Américain d’origine congolaise, Christian Malanga est mort comme il avait vécu: en aventurier. Il a été abattu ce dimanche 19 mai, au Palais de la Nation, à Kinshasa, par des éléments de la garde républicaine. A la tête d’un « commando », Malanga espérait, semble-t-il, se saisir de la personne du président Felix Tshisekedi. Et ce après avoir tenté, sans succès, la même opération à la résidence de Vital Kamerhe. N’en déplaise au porte-parole de l’armée, les « services » ont réagi en lieu et place d’anticiper. Ils n’ont pas été en mesure de prévenir la surprise stratégique. Fatshi devrait considérer cet événement comme un coup de semonce à son régime.
Au cours d’un point de presse qu’il a tenu samedi 19 mai, le général Sylvain Ekenge Bomusa Efomi, porte-parole des FARDC a déclaré que les forces de défense et de sécurité « ont étouffé dans l’œuf » une tentative de coup d’Etat impliquant des Congolais et des étrangers. C’est le cas notamment d’un citoyen américain de race blanche.
Dans un tweet posté sur USAmbDRC, l’ambassadeur Lucy Tamlyn s’est empressée de réagir. Elle se dit choquée et préoccupée par des rapports faisant état de la présence de citoyens Américains « prétendument impliqués ». Elle assure l’opinion que l’ambassade des Etats-Unis « va coopérer avec les autorités congolaises dans toute la mesure du possible ».
« NEW ZAÏRE »
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Christian Malanga clame l’avènement d’un « New Zaïre ». « Felix dégage! », tonne-t-il. On le voit avec les membres du commando dans les installations du Palais de la Nation où se trouve le bureau du chef de l’Etat. Sieur Malanga a paradé en ce lieu considéré comme névralgique au même titre que le Palais du peuple et la Cité de l’Union africaine. Plusieurs dizaines de minutes se sont écoulées avant « d’être mis hors d’état de nuire », dixit le général Ekenge.
Des analystes restent sans voix face à la facilité avec laquelle ces quidams ont pu accéder au Palais de la nation. Les faits se seraient passés entre 3h00 et 5h00. « Le Palais de la nation est un des endroits les plus sécurisés du pays, comment ces gens ont-ils pu y accéder? », s’interroge un analyste joint par notre journal. « Nos forces de sécurité et de défense passent le temps à réagir au lieu d’anticiper », enchaîne un autre. Les mêmes reproches sont articulés à l’endroit des services de renseignements civil et militaire. Procès d’intention? C’est à voir.
Né le 2 janvier 1983 à Kinshasa, Christian Malanga était père de six enfants. Il a entrainé l’aîné dans son aventure. D’après lui, il a servi sous le drapeau dans les Forces armées congolaises de 2006 à 2010. Il y est sorti au grade de Capitaine. Il a vécu en Afrique du Sud avant d’élire domicile aux Etats-Unis.
MYTHOMANE
L’ancien capitaine des FAZ s’est fait connaitre dans la diaspora congolaise le 28 mars 2015 soit une année avant la fin du second mandat de « Joseph Kabila ». Lors d’un séjour en Belgique, il organise un point de presse à l’hôtel Sheraton à la Place Rogier.
Mythomane, l’homme était accompagné de quelques gardes du corps. A l’entrée de la salle, un détecteur de métaux filtrait le public. Le message de Malanga tenait en quelques mots: « mobiliser le peuple du Congo-Zaïre (sic!) pour libérer le pays ». C’était à l’époque du « kabilisme Joséphite » encore triomphant. Pour Malanga, « Kabila » n’acceptera pas l’avènement de l’alternance. « Il faut le chasser ». Il reçoit un accueil plutôt chaleureux de la part d’une diaspora en quête de « libérateur ».
A l’époque, des observateurs avaient perçu déjà une certaine imposture. Malanga qui se disait président d’un parti « United Congolese Party », était, en réalité, un homme seul. Un général sans troupes. Ses partisans étaient invisibles.
COUP DE SEMONCE
L’affaire Malanga intervient dans un contexte politique morose en RDC. Sur le plan social, l’eau et l’électricité constituent toujours la croix et la bannière de la population. Dans l’Est, le sang et les larmes continuent à couler. Au plan politique, cinq mois après l’investiture du président Felix Tshisekedi, le pays attend toujours l’entrée en fonction du nouveau gouvernement. Nommée le 1er avril dernier, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka peine à boucler la composition de son équipe. En cause, des ministres sortants veulent rempiler. Pire, les deux Chambres du Parlement n’ont toujours pas de Bureau définitif.
En dépit du fait que le régime congolais est semi-parlementaire, tous les yeux sont braqués sur le chef de l’Etat en sa qualité de garant du bon fonctionnement des institutions. Les observateurs attendent qu’il exerce son « pouvoir d’impulsion » mais aussi de décision. Les détracteurs de Fatshi, eux, sont plus sévères. « Felix Tshisekedi a perdu la main », laissent-ils entendre en sous-entendant que l’appareil d’Etat est grippé.
Lucides, certains fatshistes espèrent que l’affaire Malanga sera accueillie comme un coup de semonce destiné « à réveiller un personnel politique qui a sombré dans l’indolence ».
B.A.W.