A l’issue d’un contrôle effectué le 12 janvier 2021, les inspecteurs de l’IGF (Inspection Générale de Finances) avaient épinglé un risque élevé de faillite, car les pertes enregistrées dépassaient le capital social. De même, les indicateurs de gestion étaient au rouge.
Dans un communiqué officiel daté du 5 septembre 2023, la direction générale de la compagnie aérienne Congo Airways « porte à la connaissance de son aimable clientèle que, dans le souci de garantir la sécurité de ses passagers conformément aux normes de l’IATA (Association du transport aérien international) dont elle fait partie et du fait de ses certifications IOAS (IATA Operational Safety Audit), elle procède à la réorganisation de ses outils d’exploitation à dater du 11 septembre 2023. A cet effet, l’option de l’interruption temporaire de ses opérations a été levée, de manière à améliorer l’efficacité des services de la compagnie nationale après une courte période… »
Ce communiqué alambiqué veut simplement dire que la société Congo Airways est en faillite et tous ses avions sont cloués au sol. Comment en sommes-nous arrivés là? La compagnie Congo Airways fut créée le 15 août 2014 avec comme ambition de désenclaver le pays et de renouer avec l’exploitation des lignes internationales. Ses actionnaires sont l’Etat congolais (40%), la Caisse nationale de Sécurité Sociale (31%), le Fonds de Promotion de l’industrie (8%), la Société congolaise des Transports et Ports (8%), la Régie des voies aériennes (6%), l’Office de Gestion du Fret Multimodal (3%), la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) et les employés (2%). Au démarrage, la société dispose de 4 aéronefs d’occasion (deux Airbus 320 et deux Bombardier Q400). Le premier vol intervint le 20 octobre 2015.
La descente aux enfers
Au fil des ans, la société Congo Airways s’illustre par des défaillances. Le management est déficient. Les services à bord sont déplorables. La société enregistre des retards sur l’horaire et des annulations de vols inexpliquées. En conséquence, Congo Airways connait d’énormes difficultés financières. Il y eut même annulation d’un accord de leasing signé en septembre 2021 avec Kenya Airways pour six mois renouvelables avec option d’achat portant sur deux Embraer E190. Ce contrat ne fut pas prolongé au-delà du 15 mars 2022, date de la première échéance, pour insolvabilité de la part de Congo Airways. Cette situation avait déjà été dénoncée par l’Inspection générale des Finances (IGF) après un contrôle de gestion diligenté le 12 janvier 2021. Les inspecteurs de l’IGF avaient épinglé un risque élevé de faillite, car les pertes enregistrées dépassaient le capital social.
De même, les indicateurs de gestion étaient au rouge. C’est le cas de la situation comptable nette, du fonds de roulement, de la trésorerie nette, de la rentabilité économique, de la solvabilité et de l’autonomie financière. L’IGF a aussi dénoncé l’absence d’une politique de rationalisation des charges, la mauvaise allocation des ressources financières, l’échec total dans l’atteinte des objectifs assignés à la société dans le cadre de l’agrément au code des investissements. Comble de tout, Congo Airways ne procédait ni à la déclaration ni au paiement des impôts dus à l’Etat. Dans ce contexte, il y a lieu de se demander si le Congo pourrait disposer un jour d’une compagnie nationale aérienne viable et rentable.
Air Congo versus Congo Airways
C’est l’occasion de rappeler le projet Air Congo qui n’est pas finalisé à ce jour. En avril 2022, le gouvernement annonçait la conclusion d’un accord de partenariat avec Ethiopian Airlines visant la création d’une nouvelle compagnie aérienne dénommée Air Congo S.A.. Dans cette nouvelle société, Ethiopian Airlines prenait 49% des parts et l’Etat congolais 51%, pour un capital de départ de 20 millions de dollars. Ethiopian Airlines s’engageait par ailleurs à mettre au moins 7 avions à disposition de la nouvelle compagnie. Le projet qui devait débuter en juillet 2022 prit du retard. Suivant le journal Jeune Afrique du 7 juillet 2022, « si le président d’Ethiopian Airlines se dit intéressé par le potentiel du marché congolais, sur lequel sa compagnie pourrait positionner sept avions, il entend en revanche se montrer ferme quant aux conditions de fonctionnement de la future Air Congo… Il ne s’agit pas seulement de prendre des parts dans le capital, mais aussi de passer un contrat de management ».
Concernant la gestion de la nouvelle société, les responsables d’Ethiopian Airlines souhaitaient que les postes clés, notamment la direction générale, soient assurés par ses hauts cadres, comme cela est le cas dans les autres filiales africaines d’Ethiopian, à savoir Asky Airlines, Zambia Airways, Malawi Airlines et Tchad Airlines. Ils exigeaient aussi qu’il n’y ait pas d’interventions politiques dans la gestion de la compagnie et que le gouvernement veille à ce que des cas de corruption ne puissent pas entacher le management de la future compagnie. Une démarche qui est tout à fait justifiée au regard des mauvaises expériences passées des compagnies aériennes nationales congolaises. À la suite de divergences de vue au niveau du gouvernement avec ceux qui privilégiaient le redressement de Congo Airways, le projet n’a pas abouti.
Aujourd’hui, par manque d’avions, le voyage à l’intérieur du pays est devenu un casse-tête. Les liaisons domestiques ne sont plus régulières. En raison de l’étendue du pays et de la dégradation des voies terrestres et ferroviaires, le transport aérien joue pourtant un rôle important dans les déplacements des voyageurs et les mouvements des marchandises. Au cours du Conseil des ministres du 1er septembre, le Président de la République Félix Antoine Tshisekedi avait chargé le ministre du Budget et celui des Finances de mettre à disposition des fonds pour la mise en œuvre du plan de relance et d’acquisition de nouveaux aéronefs. Mais, investir encore de l’argent dans Congo Airways qui a un très lourd passif sans une restructuration profonde ne peut se traduire que par un gaspillage d’argent. Mieux vaut laisser Congo Airways mourir de sa belle mort et finaliser plutôt le projet Air Congo en partenariat avec Ethiopian Airlines. Cette société a fait ses preuves dans des partenariats avec beaucoup de pays africains.
Gaston Mutamba Lukusa