Questions directes à Roger Lumbala Tshitenga

Agé de 56 ans, ancien président du RCD-National, Roger Lumbala a fait partie de la délégation du M23 aux pourparlers de Kampala. « En qualité d’invité et non de membre », aime préciser l’intéressé. Après la promulgation de la loi portant amnistie le 11 avril dernier, il se prépare à remplir – à l’ambassade du Congo à Kampala – le formulaire ad hoc avant le retour au Congo. A Kinshasa, la presse parle de « mandats d’arrêt » que le procureur général de la République aurait émis à charge de Lumbala.

Vendredi 18 avril, « Roger » était de passage à Bruxelles. La rédaction de Congo Indépendant l’a rencontré. Selon lui, « le M23 était un mal nécessaire. C’est ce Mouvement qui a incité Joseph Kabila à se mettre autour d’une table dans le cadre des pourparlers de Kampala. C’est encore le M23 qui l’a poussé à organiser les Concertations nationales. On ne respecte que celui qui est fort… ».Interview.

Une certaine presse kinoise soutient que vous avez été aperçu à Kampala et à Kigali. Que faites vous à Bruxelles?

J’ai quitté Kampala le vendredi 11 avril dernier vers 17 heures par un vol de la compagnie aérienne « Rwandair ». Je m’étais rendu dans la capitale ougandaise pour remplir le formulaire prévu dans le cadre de la loi d’amnistie. Après une escale d’une heure dans la capitale rwandaise, j’ai poursuivi mon voyage à Johannesburg.

Avez-vous rempli ledit formulaire?

Pas encore. C’est l’ambassade de la République démocratique du Kampala qui est chargée de nous les remettre. C’est depuis hier (Ndlr: jeudi 17 avril), que les gens ont commencé à remplir ce « questionnaire ». Je me souviens d’avoir croisé des compatriotes à l’aéroport d’Entebbe. Ils venaient de Kisangani. Leur destination était Bunia. J’ai été surpris d’apprendre que pour aller à Bunia, dans le district de l’Ituri, ces compatriotes, partis de Kisangani, devaient transiter par un aéroport ougandais, en l’occurrence celui d’Entebbe.

Comment expliquez-vous cette situation?

C’est un dysfonctionnement. Un problème d’organisation au niveau du Congo. C’est à cette occasion que certains de ces voyageurs sont venus me saluer. Ils m’ont demandé ma destination. Je n’ai pas hésité à leur dire que je me rendais en Afrique du Sud. Mais, comme j’avais embarqué dans un aéronef de la Rwandair, ils ont vite tiré la conclusion. Ils ont appelé Kinshasa en affirmant: « Nous avons vu Roger Lumbala prendre un avion pour se rendre à Kigali où il doit rencontrer le président Paul Kagame pour fomenter un coup contre la République démocratique du Congo ».

Que répondez-vous à ceux qui allèguent que la justice congolaise aurait lancé plusieurs mandats à votre charge?

C’est de la propagande! De la propagande orchestrée par des gens qui ne sont pas d’accords avec le chef de l’Etat, Monsieur Joseph Kabila Kabange.

A qui faites-vous allusion en particulier?

Je ne peux pas citer les noms des gens ici. Je réponds à l’invitation lancée par le président Joseph Kabila qui a dit que Roger Lumbala va bientôt revenir au pays suite à la promulgation de la loi d’amnistie, mais aussi dans le cadre de la cohésion nationale. Les membres de la majorité devraient suivre la ligne tracée par le Président. Mais, comme il règne une grande confusion à l’intérieur de cette majorité, on tire à hue et à dia. Chacun prend position en fonction de ses intérêts.

Etes-vous entrain de dire qu’il y a, dans l’entourage de « Joseph Kabila », des gens qui voudraient « torpiller » l’exécution de la loi d’amnistie?

Bien-sûr! Il suffit de regarder ce qui se passe dans le fief électoral de Monsieur Lambert Mende Omalanga dans le district du Sankuru au Kasaï Oriental. Ce qui se passe là-bas, c’est le désordre et le conflit permanent entre les Tetela de la « savane » et ceux de la « forêt ». Des « frères » qui refusent tout dialogue. Je ne suis pas de cette nature. Je suis un rassembleur. Le chef de l’Etat a souhaité le retour de Monsieur Lumbala. Tout le tralala me laisse indifférent.

A vous entendre parler, on est tenté de conclure que Mende ferait partie des « faucons » du régime en place…

Il fait partie des « oiseaux de mauvais augure ». Des « oiseaux » qui passent le clair de leur temps à chanter les malheurs des autres. Il n’a jamais contribué à une réconciliation. Un homme politique doit être un bon père de famille. A partir du moment où un politicien n’a pas forgé l’unité dans sa propre famille, il est difficile pour lui de gérer la Cité.

Etes-vous toujours disposé à rentrer à Kinshasa?

Comme vous le savez, maintenant que les formulaires ad hoc sont disponibles, je vais me rendre en Ouganda pour les remplir. Il s’agit pour moi de respecter la procédure à suivre. Par la suite, je vais organiser mon retour en République démocratique du Congo. L’amnistie est une loi. La loi doit être respectée par tout le monde.

Moïse Chokwe a été arrêté à son retour à Kinshasa. Avez-vous de ses nouvelles?

Je n’ai pas de ses nouvelles. Je peux, cependant, vous dire qu’il sera bientôt remis en liberté.

Quels sont les faits qui lui sont reprochés?

Je ne dispose pas d’éléments précis. Je répète tout simplement qu’il sera relaxé. Il me revient que les oiseaux de mauvais augure racontent quand ils sont perchés sur les arbres que Roger Lumbala est membre du M23. Je tiens à préciser que je n’ai jamais été membre du M23. A preuve, mon nom ne figure ni dans les structures militaires encore moins dans les structures politiques de ce Mouvement.

Vous avez néanmoins eu à co-présider la délégation du M23 aux pourparlers de Kampala…

C’est également le cas de François Muamba et de Christian Badibangi, du côté gouvernemental. Etaient-ils pour autant membres du gouvernement? Que dire de la présence de Monsieur Apollinaire Malumalu qui se trouvait dans le même groupe tout en se réclamant de la société civile? Le M23 avait incorporé dans sa délégation des membres de la société civile ainsi que des opposants politiques. C’est mon cas. Quand les oiseaux de mauvais augure parlent de poursuites judiciaires, je tiens à préciser que depuis que je suis né en République démocratique du Congo, je n’ai jamais fait l’objet des poursuites de la part de la justice du pays. Je n’ai jamais été accusé de viol sur des mineures, de vol ou de détournements de deniers publics.

Vous avez été néanmoins un chef rebelle…

J’ai été un chef rebelle. Cela a été « lavé » par l’amnistie de 2003. Dans mon rôle d’homme politique, on pourrait me tenir rigueur des déclarations que j’ai faites contre Joseph Kabila. On pourrait me reprocher des « faits insurrectionnels » étant donné qu’on m’avait imputé la rébellion menée par le colonel John Tshibangu. Personne ne pourrait m’imputer des faits de guerre pour la simple raison que je n’ai pas fait la guerre contre la République démocratique du Congo. Je mets au défi quiconque qui aurait des griefs contre Monsieur Roger Lumbala à se manifester. Je n’ai que faire des gesticulations et autres incantations de ceux qui sont dans la « mangeoire » et qui se croient menacés par de nouveaux arrivants. Nous sommes dans la logique de l’arrangement de paix conclu à Nairobi. Nous voulons nous retrouver dans le cadre de la cohésion nationale. Notre pays ne gagne rien en cherchant des conflits inutiles et à lancer des philippiques à l’endroit des pays voisins. Nous avons intérêt à promouvoir des relations de bon voisinage pour consolider la paix dans la région.

Quelle est votre « part de vérité » sur la fin de la guerre? Peut-on franchement soutenir que le M23 a subi une défaite?

C’est une « défaite diplomatique ». Maintenant que l’accord mettant fin au conflit et la loi d’amnistie ont été signés, il devient dérisoire de revenir sur des choses qui fâchent. Tout le monde a eu à constater le triomphalisme affiché à Kinshasa. Je suis resté, pour ma part, constant en déclarant que les deux parties allaient signer onze points qui ont déjà été discutés. Et qu’il y aura une amnistie totale. Il est de bon de rappeler que l’amnistie n’est pas le fait du gouvernement de Kinshasa mais bien de la communauté internationale. C’est la communauté internationale qui a insisté pour qu’une amnistie soit décrétée. Il y a des gens qui n’ont rien compris. C’est le cas notamment de Lambert Mende Omalanga qui, par ailleurs, fut un rebelle. Aujourd’hui, il s’évertue à cirer les pompes du président Joseph Kabila pour préserver son poste. Monsieur Joseph Kabila n’est pas un ennemi pour moi. C’est un adversaire politique. Lorsque je serai élu président de la République, il bénéficiera de toutes les garanties après son mandat.

Serez-vous candidat à l’élection présidentielle de 2016?

Absolument! J’ai déjà dit que je suis candidat à la Présidentielle de 2016. Quand je serai élu, je serai le président de tous les Congolais. Je ne mènerai en aucun cas une politique revancharde. Au cas où je serais élu en 2016, je ferai tout pour rendre l’impérium à Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Je suppose que M. Tshisekedi a été élu président de la République en 2011.

Vous supposez où vous en avez la conviction?

J’ai la conviction qu’il a été le véritable vainqueur de l’élection présidentielle de 2016.

Si c’était à recommencer, feriez-vous toujours partie de la délégation du M23 à Kampala ou de n’importe quel autre groupe rebelle?

Bien-sûr!

Pourquoi?

Tout simplement parce que la République démocratique du Congo n’est pas la propriété de quelques individus. Ce pays appartient à tous les Congolais. Les gouvernants doivent être à l’écoute des aspirations profondes des citoyens. D’autre part, j’ai compris une chose. A savoir que c’est l’existence du M23 qui a incité Monsieur Joseph Kabila à accepter de se mettre autour d’une table à Kampala et à organiser les concertations nationales. A contrario, vous pouvez constater avec moi que depuis 2011 à ce jour, Monsieur Joseph Kabila n’a jamais engagé des pourparlers avec Monsieur Etienne Tshisekedi.

Le M23 était, selon vous, un mal nécessaire…

Bien entendu! C’est une question de rapport de force. On ne respecte que celui qui est fort

 

Propos recueillis à Bruxelles par Baudouin Amba Wetshi

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