La part de la RDC dans la croissance de l’offre mondiale de cobalt devrait être de 44%, contre 37% pour l’Indonésie qui devient le deuxième producteur mondial.
En 2022, le Congo-Kin a produit 115.371 tonnes de cobalt en 2022 contre 93.144 tonnes en 2021, soit une progression de 23,86%, suivant les statistiques de la Banque centrale. Cette production représente près de 73% de l’offre mondiale du cobalt. Les autres principaux producteurs de cobalt dans le monde sont la Russie, l’Australie, les Philippines, Cuba, Madagascar, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Canada. Mais en 2030, cet ordre risque d’être bouleversé avec l’arrivée en force d’un nouvel acteur. Il s’agit de l’Indonésie qui vient de multiplier sa production par 10. Elle est passée de moins de 1.000 tonnes en 2020 à 10.000 tonnes en 2022. Si cette tendance se poursuit, le Congo devrait représenter 57 % seulement de l’offre mondiale de cobalt en 2030 selon le dernier rapport sur l’état du marché mondial de Cobalt Institute. Et suivant l’Agence Ecofin, sur la période 2022-2030, l’Indonésie devrait multiplier par 10 sa production alors que celle de la RDC ne devrait augmenter que de deux tiers. En conséquence, la part de la RDC dans la croissance de l’offre mondiale de cobalt devrait être de 44%, contre 37% pour l’Indonésie qui devient le deuxième producteur mondial. Les exportations du Congo qui sont à l’état brut sont principalement dirigées vers la Chine, pays d’origine des entreprises d’extraction du cobalt. C’est donc tout naturellement que la Chine se retrouve au 1er rang mondial des pays raffineurs de cobalt.
Le pays ne tire pas pleinement profit de ses ressources naturelles
Le Congo ne dispose pas de capacités de raffinage suite notamment à l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique. Il ne bénéficie donc pas de la valeur ajoutée due au raffinage malgré sa position dominante. Il en est de même des autres étapes de la chaîne de valeur du cobalt. C’est le cas de la fabrication des batteries utilisées dans les véhicules électriques où il existe une carte à jouer. En 2021, Le gouvernement a exprimé sa volonté de construire à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga, une usine de fabrication des batteries électriques. C’était au cours du « DRC-Africa Business Forum 2021 » qui s’est tenu, les 24 et 25 novembre 2021, à Kinshasa. Ce forum qui a été organisé en partenariat avec la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) a rassemblé les chefs d’Etat de la Zambie et du Congo/Kinshasa, des ministres, des banques et des entreprises. Le but était de déterminer comment développer une chaîne de valeur autour de l’industrie des batteries, des véhicules électriques et des énergies propres. Les initiateurs du projet veulent capter une partie des 8.000 milliards de dollars du marché des batteries et véhicules à l’échéance 2025. Les Nations unies estiment que le marché sera de 46.000 milliards d’ici 2050. Le Congo compte sur ses réserves de 400 millions de tonnes de lithium et de 25 millions de tonnes de cobalt pour alimenter cette industrie. A ce jour, le projet est encore au stade des études de préfaisabilité. Le lithium est aussi indispensable à la production des batteries électriques. La société australienne AVZ Minerals prévoyait de lancer en 2023 l’exploitation du plus grand gisement de lithium de roche dure au monde à Manono, dans la province du Tanganyika. Des réserves prouvées et exploitables de 132 millions de tonnes de lithium ont été découvertes. Malheureusement des querelles entre les actionnaires retardent le démarrage de la production. Il s’agit de l’Etat congolais via la Cominière et des entreprises chinoises Dathomir et Zijin.
Le manque d’infrastructures d’électricité et de transport affecte les revenus du cobalt
Si la réussite de ces projets permettait au pays de tirer profit du contexte favorable actuel et à venir, le Congo devrait néanmoins éviter les écueils qui l’ont jusqu’ici empêché de tirer pleinement profit de ses ressources naturelles. Il s’agit du déficit de production électrique, du manque de compétitivité des voies d’évacuation, de la corruption, de la signature des contrats léoninsavec des groupes étrangers, sans oublier le non-respect Code minier. Tout ceci constitue autant de freins à l’attractivité du pays auprès des investisseurs miniers. Suivant l’Unité de Coordination et de Management des projets du ministère des Ressources hydrauliques et Electricité (UCM), l’industrie minière du Katanga a un déficit énergétique de l’ordre de 700 à 900 mégawatts. Celui-ci va encore augmenter dans les années suivantes si le pays ne fait pas d’efforts pour couvrir ce besoin en énergie. Une étude démontre que ce déficit énergétique dans l’industrie minière est un manque à gagner pour l’État congolais. Selon les experts de l’UCM, chaque mégawatt fourni à l’industrie minière du Katanga procure une recette additionnelle à l’État. « Si on amène 100 mégawatts de plus, ça veut dire que l’État a un surcroît des recettes de 300 millions de taxes ».
Pour combler ce déficit énergétique plusieurs sociétés privées se sont lancées dans la production de l’électricité. A cours du séjour en Chine, du 24 au 29 mai, du président Félix Tshisekedi, le groupe chinois CNEEC (China National Electric Engineering Company) s’est dit prêt à décaisser 230 millions de dollars pour la réhabilitation et la modernisation de 3 groupes du barrage hydroélectrique d’Inga II. A l’issue des travaux qui pourront débuter dans deux mois et durer deux ans, le barrage d’Inga pourra récupérer 510 MW. Par ailleurs, la société CMOC Group Limited (China Molybdenum Company), actionnaire majoritaire de Tenke Fungurume Mining, compte financer la construction d’un barrage hybride (hydro-solaire), d’une puissance de 630 MW dans le bassin du fleuve Lualaba pour un montant de 610 millions de dollars.
Actuellement, les exportations minières s’effectuent en camion par la voie du Sud, à savoir le port de Durban en Afrique du Sud par suite de l’insuffisance d’infrastructures portuaires au Congo. Auparavant, les expéditions des produits miniers de la Zambie et du Congo passaient par le port de Lobito en Angola (corridor de Lobito). La destruction du chemin de fer Dilolo-Lobito durant la guerre civile en Angola a allongé les délais et les coûts de transport. Aujourd’hui, l’Angola a remis en activité les 1.340 kilomètres du chemin de fer de Benguela. En janvier, l’Angola a signé un accord avec le Congo et la Zambie pour développer les infrastructures ferroviaires et portuaires liées au port angolais de Lobito, ce qui permettra de désenclaver les deux pays. Le gouvernement américain a par ailleurs annoncé, le 22 mai, un investissement de 250 millions de dollars dans le développement des infrastructures du corridor de Lobito « pour connecter et développer l’activité commerciale et économique de l’Angola à la RDC ». A noter que l’Angola avait annoncé, en juillet 2022, l’attribution d’un contrat de concession de 30 ans, avec possibilité de prorogation de 20 ans, du corridor ferroviaire de Lobito à un consortium composé des sociétés privées Trafigura Group Pte, Vecturis, Mota-Engil, Engineering and Construction Africa. Ce contrat porte sur l’exploitation, le fonctionnement et la maintenance du transport ferroviaire.
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Gaston Mutamba Lukusa