Elections 2023: Silence… Fayulu va se rétracter 

Soixante-douze heures après son « oracle » du 19 juin annonçant la décision de son parti de ne pas déposer les candidatures de ses membres aux élections, Martin Fayulu Madidi ferait face à la « solitude » autant qu’à l’impopularité. Et ce dans son propre parti. Il apparaît que le « Président élu », comme l’appellent ses partisans, n’a écouté que sa « conscience » de Chef. Contre toute attente, le député national Ados Ndombasi lui demande « de revenir à sa décision ». Une décision aux conséquences imprévisibles.

On attribue à un ancien Premier ministre belge [Achille Van Acker, pour ne pas le citer] cette célèbre phrase: « J’agis et je réfléchis ». A sa décharge, Van Acker fut un autodidacte. Il n’aurait accompli que les six premières années de l’école primaire. Aujourd’hui, ceux qui ont un parcours universitaire vous diront que toute décision comporte trois phases. Primo: la préparation. Secundo: la prise de décision. Enfin: l’exécution. Le président de l’ECIDé aurait-il agi avant de réfléchir? Avait-il consulté les cadres de sa formation politique?

Dans une correspondance datée du 22 juin 2023 adressée au « Président élu » Martin Fayulu, le député national Ndombasi Banikina (ECIDé) semble répondre par la négative à ces interrogations: « … les premières réactions semblent indiquer que la majorité des Congolais est déçue de cette décision qu’elle considère comme une passe en or à vos adversaires politiques qui ne juraient que par votre exclusion des élections pour avoir la voie libre ».

« Ados » de poursuivre que cette décision a provoqué de « vives réactions au sein de la population congolaise qui s’est sentie abandonnée comme une pauvre orpheline à l’instar des habitants du Nord-Kivu et de l’Ituri qui comptaient sur vous pour restaurer la paix à l’Est de la RDC ». Ndombasi de supplier littéralement Fayulu « de revenir à sa décision ». L’opportunité lui sera donnée lors du meeting programmé le dimanche 25 juin à la Place Ste Thérèse dans la commune kinoise de Ndjili.

DES CADRES DE L’ECIDé PÉTRIFIÉS

Pour cet élu de Kinshasa-Funa, ne pas agir dans ce sens reviendrait à « mettre en péril les efforts collectifs et le travail acharné abattu par les membres de LAMUKA en général et ceux de l’ECIDé en particulier ». « De plus, souligne-t-il, votre retrait provisoire va désorienter des millions de Congolais qui se sont enrôlés massivement sur votre invitation sans parler de nos différentes bases péniblement constituées ».

Campé, lundi 19 juin, derrière un pupitre estampillé « Lamuka », Martin Fayulu Madidi, président de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement), a jeté un certain trouble dans les esprits. Lors du jeu de questions-réponses, il s’est empressé de préciser qu’il ne s’agit pas d’un « boycott ». Hélas, le mal était fait. Des observateurs se sont arraché les cheveux pour décrypter le message pour le moins ambiguë. L’orateur parlait-il au nom de l’ECIDé ou de LAMUKA qui n’est pas un regroupement politique?

Certains cadres du parti ECIDé installés, à la gauche du locuteur de ce lundi, paraissaient comme pétrifiés en écoutant le « Président élu » prononcer ces mots: « Nous annonçons à l’opinion nationale et internationale que nous avons décidé de ne pas déposer les candidatures de nos membres à tous les niveaux des élections, tant que le fichier électoral – c’est-à-dire la liste des électeurs ne sera pas refaite dans la transparence et auditée par un cabinet par un cabinet extérieur compétent en la matière ».

Fayulu savait-il qu’il a, en fait, demandé à la Centrale électorale de se saborder? En tous cas, ses exigences maximalistes n’ont pas fait des émules. Bien au contraire. Le parti de Katumbi a annoncé sa volonté de déposer des candidatures de ses membres à tous les niveaux des élections. Intervenant jeudi 22 juin sur Congo Buzz TV, le katumbiste Jacky Ndala a été formel: « Chaque responsable provincial de notre parti dispose des moyens financiers pour régler la caution exigée ». C’est connu, les élections coûtent cher. L’argent et l’efficacité du candidat sont des facteurs cruciaux. La machine partisane complète le tableau.

Malgré les casseroles qu’il traîne derrière lui, l’ancien « Premier » Augustin Matata est décidé à se lancer dans la course pour la présidence de la République. L’ex-raïs « Joseph Kabila » paraît décidé à faire un come back. « Tout était parti de Kingakati, tout doit revenir à Kingakati », exultait jeudi Papy Tamba, un des cauditaires de l’ex-raïs. Tamba fait partie de ceux qui croient dur comme fer que « c’est Kabila qui avait donné le pouvoir à Felix Tshisekedi ». Selon lui, l’ex-raïs piaffe d’impatience pour reprendre « son bien ». Au motif, d’après lui, que le pays va mal. Les Fatshistes, eux, attendent de pied ferme.

Le coup d’éclat de Fayulu est intervenu 48 heures après celui de l’ex-président « Joseph Kabila ». L’ex-chef de l’Etat s’est cru en droit d’inviter la population « à la résistance ». Une déclaration belliqueuse autant qu’irresponsable de la part d’un sénateur à vie astreint au devoir de réserve.

ET MAINTENANT?

Des questions pressantes ont commencé à fuser. Fayulu voudrait-il provoquer un « dialogue » pour contraindre « Fatshi » à former un gouvernement de transition? Aurait-il passé un deal avec l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, président de l’Ensemble? Des problèmes d’argent auraient-ils forcé Fayulu à jeter l’éponge?

Une chose paraît sûre: dimanche 25 juin 2023, « Martin » risque d’être un homme seul. Irascible et impulsif, le Président de l’ECIDé aime décider au gré de ses humeurs. Seul.

Dans une déclaration faite le 12 mai dernier, le Rapporteur du Bureau de la CENI, Patricia Nseya Mulela, a déclaré que « le train des élections est en marche ». Et que « rien ne pourra l’arrêter ». La convocation de l’électorat à la députation nationale aura lieu dès dimanche 25 juin. On image que la fameuse Mama Marie Masemi serait heureuse de déposer sa candidature en tant que député.

Et maintenant? Que va faire Martin Fayulu Madidi? Maintenir sa décision impopulaire au risque de se faire hara-kiri? Se dédire dans le sens conseillé par Ados Ndombasi au risque de perdre non seulement la face mais aussi toute crédibilité devant l’opinion?


Baudouin Amba Wetshi

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