Depuis plusieurs semaines, des affrontements à l’arme lourde et automatique opposent l’armée congolaise (FARDC) à la prétendue « rébellion congolaise » dénommée « M23 » dans le Territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu.
Chaque jour, des localités changent des mains d’un belligérant à un autre. Et ce au péril de la sécurité des personnes et des biens. Depuis le mois de février dernier, des paisibles citoyens congolais vivent dans la peur dans leur propre pays. Ils sont terrorisés par des « pistoleros », sans foi ni loi venus du Rwanda.
Comme de coutume, un Congolais de souche est utilisé comme « caution ». L’objectif est de crédibiliser la « citoyenneté congolaise » du mouvement. Cette fois, la marionnette se nomme Willy Ngoma. Ce dernier joue, comme dans un film, le rôle de porte-parole.
Dans un communiqué, daté du dimanche 10 avril 2022, revêtu de la signature du sieur Willy Ngoma, le « M23 » annonce son retrait des « positions nouvellement conquises » aux FARDC. Il s’agit notamment de: Sabinyo, Tshanzu, Runyonyi, Ndiza et Tshengerero.
Dans la soirée de ce même dimanche, on apprenait que cette annonce n’était que du « bluff ». Dans un tweet publié sur son compte Twitter @StanysBujakera, ce confrère, qui cite un « expert », indique que les combattants du « M23 » avaient déjà réoccupé les positions précitées. Selon lui, cette réoccupation aurait eu lieu le vendredi 8 avril. C’était au moment où les chefs d’Etat des pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est étaient réunis en mini-sommet à Nairobi.
Que veulent les « combattants » du « M23 »? N’allons par quatre chemins. Créé en mars 2012 à Kigali – au même titre que le RCD-Goma d’Azarias Ruberwa et le CNDP de Laurent Nkunda – sous la haute direction de l’actuel maître du Rwanda dont le rêve est d’infiltrer les institutions congolaises. « La base politique de Kagame, c’est la violence, qu’il exporte dans la région ». Ces propos ont été tenus par le colonel Patrick Karegeya, deux mois avant son assassinat dans un hôtel à Johannesburg. « Le CNDP de Laurent Nkunda comme le M23, c’est lui qui les soutient. Il tient les commandes », ajoutait-il dans un entretien au Quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 6.11. 2013.
Ceux qui pratiquent la langue de Shakespeare savent que l’adjectif « Unreliable » est tout sauf un compliment. Ce mot se traduit simplement par: « peu fiable ». C’est ainsi qu’on qualifierait un menteur ou un hypocrite.
Le Congo-Kinshasa est entouré de neuf pays voisins: l’Angola, le Burundi, la Centrafrique, le Congo-Brazzaville, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie. Le Rwanda du président Paul Kagame est le moins fiable d’entre eux.
Depuis la prise du pouvoir à Kigali par l’ex-Front patriotique rwandais, en juillet 1994, les relations entre l’ex-Zaïre et le Rwanda sont malades du mensonge et de l’orgueil. A ces deux « maux », il y a lieu d’ajouter la convoitise.
Le mensonge – Fin septembre 1996, la terre entière apprenait que des membres d’une tribu inconnue jusque-là avaient pris les armes pour revendiquer leur citoyenneté zaïroise contestée. Le nom: « Banyamulenge ». Il s’agissait, en fait, des Banyarwanda. Des citoyens rwandais réfugiés au Congo après le renversement de la monarchie en 1959. Une « rébellion zaïroise » dénommée « AFDL » (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) verra le jour, fin octobre 1996, au Rwanda. En guise de « caution zaïroise », Laurent-Désiré Kabila est placé à sa tête comme porte-parole. La suite est connue.
Dans une interview accordée au magazine J.A. Intelligent n°2179 du 14 au 20 octobre 2002, le président Kagame finit pas passer aux aveux: « Notre objectif était double: en finir avec la menace immédiate des génocidaires et réaliser une sorte d’investissement à long terme en favorisant l’instauration à Kinshasa d’un pouvoir qui ne porte pas atteinte à la sécurité du Rwanda ». Traduction: Kagame s’est servi du prétexte « Banyamulenge » pour installer à Kinshasa un régime assujetti au Rwanda. Une sorte de sous-colonie.
L’orgueil – « Nous souhaitons la paix à tout le monde dans la région, mais quiconque nous souhaite la guerre nous la lui donnons. Nous avons des professionnels formés pour cela. Le Rwanda est de petite taille, notre doctrine est de faire la guerre en territoire ennemi quand cela l’exige ». C’est la déclaration faite par le chef de l’Etat rwandais le 8 février 2022. Le satrape de Kigali – qui est grisé d’avoir contribué à la chute du maréchal Mobutu – n’a goûté que très modérément la mutualisation des forces entre le Congo-Kin et l’Ouganda pour traquer les rebelles ougandais dits « ADF ».
La convoitise – Après avoir « installé » LD Kabila à la tête de l’ex-Zaïre, Paul Kagame considère le « Congo libéré » comme étant un « butin de guerre ». Tous les observateurs internationaux ont pourtant compris que l’argument sécuritaire avancé par Kagame chaque fois que ses troupes traquent les FDLR n’est qu’un fallacieux prétexte. La réalité est ailleurs: l’exploitation des ressources du pays et les velléités expansionnistes. Le RCD, le CNDP et le M23 servent de « masques » pour camoufler cette double ambition.
Les Congolais ne doivent pas confondre le peuple frère du Rwanda avec leurs dirigeants actuels réputés belliqueux et orgueilleux. Le peuple rwandais restera toujours un peuple frère. Hélas, le Rwanda du président Paul Kagame est un voisin « unreliable ». Peu fiable. Les dirigeants congolais seraient mal inspirés de ne pas prendre conscience de cette réalité.
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Baudouin Amba Wetshi