Vendredi 9 septembre 2022, voilà une date à retenir. Les Congolais de l’intérieur autant que ceux de la diaspora ont vécu, ce jour, un réel événement. Il s’agit de la toute première interview accordée à un média – en l’occurrence Top Congo – par Mama Bobi Ladawa, la veuve du maréchal Mobutu Sese Seko. L’homme a dirigé le Congo-Zaïre durant 25 ans (1965-1990) en chef autocrate avant de mettre un peu d’eau dans son vin durant sept ans (1990-1997) en dirigeant le pays en « chef semi-démocrate ». C’était durant les sept premières années de « transition démocratique ». Homme à poigne, Mobutu ne manquait pas d’empathie.
Au total, le « Grand Léopard » – qui n’était qu’un être humain avec ses qualités et défauts – à marquer l’Histoire de ce grand pays au centre du continent africain. Et ce pendant 32 ans. Le « PF » (Président-fondateur), comme on l’appelait affectueusement, a laissé des réalisations qui parlent pour lui. Il serait fastidieux de les égrener.
A l’instar d’autres chefs autocrates entourés de zélateurs, « Papa Sese » n’a pas manqué de commettre des erreurs. Sa plus grosse erreur est et reste les mesures de nationalisations dites « zaïrianisations » intervenues en 1973. Destructurée, l’économie nationale n’a connu aucune embellie.
Au-delà du discours humaniste, les Occidentaux sont prêts à fermer les yeux face aux violations des droits de l’Homme. Malheur à quiconque oserait toucher à l’économie. Le cas de la Chine populaire est patent. Les Chinois ont reformé l’économie en laissant le système communiste en l’état. Tout le monde trouve son compte.
En 1985, Mikhaïl Gorbatchev, le nouveau maître de l’URSS lance la Perestroïka (restructuration) et la Glasnost (ouverture ou transparence). Fin 1989, on assiste à la chute du Mur de Berlin annonciatrice de la fin de la Guerre froide. Les régimes communistes du « Bloc soviétique » se sont écroulés les uns après les autres. Une aubaine pour l’Occident d’exiger des « réformes » aux potentats africains, devenus les « orphelins de la Guerre froide », dixit Jean Nguz a Karl I Bond, devenu opposant politique.
Au Zaïre, les élections générales étaient prévues en décembre 1991. Coût: 200 millions de dollars soit 10$ par électeur dont le nombre s’élevait à 20 millions. A l’époque, le budget de l’Etat zaïrois atteignait à peine 350 millions de dollars. Les gouvernants de l’époque escomptaient, comme à l’accoutumée, une aide exceptionnelle de la part des « partenaires traditionnels ». Entendez: les Occidentaux. Des Occidentaux qui n’avaient plus envie de soutenir des régimes autoritaires qui ont servi jadis de rempart à l’expansion du communisme.
La main qui donne étant toujours au-dessus de celle qui reçoit, les Occidentaux – les « Amis américains et belges » en tête – ont posé un préalable. A savoir que le Maréchal ne devait pas se représenter à l’élection présidentielle. Des émissaires américains – dont James Baker, alors secrétaire d’Etat US – ont été dépêchés à Kinshasa dans ce but.
L’ambassadeur Bill Richardson, un proche à Bill Clinton, sera le dernier porteur de ce message formulé plus ou moins comme suit: « Monsieur le Président, le monde occidental en général et les Etats-Unis en particulier vous sont reconnaissants pour les services rendus. Nous n’avons nullement l’intention de vous humilier. Nous vous demandons de faire une annonce solennelle disant que vous ne serez pas candidat à la prochaine élection présidentielle. Et qu’après l’élection de votre successeur, vous allez vous occuper de votre santé ». Mobutu n’a pas hésité à répondre par un « Non! » retentissant. La suite est connue.
Depuis la « révélation » de l’affaire dite du « massacre des étudiants de l’université de Lubumbashi » mi-mai 1990, le Zaïre, réputé pour sa diplomatie de la dépendance, était devenu exsangue. Le pays avait besoin des « soins intensifs »: la coopération est suspendue en cascade. Inutile de parler du social et de ce qui reste de l’économie. Mêmement pour l’armée et la diplomatie. Le fruit était mûr, comme avait dit le président Mobutu aux Nations Unies que « devant l’ouragan de l’Histoire, un fruit mûr ou pas mûr tombe quand-même ». Une phrase prémonitoire.
L’ouragan dont question s’appelait l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Une trouvaille du duo Museveni-Kagame, financée par certains milieux affairistes anglo-saxons. Le duo est coaché par des barbouzes américaines. Il ne manquait qu’une « caution zaïroise ». Sur une suggestion du président ougandais, le rôle fut confié à un opposant anti-mobutiste que l’on croyait en retraite. Nom: Laurent-Désiré Kabila. Après la mort mystérieuse de ce dernier, le duo, tel un prestidigitateur, a sorti de son chapeau un nouveau larbin. Il s’agit du « commandant Hippolyte », alias « Joseph Kabila ». L’homme s’appelait également Kanambe et Mtwale. Bonjour l’imposture!
Durant ses dix-huit années de pouvoir, cet imposteur a donné l’impression d’être « en mission ». Une mission qui consiste à maintenir le Congo-Zaïre à genoux tant sur le plan militaire qu’économique. L’homme s’est, par ailleurs, efforcé d’entretenir une instabilité permanente dans l’Est du pays. Et ce pour empêcher l’ex-Zaïre de représenter une menace pour la sécurité nationale de ses voisins dont l’Ouganda et le Rwanda.
Durant ces dix-huit années (2001-2019), « Joseph Kabila » qui n’avait aucune attache psychologique avec ce pays – qu’il a découvert à l’âge de 25 ans – a tenté, sans succès, de « gommer » le nom de Mobutu dans les allocutions officielles. Il lui arrivait de citer ses prédécesseurs en « oubliant » ce valeureux fils du pays.
Le vendredi 9 septembre, la radio Top Congo a donné à Mama Bobi Ladawa l’occasion de dire sa part de vérité. Sa part de vérité sur les derniers moments du régime de son regretté mari dont le nom reste et restera gravé dans le marbre de l’Histoire du Congo-Zaïre.
Conspué au moment où son cortège se rapprochait de l’aéroport de N’djili ce 16 mai 1997, le maréchal Mobutu mérite bien un acte de réhabilitation. L’heure a sonné pour réconcilier les Congolaises et Congolais avec leur Histoire.
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Baudouin Amba Wetshi