque la RDC devient membre d’une organisation internationale telle que les Nations Unies (ONU), l’Union Africaine (UA) ou la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), elle accepte les règles communes impliquant une certaine délégation de sa souveraineté. Ceci est en conformité avec l’article 215 qui dit que « les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois […]« .

En adhérant à l’ONU, l’UA ou la SADC, la RDC a déjà signé des accords, notamment, ceux de défense et de sécurité. Ces traités internationaux impliquent que les Etats parties acceptent de coordonner leurs politiques et intégrer des restrictions sur certaines de leurs prérogatives souveraines, afin de garantir la paix et la sécurité collectives. Ils transfèrent certains pouvoirs à des institutions supranationales pour favoriser la coopération.

A titre illustratif, la guerre du Kivu avait amené le Conseil de sécurité de l’ONU à adopter, le 28 mars 2013, la Résolution 2098 (2013) portant création de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR) composée des troupes venant de l’Afrique du Sud, la Tanzanie et le Malawi. La BIR était dirigée par un Général malawite, placée sous le commandement direct de la Mission d’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation de la République Démocratique du Congo (MONUSCO).  La MONUSCO était l’unique hiérarchie militaire autorisée, à prendre les mesures de protection des civils congolais, de la neutralisation des groupes armés et de la surveillance de l’application de l’embargo sur les armes ou d’appui aux procédures judiciaires nationales et internationales.

Le deuxième exemple est lié à la résurgence du M23, en octobre 2021, marquée par une série d’attaques et de la prise des territoires stratégiques, notamment, la cité de Bunagana, en juin 2022. Cette situation avait poussé la SADC à créer la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC). Celle-ci avait déployé ses troupes au Kivu, le 15 décembre 2023, en vue de soutenir les efforts du gouvernement congolais à lutter contre l’instabilité posée par la résurgence du M23. Cet engagement est énoncé dans le pacte de défense mutuelle de la SADC (2003) qui souligne que: « Toute attaque armée perpétrée contre un des États parties sera considérée comme une menace à la paix et à la sécurité régionales et fera l’objet d’une action collective immédiate ».

Il convient de noter que: (i) la décision de créer la BIR était prise par le Conseil de sécurité de l’ONU; (ii) elle était composée des troupes venant de l’Afrique du Sud, la Tanzanie et le Malawi; (iii) elle était dirigée par un Général malawite; et (iv) la MONUSCO était l’unique hiérarchie militaire. Concernant la SAMIRDC: (i) son déploiement était approuvé par le Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la SADC tenu à Windhoek (République de Namibie) le 8 mai 2023; (ii) Les troupes de la SAMIDRC, sont venues de la Communauté de la SADC: Malawi, Afrique du Sud et Tanzanie; (iii) Ces troupes sont dirigées par le Général de division Monwabisi Dyakopu, de la République d’Afrique du Sud.

es deux cas ci-dessus illustrent l’abandon partiel de souveraineté de la RDC, d’abord, au bénéfice de l’ONU avec la BIR, ensuite, au profit de la SADC, avec la SAMIRDC, qui sont venues en appui aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).

En conclusion, IRDH estime qu’est erronée, l’opinion qui prétend que l’article 217 qui parle de l’abandon partiel de la souveraineté nationale, serait une provision à un éventuel complot de balkanisation contre la RDC. La guerre d’hégémonie que mène le Président rwandais au Kivu est un défi que le Gouvernement congolais peut relever, sans nécessairement réviser la Constitution. En d’autres termes, ni la révision de l’article 217, ni le changement de la Constitution n’arrêterait l’ambition cynique du Président Paul Kagame.

Maître Hubert Tshiswaka Masoka
Directeur Général, IRDH.
+243.85.110.3409

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