Kinshasa: La destruction des constructions anarchiques se poursuit

Gaston Mutamba Lukusa

Le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila, a lancé, le 9 janvier 2023, une opération baptisée « Coup de poing ». Cette action au nom quelque peu guerrier visait à assainir l’environnement, à maintenir la propreté, à dégager les artères principales et à faciliter la circulation. C’était dans la perspective du séjour du pape François du 31 janvier au 3 février. Il fallait dégager tout ce qui obstrue les artères principales. Requiem donc pour les tas d’immondices nauséabonds, les garages improvisés, les épaves de véhicules, les marchés pirates, les kiosques, les terrasses de fortune qui jonchaient les rues. Comme il se doit dans ce genre d’opération, la police, des camions et des bulldozers ont été mis à contribution. Enfer et damnation!

Maintenant que le Pape est venu, qu’il a vu et qu’il est parti, le gouverneur s’est dit qu’il n’est pas bon que les citoyens vivent dans la saleté. Ceci expliquant cela, l’opération « Coup de poing » fut reconduite. Ne dit-on pas que l’appétit vient en mangeant? Les bulldozers reprirent du service ainsi que la police. Stupeur et tremblements!

Des constructions anarchiques sont détruites sur des artères principales. Il y a dans le lot des maisons des particuliers, des commerces, des stations d’essence… Des malins avaient réussi à construire sur des collecteurs d’eaux d’égout, sur des bassins d’orage. Des buildings ont été érigés sur les principales voies d’évacuation des eaux, sur les avaloirs, sur les caniveaux et emprises publiques. Avec ces démolitions, des pans entiers du secteur informel sont mis à mal par ricochet! Pour ne pas crever de faim, des sans-emplois ont créé des garages, des ateliers mécaniques et de confection, des cabines de téléphone, des boutiques, des dispensaires, des briqueteries. Ce sont aussi les changeurs de monnaie et les petits commerçants ambulants. Il faut survivre suivant l’article 15 de la Constitution imaginaire qui prône la débrouillardise!

D’après mon ami qui sait tout, pour combler le vide laissé par des firmes, le secteur informel a pris le relais depuis la fin des années 1970. La plupart des entreprises industrielles et commerciales avaient mis la clé sous le paillasson à la suite de la zaïrianisation, des pillages, des guerres, de l’absence de l’Etat et du climat des affaires. Aujourd’hui, plus de 90% des entreprises de notre pays convoité par la Chine et par tous les pays voisins, opèrent dans l’économie informelle. Bref, passons!

Rusés comme des renards, certains propriétaires des immeubles détruits disposent de titres officiels. Sapristi! Il faut aussi punir les personnes qui ont illégalement délivré ces titres! Il arrive parfois qu’on avertisse du passage des Cavaliers de l’Apocalypse. Pour ceux qui qui ne le sauraient pas, les quatre cavaliers sont: Mort, Famine, Guerre et Conquête. Saperlipopette!

Ceux qui sont conscients qu’ils ont construit leur immeuble en toute illégalité, dorment d’un seul œil comme le crocodile ou le boa. Cela s’appelle un sommeil unihémisphérique. Dans ce cas, une moitié du cerveau s’éteint alors que l’autre reste vigilante afin de déceler des changements physiques dans l’environnement immédiat. Saperlipopette!

D’après mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa la déglinguée, le ministre des Affaires foncières avait établi, en juillet 2007, une liste des constructions anarchiques à détruire. Le gouverneur de la Ville de Kinshasa, en sa qualité de président de la Commission de démolition fut chargé de l’exécution de cette décision. Rien, absolument rien ne fut fait! Stupeur et tremblements! Des voix s’élèvent déjà contre les démolitions. Il parait selon la loi, que lorsqu’une construction anarchique est couverte par un titre, l’autorité administrative ne peut la démolir qu’après en avoir obtenu le déguerpissement par le juge compétent. Stupeur et tremblements! On sait comment fonctionnent nos tribunaux devant les espèces sonnantes et trébuchantes. La fin justifie parfois les moyens. Comme disait mon ami qui est devenu fou, « la caravane aboie, le chien passe ».

On dit chez nous que « dans une dispute avec un imbécile, c’est le sage qui s’en va ».


Gaston Mutamba Lukusa

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