Il y a de quoi être déprimé dans la capitale du Congo « démocratique ». Vous y êtes en permanence dans l’énervement et l’inquiétude, du lever au coucher du soleil. Ça commence le matin par le robinet d’où ne sort aucun « filet d’eau », pour reprendre les mots de Victor Hugo. La réserve en bidons se partage avec parcimonie et non sans disputes entre parents et enfants pour la toilette, la vaisselle, la lessive et la popote. A ces acrobaties de gestion du précieux liquide s’ajoutent les désagréments du courant électrique qui part, qui vous fausse compagnie juste au moment où vous étalez votre vêtement sur la planche, le fer à repasser à la main. Maudite Snel qui vous condamne cette journée, vous l’imprévoyant, à une tenue en chiffon et aux regards étonnés et…moqueurs de vos proches, amis et collègues.
Les bousculades à la montée du bus ou du taxi, les périlleux slaloms des motards (les Wewas) entre les voitures, les cortèges des « intouchables » – les privilégiés du régime – qui roulent impunément et sans scrupule en sens interdit, le concert assourdissant des klaxons, les incivilités verbales des conducteurs, les tracasseries des policiers de roulage, les monstrueux embouteillages vous mettent à cran, vous cassent davantage le moral en appréhendant le retard au cours, à une réunion de service, à un important rendez-vous ou les préjudices de rater votre avion. L’état des routes et les puantes poubelles qui jonchent leurs bords ajoutent leurs parts de déplaisirs.
La gaité vous quitte également en étant tous les instants sur le qui-vive, dans la crainte de vous faire voler votre téléphone portable, de vous faire arracher votre perruque ou votre sac à main, d’être obligé d’éviter certaines avenues, des bas-fonds où règnent les « kulunas », personnages identifiables par leur parler voyou, leurs attitudes d’accros au chanvre ou au « bombé », aux visages patibulaires et disposés à la violence physique.
L’accueil dans différents bureaux de la ville n’est pas non plus de nature à calmer vos nerfs déjà tapés par multiples agacements, la chaleur caniculaire et autres tiraillements du quotidien (cherté de la vie que n’atténuent pas la modicité des salaires et les retards de leur paiement, difficultés de manger, de scolariser les enfants, de payer le loyer, etc.). On y est rarement reçu avec sourire par le ou la préposé(e) à l’accueil, yeux rivés sur son téléphone. À tous les locaux où l’on vous oriente, propos et gestes des uns et des autres vous poussent, vous « somment » avec subtilité à ouvrir votre porte-monnaie, à vous montrer « gentil ». Le traitement de votre dossier en dépend. Embêtante et énervante situation.
Les nombreux débits de boissons et églises ne vous gâtent pas non plus. Leurs gros baffles vous arrosent, de nuit comme de jour, en divers sons à décibels très élevés. Ils n’ont que faire de votre convalescence médicale ou de votre concentration intellectuelle.
La tranquillité, la stabilité psychologique manquent aux résidents de Kinshasa. On y vit avec la boule au ventre, la crainte de recevoir une visite nocturne des gens à mains armées ou de se faire cueillir en pleine rue par des inconnus pour motifs divers, pécuniaires, politiques ou sentimentaux.
Les habitants de la ville cherchent désespérément sécurité et solutions à toutes ces inquiétudes. Mais les autorités (politiques et policières) de Kinshasa sont malheureusement et tout le temps aux abonnés absents lorsqu’elles sont appelées à se pencher sur ces importantes préoccupations de la population. Leur « efficacité » ne se montre que lorsqu’il faut empêcher l’opposition politique de s’exprimer, de mouvoir. Regrettable. Il y a urgence que la capitale du pays soit intelligemment et efficacement gouvernée.
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Wina Lokondo