Début du retrait définitif de la MONUSCO

Le Conseil de sécurité avait prorogé, le 19 décembre 2023, pour un an, jusqu’au 20 décembre 2024, le mandat de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), tout en décidant d’initier son « retrait progressif, responsable et durable » du pays et de transférer progressivement les tâches qui lui incombent au gouvernement congolais. Ainsi, la MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo) vient d’entamer son processus de retrait par la province du Sud-Kivu. Cette première étape expérimentale va jusqu’au mois d’avril, avec le départ d’environ 2.000 soldats.

Dans ce contexte, 14 bases de la MONUSCO vont être remises aux FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo). Suivant un communiqué de l’ONU (Organisation des Nations unies) du 12 décembre 2023, en vertu de la résolution 2717 (2023), adoptée à l’unanimité de ses 15 membres, le Conseil a entériné un plan de retrait discuté à plusieurs reprises cette année, en décidant que la MONUSCO maintiendra, jusqu’au 30 juin 2024, un effectif maximum autorisé de 13.500 militaires, 660 observateurs militaires et officiers d’état-major, 591 policiers et 1.410 membres d’unités de police constituées. À partir du 1er juillet 2024, ces effectifs seront réduits à 11.500 militaires, 600 observateurs militaires et officiers d’état-major, 443 policiers et 1.270 membres d’unités de police constituées. Après la province test du Sud-Kivu, la MONUSCO va se retirer du Nord-Kivu au cours du second semestre 2024. Ensuite, ce sera au tour de la province de l’Ituri. Le retrait complet des casques bleus est prévu d’ici fin 2024 après évaluations des étapes.

La MONUSCO devient un problème

C’est depuis une quinzaine d’années que l’on parle du retrait de la MONUSCO. En juillet 2007, une mission d’évaluation technique de l’ONU avait sillonné le pays. Son objectif était de proposer, en novembre 2007, au Conseil de sécurité de l’ONU un calendrier de retrait progressif des Casques bleus. Les casques bleus se trouvent en RD Congo depuis septembre 1999 pour observer le cessez-le-feu au lendemain de l’Accord de Lusaka. Puis, ils passèrent au contrôle de ce cessez-le-feu. Ensuite, il fut question de conduire le processus de transition politique à son terme, à savoir les élections. Bien plus tard, ils s’attribuèrent comme mission d’assurer la protection des civils, d’appuyer la stabilisation et le renforcement des institutions ainsi que les principales réformes liées à la gouvernance et à la sécurité. Le nouveau plan de retrait de la MONUSCO à l’horizon 2024 a été validé le 14 août 2021 à Kinshasa.

Un rapport préliminaire avait été présenté à Mme Bintou Keita n°1 de la MONUSCO et à Jean Michel Sama Lukonde, Premier ministre. Ce rapport avait été soumis, pour signature, au mois de septembre 2021, aux Nations unies à New York. La présence de la mission de l’ONU au Congo ne fut pas un long fleuve tranquille. Au fil du temps, les Casques bleus durent faire face à plusieurs reproches. Dès leur arrivée, ils furent impliqués dans toutes sortes de magouilles: abus d’autorité, abus sexuels, à savoir pédophilie, prostitution, y compris avec des mineurs des deux sexes, harcèlements sexuels, viols, tentatives de viols en passant par le trafic de l’or et des armes sans compter des assassinats. Faisant suite à l’inconduite de son personnel, l’ONU décréta la tolérance zéro pour les délits d’exploitation et d’abus sexuels. Mais le mal était déjà fait. Il sera ensuite reproché aux Casques bleus leur passivité devant les massacres perpétrés dans l’Est du pays et leur impuissance face aux groupes armés. Il s’est avéré que ses unités armées n’étaient ni suffisamment équipées ni entraînées pour faire face à une menace militaire ennemie d’envergure. La population de l’Est du pays fut unanime à reconnaître que la MONUSCO avait échoué dans sa mission. Il y eut en conséquence plusieurs mouvements de protestation, parfois violents, réclamant son départ. Pour Kinshasa, la MONUSCO apparaissait de plus en plus comme un problème à résoudre plutôt qu’une solution à la crise.

La mission de l’ONU n’est pas entièrement négative

Le rôle de l’ONU n’est pas entièrement négatif. Peut-être qu’on leur a trop demandé par rapport à leurs moyens et leur mission dans un pays où l’autorité de l’Etat fait défaut. La mission de l’ONU s’est ainsi parfois substituée à l’Etat là où il n’existe pas, construisant des routes, ponts, prisons, dispensaires…. Son soutien à la période de transition politique fut appréciable. Elle a permis d’atténuer les différentes crises qui ont miné le processus. Elle a recruté et formé du personnel congolais de grande qualité. La Radio Okapi a joué un grand rôle dans l’information et l’unification du pays. Plusieurs Casques bleus ont versé leur sang pour accomplir leur mission. Il faut rappeler qu’après la prise de Goma, le 20 novembre 2012, par le M23 (Mouvement du 23 mars), cette milice armée fut finalement défaite, le 30 octobre 2013, grâce à des pressions exercées par la communauté internationale sur le Rwanda et à la suite d’une contre-offensive fulgurante menée conjointement par les FARDC et la Brigade d’intervention de la MONUSCO.

Avec un budget annuel de près de 1,5 milliards de dollars, son poids économique est important. Son effectif qui s’est élevée jusqu’à près de 16.000 personnes a contribué à l’économie nationale par ses consommations dans les magasins, restaurants, hôtels. A ceci, il faut ajouter les loyers payés pour les habitations et autres bâtiments. Tout ceci, constituera un manque à gagner pour la population. Du fait de l’absence de la MONUSCO, certaines ONG (Organisation non gouvernementale) vont mettre fin à leurs activités dans certaines parties du pays à cause de l’insécurité. Le retrait de la MONUSCO survient alors que l’Est du pays est toujours en proie à des violences orchestrées par le M23. Après le non-renouvellement par le gouvernement, le 8 décembre 2023, du mandat de la force régionale déployée par l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) à cause de son inefficacité à combattre les rebelles, des troupes de la SADC (Conférence de coordination pour le développement de l’Afrique australe) sont venues à la rescousse pour imposer la paix dans l’Est du pays. Ceci avait été décidé le 8 mai 2023 lors du Sommet des chefs d’Etat à Windhoek (Namibie). L’Afrique du Sud, le Malawi et la Tanzanie s’étaient engagés à cet effet. Mais si la situation sécuritaire continue à se détériorer, la communauté internationale craint que la RD Congo ne demande le retour d’une autre mission de l’ONU.

Une nouvelle mission coûtera plus cher et il n’est pas sûr de trouver des financements et des troupes. La seule option qui reste est la négociation d’une formule de paix dans la région. Ce qui sera difficile à faire admettre au peuple congolais.

Gaston Mutamba Lukusa

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